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Ottawa demandera l'avis de la Cour suprême sur sa réforme du Sénat

Ottawa demandera l'avis de la Cour suprême sur sa réforme du Sénat
Radio-Canada.ca

OTTAWA - Après avoir longtemps résisté, le gouvernement fédéral demandera finalement à la Cour suprême du Canada de se prononcer sur la constitutionnalité de son projet de réforme du Sénat, y compris sur la possibilité de l'abolir.

Cela risque de créer un autre affrontement entre Ottawa et Québec, qui accuse déjà le fédéral de vouloir court-circuiter ses propres démarches devant les tribunaux.

Le ministre responsable de la Réforme démocratique, Tim Uppal, a détaillé vendredi les questions que le gouvernement entend soumettre au plus haut tribunal du pays.

Il a qualifié la démarche de «jalon» qui permettra à la réforme d'être mise sur la voie accélérée.

Le but avoué du gouvernement est aussi de «préparer le terrain en vue de futures réformes».

Pourtant, les conservateurs, désormais majoritaires, peuvent faire adopter tout projet de loi très rapidement en imposant un bâillon. Une méthode que le gouvernement a utilisée à plusieurs reprises. Il s'agirait d'une avenue vraisemblablement plus rapide que celle d'attendre l'opinion juridique de la Cour suprême, le plus haut tribunal pouvant prendre selon le gouvernement entre 10 à 24 mois pour se prononcer.

Ainsi, le dévoilement de l'opinion de la Cour suprême pourrait coïncider avec le déclenchement des prochaines élections de 2015.

Tim Uppal a évité d'expliquer pourquoi le gouvernement avait attendu si longtemps avant de saisir la Cour suprême de ce projet de loi, malgré des demandes répétées des opposants à la réforme. Il s'est contenté de dire que cela semblait la meilleure avenue à prendre. En plus de blâmer l'opposition pour son manque de collaboration en Chambre, vu qu'elle prétend que la réforme sénatoriale, telle que présentée, est inconstitutionnelle.

«C'est ridicule», a rétorqué le député libéral Stéphane Dion.

«S'il (le gouvernement) avait écouté l'opposition en juin 2007, (qui voulait soumettre ces questions à la Cour suprême) on aurait la réponse depuis longtemps», s'est-il exclamé vendredi.

Ce flou fait en sorte que les partis d'opposition se questionnent et spéculent sur la stratégie du gouvernement et ses buts réels en demandant un avis si tardif à la Cour.

Selon les questions qui seront soumises, les juges devront entre autres se pencher sur la durée du mandat des sénateurs et sur le processus électoral qui mènerait à la sélection des sénateurs.

Le gouvernement demandera à la Cour s'il a raison de prétendre que le Parlement a la compétence législative pour effectuer des changements, sans obtenir l'accord des provinces.

Dans sa dernière mouture de législation proposée, C-7, le gouvernement Harper voulait limiter à neuf ans le mandat des représentants de la Chambre haute — plutôt qu'une retraite à 75 ans — et suggérait un processus d'élection des candidats, pour les provinces qui souhaiteraient le faire.

Et même si le ministre Uppal a martelé que l'avenue préférée des conservateurs est une réforme du Sénat, pour le rendre plus démocratique, le gouvernement a également l'intention de demander à la Cour suprême son avis sur la possibilité d'abolir complètement la Chambre haute.

«Il y a certains partis qui veulent l'abolition donc on veut s'assurer que l'ensemble des questions puissent être posées», a ainsi justifié le sénateur Claude Carignan.

«Notre gouvernement croit que des changements s'imposent pour que le Sénat puisse s'acquitter pleinement de son rôle d'institution démocratique au service des Canadiens», a déclaré pour sa part le ministre Uppal.

La réforme de la Chambre haute, rêvée par les conservateurs, est fort controversée et les provinces — le Québec et l'Ontario en tête — la contestent ouvertement.

Québec a d'ailleurs renvoyé le dossier à la Cour d'appel du Québec pour obtenir un avis juridique sur la légalité du projet de loi fédéral.

Pour cette raison, Québec juge que l'initiative conservatrice «constitue un manque de considération envers les tribunaux québécois». Ottawa doit attendre l'avis de la Cour d'appel, insiste la province.

«Le gouvernement fédéral tente de court-circuiter le gouvernement du Québec en s'appuyant sur sa position prépondérante dans le système juridique canadien, ce qui est inacceptable», a déclaré le ministre de la Justice Bertrand St-Arnaud.

Québec n'abandonnera pas son renvoi et tient à rappeler à Ottawa qu'il ne peut pas aller de l'avant sans la participation des provinces.

À cela les conservateurs répliquent qu'ils préfèrent leur propre renvoi, car les questions posées sont plus larges. Le processus permettra à toutes les provinces de faire valoir leur avis, a souligné le ministre Uppal. Il n'a donc pas l'intention d'attendre le résultat de la demande juridique québécoise.

Le souhait du Parti libéral était que les conservateurs abandonnent leur projet de réforme. Faute de cela, le renvoi à la Cour suprême est néanmoins salué par le parti, qui croit que la Cour va mettre un frein à leurs ambitions.

Il le faut, dit le député libéral Stéphane Dion.

«C'est une recette pour une crise constitutionnelle au Canada», a-t-il lancé avec passion, peu après l'annonce du gouvernement.

Selon le Nouveau Parti démocratique (NPD), le gouvernement n'a pas intérêt à abolir la Chambre haute: «Le Sénat actuel ne fait que représenter les intérêts du premier ministre et M. Harper en est parfaitement conscient», fait savoir le parti par communiqué.

Advenant un avis favorable de la Cour suprême, le gouvernement entend poursuivre ses efforts en vue de faire adopter le projet de loi sur la réforme du Sénat. Le processus parlementaire habituel reprendrait ainsi à l'étape de la deuxième lecture à la Chambre des communes, là où est rendu le projet de loi.

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