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Ici Chez-soi de l'ONF: Naveed, traquer les gens non-logés

Naveed : traquer les gens non-logés

Depuis plus d'un an, le réalisateur Manfred Becker fréquente lui-même les coulisses de l'étude et il y a fait la rencontre de participants et d'employés du projet, qui sont devenus les héros de ses films. Mais qu'entend-on au juste par « coulisses » ?

Ici, Chez soi est un documentaire Web de l'ONF dans les coulisses de Chez soi, une grande enquête de la Commission de la santé mentale du Canada pour stopper l'itinérance chronique. Le concept? Donner un toit aux sans-abri.

Dans le court métrage Perdre la trace, le réalisateur Manfred Becker a suivi l'assistant-chercheur Naveed, employé par Chez soi pour rencontrer les participants du groupe-témoin. Ces individus n'ont pas reçu de logement et de soutien; ils doivent survivre avec les moyens du bord.

En voiture, dans les logements et dans les locaux des services sociaux de Toronto, Naveed peine à retrouver les traces de ces individus, la plupart sans adresse fixe. Manfred braque sa caméra sur le jeune chercheur, qui n'a pas toujours de réponses aux questions du réalisateur.

Naveed doit rencontrer ces participants tous les trois mois pour savoir comment ils s'en tirent avec les ressources existantes pour les personnes en situation d'itinérance chronique. On est loin des laboratoires habituellement associés à la recherche scientifique : ces entrevues ont souvent lieux dans des cafés ou des refuges.

Pas de chance pour Naveed durant le tournage, car il n'a pas pu retracer un seul participant pour mener une entrevue de suivi. Derrière la caméra, Manfred s'étonne des difficultés de l'équipe. Naveed lui explique que la frustration des premiers mois s'est estompée. Maintenant, il comprend que les participants du groupe-témoin ne voient pas toujours l'avantage qu'il y a pour eux à être suivis, puisqu'ils ne reçoivent ni toit ni services de Chez soi.

Pourquoi collecter des données?

Chez soi est une enquête scientifique dont échantillonnage randomisé a permis aux chercheurs de séparer au hasard les participants dans deux groupes : ceux qui bénéficient de l'approche de Logement d'abord et ceux qui doivent survivre avec les ressources existantes.

Les chercheurs comme Naveed entrent en contact avec les participants du groupe-témoin tous les trois mois pour collecter des données quantitatives sur leur état de santé physique et psychologique. Pour plusieurs, c'est un des seuls moments où ils seront en contact avec une personne qui peut les écouter et leur témoigner de la compassion - ils sont invisibles aux yeux de la société. Un total de 89 % des participants de Chez soi à Toronto ont vécu plus de 4 mois consécutifs dans la rue avant d'être recrutés. La vie est dure dans les filets de l'itinérance chronique.

La difficulté de retrouver des participants du groupe-témoin a été un des points marquants soulevés par le réalisateur Manfred Becker au lancement de Ici, Chez soi. « Nous désirons présenter plusieurs facettes de l'étude, dont la vie des participants logés et l'engagement des travailleurs sociaux. Quand nous avons voulu recruter des participants du groupe-témoin - les gens non logés nous ne pouvions en trouver aucun à interviewer. »

Le logement facilite le suivi. Et sans suivi adéquat, c'est beaucoup plus difficile de prendre du mieux. « D'une certaine façon, cela confirme ce que nous savions : quand on loge les gens, c'est plus facile de les trouver. C'est un choix pragmatique, cela rend la communication possible. C'est bien pour tout le monde le participant et la société », conclut Manfred Becker.

Évidemment, Naveed réussit tout de même à rencontrer la majorité des participants du groupe-témoin tous les trois mois. Les données quantitatives qu'il recueille permettent d'évaluer le bien-être de ceux qui doivent de débrouiller eux-mêmes. Sur la plateforme Ici, Chez soi, le réalisateur Manfred Becker a filmé la rencontre de Naveed avec Jason, un homme souffrant d'épilepsie, qui s'est logé par ses propres moyens, sans l'aide de Chez soi. C'est possible, mais beaucoup moins facile de quitter l'itinérance chronique sans compter sur l'approche Logement d'abord.

À Toronto, l'itinérance frappe les nouveaux arrivants

À Toronto, 59 % des participants de Chez soi sont issus d'une communauté culturelle. C'est d'ailleurs l'enjeu principal qui est étudié par l'équipe du projet : les personnes en état d'itinérance issues de l'immigration font face à des défis spécifiques. Stigmatisation de la maladie mentale, barrière linguistique, exclusion familiale, immigration illégale, chômage, abandon par la communauté... Autant de nouveaux défis que le Canada doit relever en accueillant des immigrants du monde entier.

Heureusement, Toronto est l'une des villes canadiennes dotée d'un programme de Logement d'abord. Inspiré de son pendant new-yorkais, le programme Streets to Home a permis à plus de 3000 personnes de quitter la rue. La ville affirme même que l'itinérance extérieure a été réduite de 50 % entre 2006 et 2009.

Paula Goering, chercheure principale de Chez soi, connaît bien les problèmes de santé mentale et de consommation auxquels sont confrontés les nouveaux arrivants. Elle travaille à CAMH (Center for Addiction and Mental Health), un établissement de santé de Toronto associé à la Commission de la santé mentale du Canada depuis le début de l'étude.

Dans le dernier rapport préliminaire avant la fin de l'étude (le 31 mars 2013), on peut lire que les chercheurs comme Naveed ont pu mener à terme 84% des entrevues avec les membres du groupe-témoin. Dans le cas des participants logés, 92 % des entrevues menées tous les trois mois ont eu lieu - des résultats encourageants! Ce taux de réponse élevé donne confiance à Paula Goering : elle croit que le travail sur le terrain nous permettra d'avoir un portrait inégalé de la situation des personnes en état d'itinérance du pays.

Grâce aux données recueillies par des chercheurs comme Naveed, Paula Goering est en mesure de connaître l'efficacité de l'approche de Logement d'abord partout au pays. La prochaine étape? Montrer aux autorités que Chez soi peut aider à mieux soigner l'itinérance tout en en diminuant les coûts pour les contribuables. La partie n'est pas gagnée!

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