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Consommation de viande: pourquoi le boeuf disparaîtra de nos assiettes dans le futur

Pourquoi le boeuf disparaîtra de nos assiettes?
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Oubliez la viande de cheval et imaginez la scène: un steak, tout seul dans son assiette blanche, immaculée. Face à lui, les yeux rivés sur le bout de viande cuite à point, un humain, couteau dans la main droite, fourchette dans la main gauche. Il a été tiré au sort dans une loterie mondiale (à laquelle peu d'Indiens ont participé). L'instant est solennel et le silence se fait en dépit de la présence de nombreux journalistes et caméras qui diffusent l'événement en live sur Internet. Le monde entier l'observe depuis son écran, et pour cause... Dans quelques instants, le dernier bout de viande de la planète aura disparu, avalé.

La fin de la viande, c'est possible? Eh bien oui. Si la scène précédente est évidemment imaginaire, notre consommation de viande pourrait bien être amenée à se réduire comme peau de chagrin au cours des prochaines décennies. Croissance démographique, pollution, hausse des coûts de production mais aussi nouveaux produits de substitution, les raisons qui provoqueront cette diminution de la consommation de viande sont nombreuses. À commencer par la première, la plus évidente. Lorsqu'ils mangent de la viande, de plus en plus de consommateurs ont le sentiment désagréable de ne plus savoir ce qu'ils ingèrent. Pour le reste, Le HuffPost passe en revue les principales raisons qui préfigurent la fin du steak.

  • 1. Parce que le nombre de carnivores va augmenter

C'est l'un des principaux arguments des végétariens qui, à l'image du journaliste Aymeric Caron, reprennent du poil de la bête avec le scandale de viande de cheval. Selon eux, si nous ne réduisons pas notre consommation de viande, la terre ne disposera plus de suffisamment de terres arables pour subvenir aux besoins en viande de l'ensemble de la planète.

Dans l'état actuel des choses, la prospective leur donne raison. En septembre 2012, une étude du Centre international de l'eau à Stockholm estimait que notre consommation de viande devrait être divisée par quatre d'ici 2050 afin que nous puissions continuer d'en consommer. En cause, l'augmentation de la population d'environ 2 milliards d'individus et donc autant de bouches à nourrir qui, si elles ne consommeront pas toutes de la viande, feront néanmoins augmenter fortement la demande de viande jusqu'à la rendre insoutenable pour notre agriculture.

(Suite de l'article en dessous)

Le quorn

Ils remplaceront la viande

Or rien n'est plus gourmand en énergie que produire de la viande. Selon le rapport 2009 de la FAO, 40% de la production agricole mondiale est dédiée à la production de viande. Si celle-ci augmente, cela accaparera davantage de terres arables augmentant le risque de famine en cas de sécheresse. L'eau pourrait être amenée à manquer, les cultures fourragères représentant aujourd'hui 8% de sa consommation mondiale. Enfin, la production de viande est une activité polluante. Si elle ne représente que 2% du PIB mondial, elle est néanmoins responsable de 18% des gaz à effets de serre.

Méthane ou encore contamination des sols, on se souvient par exemple des vagues de pollution d'algues vertes qui ont touché la Bretagne et dont la cause n'était autre que les nitrates produits par l'élevage intensif de porc.

En 1996 déjà, la pollution aux algues vertes inquiétait.

  • 2. Parce que la viande sera un produit de luxe

Comment? Nous, Français, ne consommerons plus de viande? Non, mais nous en mangerons moins. Selon la futurologue spécialiste de l'alimentation Morgaine Gaye, contactée par Le Huff Post, "nous avons d'ores et déjà atteint le pic de production de viande, son prix augmente sans cesse, la valeur de ce produit sera donc amenée à changer."

Demain, lorsque nous mangerons de la viande, "nous la payerons cher, à l'image des bouchers spécialisés où nous irons l'acheter," explique Morgaine Gaye. Telle une exacerbation de la tendance que l'on observe aujourd'hui où le marché se divise entre la boucherie d'un côté et les produits issus de l'industrie agroalimentaire de l'autre, demain la viande sera un produit de luxe réservé aux grandes occasions, exactement comme par le passé.

Car "la consommation de viande a grande échelle est une nouveauté qui date des années 1960," rappelle au HuffPost René Laporte, ingénieur agronome et auteur de La viande voit rouge. Selon lui, le modèle de l'agriculture intensive est dans l'impasse, "la viande est un produit qui coûte cher à produire et dont la limite des prix a été atteint." En témoigne notre consommation de viande qui diminue chaque année, une dynamique de fond donc, qui n'est pas de nature à inverser la vapeur.

De la viande vendue au prix du caviar en 2050? Peut-être. L'affaire de la viande de cheval nourrit en tout cas un besoin de transparence qui va aller en grandissant. Selon Morgaine Gaye, à l'avenir "les consommateurs voudront non seulement connaître leur boucher mais aussi connaître l'éleveur." Ces éleveurs, il y en aura donc toujours mais leur activité se portera sur des animaux de race vendus à prix d'or.

Et le lait dans tout cela? La question se pose car la majeure partie de la viande que nous consommons aujourd'hui provient de vache à lait. Réduirons-nous aussi sa consommation? "Oui," affirme Morgaine Gaye, "non seulement nous consommons de plus en plus de lait d'origine végétale que ce soit du lait de riz, d'avoine ou de noix de coco, mais nous sommes bien plus conscients des problèmes de tolérance au lactose, aujourd'hui 80% de la population mondiale y est intolérant."

  • 3. Parce que des produits de substitution existent et qu'ils sont de plus en plus utilisés

Si l'industrie agroalimentaire est capable de nous servir de la viande hachées à toutes les sauces, elle sera aussi capable de produire en masse des substituts de viande d'origine principalement végétale dont les qualités nutritives seront égales ou supérieures à celle de la viande.

Bien que cela ne nous saute pas aux yeux en France, l'usage de ces produits de substitution de la viande est de plus en plus courant dans le monde anglo-saxon où les végétariens sont de plus en plus nombreux.

Ces produits, Morgaine Gaye en distingue principalement quatre. Le quorn, une protéine d'origine végétale, les algues, les insectes et la viande produite en laboratoire.

  • 4. Parce que la viande produite in vitro sera bientôt une réalité

Nous vous en avions parlé il y a quelques semaines lorsqu'une entreprise, Modern Meadow, avait rassemblé près de 350.000 dollars afin de développer une machine capable d'imprimer de la viande en 3D. Lubies d'un chercheur ou avenir de la production de viande, nous avons voulu en savoir plus.

A priori, si l'idée d'une viande produite en laboratoire ferait sourire, c'est pourtant très sérieux. Aux Pays-Bas des chercheurs emmenés par le biologiste Mark Post, de l'université de Maastricht, ont précédé Modern Meadow en produisant des steaks synthétiques. Si ceux-ci coûtent près de 300.000 dollars pièce, n'ont pas de goût et une texture apparemment plutôt décevante, Mark Post ne désespère pas de trouver le moyen d'adapter cette production à l'échelle industrielle et de l'améliorer pour produire de la viande de qualité au moins égale à celle qui rentre dans la composition de nos hamburgers industriels.

Un avantage pour la planète car la production de viande in vitro est bien moins gourmande en énergie que l'élevage. Or, comme l'explique Mark Post, "un végétarien qui roule en 4x4 est bien moins polluant qu'un cycliste qui mangerait de la viande."

Comment ça marche? Sur le papier c'est assez simple. Des cellules souches sont programmées pour se développer en cellules de muscle de boeuf et sont ensuite cultivées. Pour les observateurs, ce procédé devrait pouvoir se généraliser. Selon Morgaine Gaye, la viande synthétique est nécessairement amenée à se développer. Choquant? Selon elle, il n'y a pas de quoi:

"Tout ce qu'on fait aujourd'hui en matière d'élevage et d'agriculture est considéré comme normal et le futur nous paraît improbable. Cependant, nous avons toujours joué à Dieu. Nombre des aliments que nous connaissons aujourd'hui sont des créations de l'homme à l'image des fruits sans graines, de la salade iceberg, de certaines variétés de maïs ou encore de la truite arc-en-ciel qui sont des hybrides. Maintenant on s'intéresse au clonage, aux bébés éprouvettes et à la recherche sur les cellules-souches, tout cela fait partie du même tableau. La viande in vitro devrait permettre de s'attaquer à la question de l'élevage, de la pollution, de l'espace nécessaire et de la production agricole consommée par les animaux."

Mais de la viande produite en laboratoire est-elle susceptible de satisfaire les végétariens? Nous avons posé la question à Aymeric Caron, journaliste et auteur de No Steak, et sa réponse est surprenante: "Manger du steak reconstitué en laboratoire? Sur le principe ça ne me gêne pas, alors pourquoi pas." D'après Aymeric Caron, "c'est dans l'intérêt de l'industrie de se débarrasser de l'animal qui est une contrainte." Même son de cloche du côté de Morgaine Gaye. L'industrie devrait se convertir à cette viande sans animaux qui pourrait à terme lui coûter moins cher à produire.

Les environnementalistes qui s'opposent aux OGM devront donc faire face à un nouveau dilemme: accepter de produire de la viande génétiquement modifiée en laboratoire, ou livrer la planète aux élevages de plus en plus nombreux.

  • 5. Parce que la boucherie végétarienne va faire de plus en plus d'adeptes

Boucherie végétarienne, a priori cela sonne comme un oxymore, c'est pourtant une réalité en Australie mais aussi, plus proche de nous, chez nos voisins des Pays-Bas. À La Haye, la première boucherie végétarienne, De Vegetarische Slager, a ouvert il y a deux ans. Depuis, elle est distribuée dans plus de 500 points de vente à travers le Bénélux et estime doubler ce chiffre d'ici la fin de l'année. Même chose au Portugal où elle dispose de vingt-cinq points de vente, ou encore en Finlande.

L'entreprise prévoit surtout de se développer en Grande-Bretagne, en Irlande, aux Etats-Unis, au Brésil ainsi qu'en Argentine et au Canada. Et la France dans tout ça? "On aimerait bien, mais nous sommes toujours à la recherche d'un partenaire sérieux", explique le dirigeant de la franchise Jaap Korteweg, contacté par Le HuffPost. Les principaux intéressés par ce concept? "Les multinationales à la recherche de projets durables, mais aussi les investisseurs, les compagnies aériennes et les grandes entreprises de traiteur toutes soucieuses de pouvoir proposer des plats végétariens aussi appétissants que les plats carnés.

Le secret derrière la boucherie végétarienne? Un autre substitut de viande, le lupin, une plante facile à cultiver dans les pays du nord, qui ne nécessite pas ou peu d'engrais et de produits chimiques, celle-ci produisant ses propres nutriments en assimilant l'azote présent dans l'air. Ce sont ses graines qui rentrent dans la composition des produits de boucherie. Habituellement, ils sont consommés à l'apéritif dans des pays comme le Portugal. Autre ingrédient phare de l'entreprise: les petits pois. Qui l'eût cru? Quoiqu'il en soit, le résultat est bluffant. La preuve en images:

Des yakitoris de poulet?

La boucherie végétarienne en images

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