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Thérèse Desqueyroux, le film-testament de Claude Miller

, le film-testament de Claude Miller
MICHAL CIZEK / AFP

À la fois charge féroce contre la bourgeoisie enfermée dans ses préjugés et subtil portrait d'une femme tourmentée par sa condition, Thérèse Desqueyroux est le film testament du regretté Claude Miller. Cette œuvre cruelle et lumineuse tirée du classique de l'écrivain François Mauriac doit notamment sa réussite grâce au formidable duo d'acteurs composé d'Audrey Tautou et de Gilles Lellouche.

Il y a cinquante ans, le réalisateur Georges Franju s'était déjà attaqué à ce chef-d'œuvre littéraire. Son magnifique Thérèse Desqueyroux scénarisé par l'écrivain lui-même était sorti sur les écrans français en 1962 auréolé d'un succès critique et d'un prix prestigieux pour son interprète Emmanuelle Riva qui était repartie de la Mostra de Venise avec la coupe Volpi.

Un héritage qui n'a toutefois pas freiné les envies de Claude Miller (L'Effrontée, Mortelle randonnée, Un secret) de l'adapter à son tour. Achevée peu avant sa mort survenue en avril dernier, cette œuvre posthume s'inscrit avantageusement dans sa filmographie, sans toutefois approcher la force de ses grands films.

Refusant les conventions de son époque, Thérèse (Audrey Tautou) possède un esprit libre un brin impertinent jusqu'au jour où la voilà mariée à Bernard Desqueyroux (très bon Gilles Lellouche dans un rôle dramatique). Un mariage de convenance comme il s'en préparait souvent à l'époque entre les riches familles françaises issues la bourgeoisie provinciale.

Épouse, Thérèse prend conscience qu'elle décuple la fortune de sa famille et semble dès lors satisfaite. Mais les choses se compliquent après puisque soudainement toute la laideur du monde se met à nue sous ses yeux : l'antisémitisme latent, l'hypocrisie ambiante et le dogmatisme catholique omnipotent de l'entre-deux-guerres lui font alors horreur. Et que dire de son mari ? Elle le méprise parce qu'elle ne l'aime pas. On peut mentir à la société, mais peut-on mentir à soi-même ? Commence alors, pour la jeune femme la préparation d'une sourde vengeance qui l'a mènera au meurtre.

Du roman publié en 1927 tiré d'un fait divers, Miller garde l'enivrant décor des Landes bordelaises et préserve les mystères d'une femme qui décide d'empoisonner son mari à petit feu. Une héroïne imparfaite et insoumise donc comme les aimait tant Miller (Romy Schneider dans Garde à vue, Anne Brochet dans La Chambre des magiciennes ou Isabelle Adjani dans Mortelle Randonnée) dont il dévoile les bons comme les mauvais côtés.

Avec Thérèse Desqueyroux, Claude Miller trace le portrait mélancolique tout en nuance d'une féministe avant l'heure. Car malgré le crime qu'elle commet, il nous est impossible de véritablement condamner les gestes de cette jeune femme prisonnière de sa propre vie. Ces actes sont guidés par le désir non avoué de liberté afin de s'affranchir du carcan social qui s'avère pour elle une quête impossible. Elle y sacrifie ses rêves et ses amitiés. Thérèse nous fait pitié, sa modernité nous touche.

Même si le long métrage est de facture académique et linéaire contrairement au roman où on savait déjà au départ que l'héroïne avait empoisonné son mari, Thérèse Desqueyroux profite d'une superbe réalisation au fil d'un récit tout simplement poignant. Un film touchant en somme dans lequel Audrey Tautou habite son personnage avec force au côté d'un Gilles Lellouche qui excelle.

Thérèse Desqueyroux - Métropole Films Distribution - 110 minutes - Sortie en salles le 30 novembre - France.

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Quelques scènes du film

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