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Marcil appelé à réfléchir à ses réponses

Marcil appelé à réfléchir à ses réponses
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L'ex-directeur de la réalisation des travaux publics à la Ville de Montréal, Robert Marcil, assure qu'il n'était pas au courant que des entrepreneurs en construction faisaient de la collusion pour se répartir des contrats publics.

Lors de son témoignage devant la Commission d'enquête sur l'octroi et la gestion des contrats publics dans l'industrie de la construction, Robert Marcil a dit qu'il n'avait appris l'existence de ce système que cet automne, grâce aux travaux de la commission.

Plus tôt en après-midi lundi, le procureur en chef adjoint Denis Gallant avait soumis au témoin les noms de différents entrepreneurs en construction qui récoltaient des contrats à la Ville - Simard-Beaudry, Louisbourg Construction, Garnier, Infrabec, Mivela, etc.

Robert Marcil a nommé les personnes qu'il connaissait au sein de ces firmes, identifiées par d'autres témoins comme des collusionnaires. Selon lui, ces responsables pouvaient l'appeler à l'occasion pour l'interroger sur des paiements à venir pour des projets qu'ils avaient réalisés.

Il a brièvement reconnu avoir fait un voyage en Italie avec Giuseppe Borsellino de Garnier Construction, mais n'a pas donné plus d'informations sur le sujet, puisque le procureur Gallant entend revenir sur ce dossier spécifique ultérieurement.

Le témoin a aussi dit qu'il pouvait manger au restaurant avec certains de ces responsables à deux ou trois reprises chaque année, une pratique courante selon lui. Il affirme également avoir déjà assisté une fois à un barbecue annuel organisé par Tony Catania du groupe Catcan.

Selon Robert Marcil, les fonctionnaires de la Ville de Montréal recevaient d'ailleurs souvent des bouteilles de vin ou des invitations pour des tournois de golf. « C'est une pratique d'affaires qui existe au Québec depuis très très longtemps [...] Ce n'est pas nouveau et ce n'est pas exclusif à la Ville de Montréal. ».

Le procureur Gallant a tenu à conclure la journée en présentant deux extraits de conversations téléphoniques captées en juin 2009 par des policiers de l'opération Diligence, qui enquêtait sur l'infiltration du crime organisé dans l'industrie de la construction.

Le premier extrait était un message téléphonique laissé par Robert Marcil sur la boîte vocale d'un dénommé Robert Lapointe. Le patron des travaux publics y indique qu'il aimerait passe le voir demain pour lui remettre des documents.

Le second extrait est une conversation entre les deux mêmes hommes, tenue le lendemain. On entend Robert Marcil dire à Robert Lapointe qu'il passe à ses bureaux dans quelques minutes. « Ton bureau est-il à côté de ceux de Valmont, où était le mien avant? » demande Robert Marcil. « Oui », répond Robert Lapointe.

« Je vais arrêter là-dessus monsieur Marcil, et je vais vous demander de réfléchir à vos réponses [...] je vous demanderais de consulter quelqu'un pour qui j'ai beaucoup d'estime, qui est votre avocat », a conclu Me Gallant, avant que la séance ne soit levée.

Le procureur Gallant n'a pas précisé qui était le Robert Lapointe en question. Le témoin avait cependant évoqué un « monsieur Lapointe », plus tôt, lorsqu'on lui avait demandé qui était son contact au sein de l'entrepreneur Arctic Beluga.

« C'est un monsieur que vous n'êtes pas allé rencontrer spécifiquement pour un contrat, jamais? », lui avait demandé le procureur Gallant. « Non », avait répondu le témoin, selon lequel Arctic Beluga n'était « pas un joueur majeur ».

Construction Arctic Beluga est une entreprise de construction dirigée par Robert Lapointe. Ses bureaux sont situés tout près de ceux des bureaux de Valmont Nadon Excavation, sur le boulevard Dagenais, à Laval.

Marcil occupait un rôle-clé à la Ville de Montréal

Robert Marcil, qui travaille pour la firme de génie-conseil SM depuis son départ de la Ville, en juin 2009, a été appelé à la barre au terme du témoignage de l'analyste enquêteur de la commission, Guy Desrosiers.

Ce dernier est venu expliquer, sur la base de divers rapports, que la Ville était au courant depuis longtemps que les coûts des contrats explosaient, et que les contrôles qui permettaient de les empêcher manquaient.

Le procureur en chef adjoint, Denis Gallant, a longuement passé en revue les différentes fonctions que Robert Marcil a occupées à la Ville au fil du temps.

Il a ainsi été établi que le témoin a dirigé la division de l'ingénierie urbaine à compter de 2003, et que les tâches qui incombaient jusque-là à un directeur de la division de l'ingénierie de la voirie lui ont été données en 2004.

En 2007, l'unité dirigée par Robert Marcil est devenue la division de la construction et mise en oeuvre des projets. Elle relevait maintenant de la direction de la réalisation des travaux, alors dirigée par Gilles Robillard.

Robert Marcil prendra la place de Gilles Robillard en 2008, par intérim. Il y restera jusqu'à ce qu'il annonce sa démission, en juin 2009.

Qui fait quoi et à quel moment?

En début d'après-midi, Robert Marcil est revenu sur la mécanique décisionnelle entourant les projets à la Ville de Montréal.

Le témoin a expliqué que la Ville détermine dans un premier temps la nécessité ou non de faire des travaux de voirie, par exemple, sur une rue X. Ces travaux seront-ils faits par le privé ou à l'interne? Le choix dépend, entre autres, de la complexité des travaux et du volume des travaux.

La Ville utilisait peu les firmes de génie en 2003-2004. Il y a eu une « volonté politique » en 2005-2006, selon M. Marcil, d'aller du côté du privé.

Dans ces années, le politique a décidé d'investir massivement dans ses infrastructures. La direction de la réalisation des travaux est passée de 40 millions de dollars de travaux à plus de 200 millions entre 2004 et 2009, dit Marcil.

« La tendance du politique est de donner ça aux consultants », dit-il. C'est plus facile, parce qu'on peut arrêter quand on veut. Si on embauche des gens à l'interne, c'est un engagement de 30 ans.

À la suite de ce constat, les travaux ont été orientés vers les consultants, dit Marcil.

La planification établie par la Ville n'est pas publique, dit Robert Marcil. Les entrepreneurs ne sont pas avisés de façon officielle, ajoute-t-il. Les employés ne transmettaient pas d'information à ce sujet non plus, du moins « pas à ce que je sache », mais il ne croit qu'une directive à ce sujet existait. Lui n'en a pas rédigé.

Dans l'attente de réponses à de multiples allégations

Robert Marcil a rencontré les enquêteurs de la commission l'automne dernier, mais a toutefois refusé de rencontrer les procureurs. Il a déjà fait savoir, dans un communiqué publié le mois dernier, qu'il n'a « jamais reçu de somme d'argent » de la part de quiconque.

« Voyant que ma crédibilité est remise en cause, j'annonce que je souhaite être entendu comme témoin à la commission, et ce, dans les plus brefs délais », écrivait-il dans ce communiqué, publié dans la foulée du témoignage du PDG de Génius, Michel Lalonde.

Robert Marcil a quitté la Ville de Montréal dans des circonstances troubles. Des enquêteurs avaient entrepris de l'interroger sur un voyage en Italie fait en compagnie de l'entrepreneur Giuseppe « Joe » Borsellino, de Garnier Construction en octobre 2008.

Plus tôt ce mois-ci, Giuseppe Borsellino a affirmé qu'il a payé toutes les dépenses de Robert Marcil lors de ce voyage - hôtels, restaurants, billets de train, etc. -, exception faite de son billet et de celui de sa femme, qui l'accompagnaient.

Ce voyage qui réunissait 8 personnes a coûté près de 50 000 $ à Giuseppe Borsellino. L'entrepreneur a dit l'avoir invité parce qu'il avait besoin de soigner ses relations avec les représentants de la Ville de Montréal.

En janvier, Michel Lalonde est venu affirmer qu'il avait déjà remis 2000 $ à Robert Marcil, afin qu'il le remette à un membre d'un comité de sélection. Il a été prouvé un peu plus tard que Marcil siégeait lui-même à ce comité.

« De façon générale, avait précisé Michel Lalonde, M. Trépanier [ex-grand argentier d'Union Monrtréal] m'avait dit "Écoute, on s'occupe de M. Marcil comme tel". Puis il m'avait dit : "Écoute, d'après moi [...]probablement que ça sera environ 5000 $ par comité de sélection ou par événement-là", il ne m'avait pas précisé plus que ça ».

Michel Lalonde avait préalablement expliqué que Bernard Trépanier et lui répartissaient les grands contrats d'infrastructures à venir entre diverses firmes de génie. Celle qui était désignée pour l'emporter devait verser 3 % à Union Montréal. Les comités de sélection devaient cependant avaliser ce choix.

Selon d'autres témoins entendus jusqu'à maintenant, la collusion dans l'octroi des contrats publics à Montréal n'aurait pas été possible sans la complaisance et la collaboration de cet ancien haut fonctionnaire.

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