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Les policiers veulent obliger des personnes interpellées à subir un test de VIH/SIDA

VIH/SIDA: Les policiers exigent une loi pour leur sécurité
PC

Les policiers et gardiens de prison du Québec demandent au gouvernement Marois d'adopter une loi afin d'obliger les personnes interpellées à subir un test du VIH/SIDA et de l'hépatite C à la suite d'un échange de fluides corporels.

Des représentants du ministère de la Sécurité publique ont assuré les associations de policiers et d'agents correctionnels que le ministre Stéphane Bergeron est favorable à une telle législation lors d'une conférence téléphonique mercredi dernier. Le Québec se mettrait ainsi au diapason avec les cinq autres provinces canadiennes où une telle loi existe déjà, dont l'Ontario.

«Toutefois, ils nous ont dit que puisque le dossier concerne également la Santé et la Justice, il faudra aussi inclure ces ministères dans les démarches», explique Denis Côté, président de la Fédération des policiers et policières municipaux du Québec. Cela signifie de nouveaux délais pour ce dossier qui traîne depuis 2005.

L'initiative inclut tous les grands groupes représentant les policiers et leurs directeurs au Québec: soit la Fédération des policiers municipaux, l'Association des directeurs de police du Québec, la Fraternité des policiers et policières de Montréal, l'Association des policiers provinciaux, de même que le Syndicat des agents de la paix en service correctionnel, la Sûreté du Québec et le Service de police de la Ville de Montréal.

Des traitements de trithérapie préventifs

Pour le moment, les policiers, ambulanciers ou gardiens de prison qui entrent en contact avec un fluide corporel lors d'une intervention doivent se soumettre à une prophylaxie, soit un traitement préventif de bithérapie ou trithérapie afin d'éviter une infection du VIH/SIDA. Le traitement dure environ un mois et cause des effets importants sur la santé, dont des nausées et un affaiblissement du système immunitaire.

C'est sans compter l'anxiété causée par l'attente des résultats des tests qui détermineront si l'intervenant a été infecté. Il faut compter environ six mois avant que le virus du VIH/SIDA soit détectable dans l'organisme à la suite d'une prophylaxie. «Pendant cette période, un policier ou une policière potentiellement infecté vit dans l'angoisse de refiler le virus à un membre de sa famille, explique Yves Gendron, vice-président à la prévention et aux relations avec les membres à la Fraternité des policiers et policières de Montréal. Même le fait de partager un verre de jus avec son enfant devient un facteur de risque.»

«Un jeune couple dans les Cantons de l'Est a dû repousser son projet de fonder une famille parce qu'un des deux craignait d'avoir été infecté», poursuit Denis Côté.

Pour ces corps de métier, les risques d'infection sont nombreux, qu'il s'agisse de sang sur la scène d'un accident, d'une seringue souillée ou d'un crachat au visage par un junkie. «Il arrive même qu'une personne qu'on a arrêtée nous dise qu'elle a le VIH même si ce n'est pas vrai, seulement pour faire peur aux policiers», dit Denis Côté.

À Montréal, une quarantaine de policiers entrent en contact avec des fluides corporels chaque année, estime Yves Gendron. Une quinzaine d'entre eux doivent suivre un traitement préventif.

Faible risque

Malgré tout, le nombre de cas d'infections d'un intervenant répertorié est très bas. «La littérature sur le sujet parle de seulement deux cas en Amérique du Nord», admet Denis Côté.

Pour les policiers, la mesure servirait surtout à rassurer les intervenants qui sont entrés en contact avec des fluides corporels lors d'une intervention. «Cette période de six mois est infernale pour les personnes qui attendent les résultats», plaide Yves Gendron.

Les représentants contactés s'étonnent que Québec se traîne les pieds dans ce dossier qui est à l'étude depuis 2005. «Le gouvernement Charest était fermé à l'idée», dit Yves Gendron. Il espère que l'ouverture démontrée par le ministre Bergeron la semaine dernière aura des effets concrets.

Le gouvernement Charest affirmait que la mesure irait à l'encontre de la Charte des droits et libertés. «Mais les autres provinces qui ont adopté la mesure sont également soumis à la Charte», fait valoir Yves Gendron.

Atteinte aux droits de la personne?

À la Coalition des organismes communautaires québécois de lutte contre le sida (COCQ-SIDA), on s'inquiète de la démarche des policiers, qui porterait atteinte au droit à la vie privée des personnes atteintes du VIH/SIDA.

Liz Lacharpagne, coordonnatrice du programme Droits de la personne et VIH, affirme qu'une telle loi serait basée sur une crainte non fondée. «Le risque de transmission dans de tels cas est extrêmement faible», dit-elle. Un rapport du ministère de la Santé et des Services sociaux du Québec publié en 2011 affirme que le risque de transmission entre une muqueuse et le sang se situe entre 0,03% et 0,09%. Celui-ci grimpe à 0,32% dans le cas d'une piqûre.

De plus, un test obligatoire créerait un faux sentiment de sécurité chez les policiers, poursuit Liz Lacharpagne. «Chez une personne nouvellement infectée, le virus est indétectable dans les trois mois, dit-elle. Donc, même si un test est négatif, le policier peut quand même avoir été infecté. Et ensuite, il sera trop tard ensuite pour que le policier suive un traitement préventif.»

Le bureau du ministre Stéphane Bergeron n'a pas retourné nos appels.

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