Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Québec, qui a fermé ses portes en 2021.

Père retranché sur la grue à Nantes: une opération coup de poing qui a mis la lumière sur les pères "privés" de leurs enfants (VIDÉO)

Coup de pub réussi pour les pères "privés" de leurs enfants
AFP

GARDE D'ENFANT - C'est une opération coup de poing qui a porté ses fruits. Depuis vendredi 15 février Serge Charnay est retranché dans une grue désaffectée située sur les anciens chantiers navals de Nantes. Son but? Mettre la lumière sur sa situation que partagent de nombreux hommes en France. Il y a deux ans, Serge Charnay s'est vu retiré son droit de visite à son fils Benoît suite à une condamnation pour soustraction d'enfant. Opération réussie puisque le gouvernement s'est saisi du dossier.

Le premier ministre Jean-Marc Ayrault a en effet déclaré dimanche 17 février dans un communiqué suivre "avec la plus grande attention la situation du père qui s'est retranché en haut d'une grue à Nantes". Il a également demandé aux ministres de la Justice et de la Famille, Christiane Taubira et Dominique Bertinotti, de recevoir la semaine prochaine l'association SOS Papa (qui soutient l'initiative du père) et d'autres associations de défense des droits des pères".

Lundi 18 février au matin, il a affirmé qu'il attendrait que cette réunion ait lieu pour descendre de sa grue. "Je vais descendre après la réunion de Mme Taubira avec les associations" de défense des droits des pères, a affirmé Serge Charnay, 42 ans, "sauf si vraiment il y avait des imprévus pour d'autres raisons".

"Entendre les revendications des pères"

Un peu plus tôt dans la journée, la ministre de la Famille Dominique Bertinotti s'est justement exprimé sur le sujet sans se prononcer spécifiquement sur le cas de Serge Charnay. Elle a estimé qu'il fallait "entendre les revendications des pères" sur le sujet de la garde des enfants en cas de séparation des parents.

"On ne peut pas vouloir à la fois l'égalité femme-homme, et en même temps, ne pas entendre les revendications des pères qui entendent assumer à part égales leurs responsabilités de parents", a déclaré la ministre à l'AFP-TV en marge d'une réunion publique sur la petite enfance. "C'est une question qui est importante, qu'il ne faut pas sous-estimer", a-t-elle dit, reconnaissant que dans le courrier qu'elle reçoit "il y a de plus en plus une demande des pères d'être mieux reconnus dans leur fonction de père".

Interrogée sur l'action de Serge Charnay, la ministre a refusé de s'exprimer sur ce cas précis. "Je pense qu'il y a d'autres moyens d'action pour faire parler de la cause des pères et moi je ne me prononcerai pas sur des décisions de justice dont je n'ai pas connaissance de l'étendue du dossier", a-t-elle dit. "On voit bien combien la médiation en France est quelque chose d'insuffisant, car arriver à ces extrêmes c'est aussi l'échec d'une médiation qui n'a pas fonctionnée, qui n'a pas su aboutir", a-t-elle ajouté.

Du côté de l'opposition, c'est Valérie Pécresse, députée des Yvelines, qui est la première a avoir commenté l'affaire. "Il faut que la garde alternée devienne le principe et qu'il y ait des exceptions, mais que l'on puisse avoir un droit, un accès des parents, des pères, davantage à leurs enfants", a souhaité l'ancienne ministre sur France 3. "Le problème pour les politiques et pour les législateurs, c'est que chaque séparation est une situation singulière. Et qu'en réalité, on a beaucoup de mal à régler tous les problèmes qui seront liés à la séparation", a-t-elle ajouté.

Les associations sur le pied de guerre

Du côté des associations, il y a deux sons de cloche. Pour l'association SOS Papa, association de défense des pères séparés, Serge Charnay est "victime de la justice familiale en France". Selon Fabrice Mejias, le président de l'association, "1,3 million de papas sont privés de leur enfant dans ce pays et il n'est pas surprenant que des papas aillent jusqu'à faire des coups d'éclat afin de se faire tout simplement entendre".

Une autre association, SVP Papa a d'abord soutenu l'action de Serge Charnay avant de s'en désolidariser notamment pour des raisons de sécurité mais aussi parce que Charnay avait refusé la main tendue de la préfecture. Malgré tout, l'association déplore la situation. "Il reste néanmoins scandaleux que des hommes en soient réduits à de telles extrémités à cause de l'application de la loi qui est faite par les juges aux affaires familiales: la loi actuelle est équitable, c'est l'interprétation qu'ils en font qui ne l'est pas". Une journée nationale de manifestation pour les droits des pères est d'ailleurs organisée par SVP Papa, à Nantes, mercredi 20 février.

Cependant, une autre association s'est invitée au débat, dans la journée de dimanche, et est montée au créneau. SOS les mamans estime que la victimisation des pères "a assez duré". Selon cette association, "la résidence alternée et la résidence principale chez le père se développent, y compris quand la mère s'y oppose" bien que la "majorité des pères ne revendiquent pas la résidence principale ou en alternance".

D'autres papas en colère

Le geste de Serge Charnay n'a pas fait réagir que les politiques. En effet, depuis la médiatisation de son affaire, plusieurs autres pères "privés" de leurs enfants ont imité l'ancien ingénieur informaticien. Celui dont on a le plus entendu parler est Nicolas Moreno. Samedi 16 février, il avait escaladé une autre grue à Nantes.

Sa mère avait expliqué que c'était "une action de solidarité avec le premier papa retranché dans la première grue et en solidarité avec tous les papas qui veulent s'occuper de leurs enfants". Nicolas Moreno est lui même "privé" de ses deux fils qui ont été confiés à la mère. Cependant, contrairement à Serge Charnay, ce papa de 34 ans est redescendu sur la terre ferme en fin de journée. Selon les informations du journal Sud Ouest, Nicolas Moreno aurait d'ailleurs demandé à Serge Charnay "d'arrêter son action tant avant qu'elle ne se retourne contre eux".

Deux autres cas ont été relayés par la presse. Un à Strasbourg où un homme qui affirme être privé de contact avec son fils depuis trois ans est resté pendant près de deux heures dans une grue. Il avait menacé de "sauter dans le vide". Il est finalement descendu après intervention de la police. Le second cas a été repéré à Saintes, près de La Rochelle. Un père de 41 ans s'est retranché sur le toit de son immeuble en menaçant de sauter. Une discussion d'une heure avec les pompiers et la police l'ont finalement dissuadé de passer à l'acte.

Lundi matin, Serge Charnay était toujours au bord de la grue, malgré les faibles réserves de vivres qu'il lui reste. Il a fait savoir dimanche en fin de journée qu'il n'avait pas l'intention de redescendre avant la réunion avec Christiane Taubira et Dominique Bertinotti.

Selon la préfecture, il aurait d'ailleurs refusé un ravitaillement en eaux et en nourriture. "Vers 14h00, nous lui avons proposé de lui faire passer eau, nourriture et médicaments. Il nous a répondu qu'il n'avait besoin de rien", a déclaré à l'AFP le directeur de cabinet du préfet de Loire-Atlantique, Patrick Lapouze. La préfecture a également indiqué qu'il n'y aurait pas d'intervention des forces de l'ordre pour faire descendre Serge Charnay.

L'avocate de l'ex-compagne de Serge Charnay réagit

L'avocate de la mère de l'enfant de Serge Charnay a envoyé un communiqué de presse à l'AFP expliquant que "Benoît et sa mère ont été très éprouvés durant les trois dernières années par les coups de force répétés de Serge Charnay". Elle poursuit en affirmant qu'"aucune discussion ne saurait être engagée aujourd'hui en dehors de l'enceinte judiciaire, seule garantie de la sécurité et de l'intérêt supérieur de Benoît, justice que Serge Charnay n'a pas saisie et dont il refuse la médiation comme cela lui a été proposé il y a 48 heures en urgence".

D'après l'avocate, Serge Charnay est à l'origine de deux soustractions d'enfant - l'une de 15 jours en 2010 et une seconde de deux mois et demi en 2011 - ainsi que de propos menaçants à l'égard de la mère de son fils.

Close
Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Canada, qui ont fermé en 2021. Si vous avez des questions ou des préoccupations, veuillez consulter notre FAQ ou contacter support@huffpost.com.