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France: la taxe à 75%, promesse emblématique de François Hollande, rejetée par le Conseil constitutionnel

France: la taxe à 75% censurée
AFP

Le Conseil constitutionnel a décidé samedi 29 décembre de censurer la taxation à 75% des revenus supérieurs à 1 million d'euros prévue dans le budget 2013,, contenu dans le projet de loi de finances 2013, qui était une des mesures les plus emblématiques de François Hollande durant la campagne présidentielle. Cette taxation, appelée "contribution exceptionnelle de solidarité", devait s'appliquer pendant deux ans aux revenus d'activité excédant 1 million d'euros.

Aussitôt après cette annonce, le Premier ministre Jean-Marc Ayrault a annoncé qu'un nouveau dispositif serait présenté dans un an. Dans un communiqué, le Premier ministre a assuré que ce nouveau dispositif serait "conforme aux principes posés par la décision du Conseil constitutionnel". François Hollande a quant à lui accueilli "sereinement" la décision du Conseil constitutionnel, selon son entourage. "C'était l'une des hypothèses possibles", a-t-on déclaré de même source, précisant qu'"il avait eu plusieurs échanges avec le Premier ministre à ce sujet".

Jean-Marc Ayrault a par ailleurs fait valoir que les dispositions censurées ne remettaient "pas en cause les grandes lignes de l'équilibre budgétaire et de la trajectoire de redressement des comptes publics". Selon le ministre de l'Economie Pierre Moscovici, l'amélioration des finances publiques n'est "pas compromise" par les décisions du Conseil constitutionnel.

Insincérité? Optimisme?

Jean-Marc Ayrault a souligné que le Conseil avait "écarté le grief d'insincérité soulevé par l'opposition parlementaire". "La loi de finances pour 2013 repose sur des hypothèses macroéconomiques crédibles en matière de croissance et de recettes", a-t-il affirmé. Le budget 2013 est bâti sur une prévision de croissance de 0,8%, alors que le FMI, OCDE et divers autres organismes la considèrent trop optimiste.

"Méconnaissance de l'égalité devant les charges publiques"

La raison de ce refus est assez technique, le Conseil se fondant essentiellement sur la différence entre "personne physique" et "foyer fiscal". Dans son communiqué, le Conseil a fait valoir que la taxe était "assise sur les revenus de chaque personne physique" alors que l'impôt sur le revenu est prélevé "par foyer".

En conséquence, il a jugé qu'il y avait là "méconnaissance de l'égalité devant les charges publiques". Avec cette taxation, un ménage, dont chaque membre percevrait un revenu de 900 000 euros, se trouverait exempté, tandis qu'un autre, dont un seul membre gagnerait 1,2 million d'euros et l'autre rien, devrait l'acquitter, ce qui constituerait à l'évidence une "rupture d'égalité au regard de la faculté contributive", a-t-on expliqué, à titre d'exemple, au Conseil.

Forte valeur symbolique

Si cette mesure avait un faible rendement - elle devait toucher environ 1.500 personnes, qui auraient payé en moyenne 140.000 euros à ce titre -, elle avait une forte valeur symbolique et constituait un marqueur de la présidence de François Hollande. Elle a défrayé, il y a peu, la chronique avec l'annonce de l'exil fiscal en Belgique du comédien Gérard Depardieu.

RÉACTIONS A DROITE: "Revers majeur pour le gouvernement"

Sitôt la nouvelle annoncée, les réactions n'ont pas manqué d'affluer sur Twitter, notamment à droite. L'ancien Premier ministre François Fillon a jugé que ces décisions "sanctionnent le matraquage fiscal et la démagogie de François Hollande":

Le président de l'UMP, Jean-François Copé, a appelé "solennellement" samedi François Hollande "à changer de politique", après la décision du Conseil constitutionnel d'annuler la taxe à 75% sur les revenus supérieurs à un millions d'euros. "Alors que le Premier ministre s'est empressé d'annoncer que cette taxe serait réintroduite dès l'année prochaine, j'appelle solennellement François Hollande à tirer les leçons de ses échecs et à changer de politique", écrit M. Copé dans un communiqué. "Pour la France, ajoute le député-maire de Meaux, il est impératif qu'en 2013 François Hollande prenne conscience de son devoir et entreprenne enfin les réformes courageuses dont nous avons besoin".

L'ancien ministre du Budget Eric Woerth a qualifié cette décision de "logique", tandis que le député-maire de Nice a estimé que la taxe était un "nouveau mensonge" :

L'ancien ministre de l'Agriculture Bruno Le Maire a jugé que cette annonce était "le symbole de l'amateurisme socialiste" tandis que l'ancien secrétaire d'Etat Frédéric Lefebvre (chargé du commerce) a estimé quant à lui que c'était une "bonne nouvelle pour notre économie" :

Pour la Déléguée générale adjointe de l'UMP Valérie Debord, qui a également réagi sur Twitter à la censure du Conseil, "Socialisme rime avec amateurisme". L'ancien ministre du logement Benoist Apparu a par ailleurs jugé sur la chaîne LCI que "quand vous prenez 75% de ce que quelqu'un gagne, c'est une spoliation".

Hervé Morin, président du Nouveau centre, a jugé dans un communiqué que cette décision était "une preuve supplémentaire de l'amateurisme d'un gouvernement qui navigue à vue depuis huit mois"."Cette promesse folle et démagogique du candidat à la présidentielle ne visait qu'à ratisser les voix de la gauche et de l'extrême gauche au risque de décourager définitivement tous ceux qui veulent investir dans l'économie française", a -t-il ajouté.

RÉACTIONS A GAUCHE

A gauche, les réactions étaient moins nombreuses ce samedi. Harlem Désir, premier secrétaire du PS, a estimé que le Conseil Constitutionnel venait de rendre "une décision qui valide les piliers fondamentaux de la loi de finances pour 2013". "Ce sont des choix forts du gouvernement qui sont ainsi validés, en particulier l'alignement de la fiscalité du capital sur celle du travail", a-t-il ajouté. "Je dénonce les manoeuvres de la droite et ses déplorables tentatives d'obstruction à la justice fiscale: sa saisine contre la taxation à 75% des revenus supérieurs à 1 million d'euros montre qu'elle tente encore, dans l'opposition, de sauver les cadeaux fiscaux qu'elle n'avait cessé de prodiguer aux plus riches pendant 5 ans", ajoute le communiqué.

Les autres mesures retoquées, celles validées par le Conseil constitutionnel :

CENSURÉES :

Le Conseil constitutionnel a censuré deux dispositifs fiscaux, l'un sur l'outre-mer et l'autre sur la Corse, prévus dans le budget 2013, selon le communiqué diffusé par cette institution. Le Conseil a décidé de réduire l'avantage fiscal des investissements en outre-mer et de supprimer les exonérations de droits de succession sur les immeubles situés en Corse, au nom du principe d'égalité. Jean-Marc Ayrault a ensuite promis en outre que le gouvernement garantirait "un effort de soutien équivalent dès 2013" aux investissements outre-mer.

VALIDÉES :

Le Conseil constitutionnel a validé le crédit d'impôt compétitivité-emploi (CICE) prévu dans le budget rectificatif 2012. Le crédit d'impôt, mesure phare du pacte de compétitivité issu du rapport Gallois, avait été critiqué par les parlementaires de l'UMP qui dénonçaient de "multiples ruptures d'égalité".

Le chef du gouvernement s'est félicité que le Conseil ait "validé les grands principes de la réforme fiscale, et notamment: le renforcement de la progressivité de l'impôt sur le revenu (tranche à 45 %, plafonnement du quotient familial), l'alignement de la fiscalité des revenus du capital sur celle des revenus du travail, le rétablissement d'un impôt sur la fortune (...), le rapprochement de l'impôt sur les sociétés payé par les plus grandes entreprises de celui acquitté par les PME, le crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE), mesure centrale du Pacte national pour la croissance, la compétitivité et l'emploi".

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