Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Québec, qui a fermé ses portes en 2021.

Québec dénonce la concurrence déloyale favorisée par Ottawa dans l'hydroélectricité

Québec dénonce Ottawa
Flickr: erik.altitude

QUÉBEC - Le gouvernement du Québec a dénoncé, vendredi, le financement fédéral accordé à un projet hydroélectrique au Labrador, en n'excluant pas de contester le geste d'Ottawa jusque devant les tribunaux.

Le ministre des Affaires intergouvernementales canadiennes, Alexandre Cloutier, a déclaré que les juristes québécois étudient la possibilité d'intenter des poursuites relativement au soutien de 6,3 milliards $ au projet de Muskrat Falls.

«On va regarder l'ensemble de l'oeuvre et s'assurer que tous les arguments juridiques ont tous été évalués, a-t-il dit lors d'un point de presse. Mais, pour le moment, ce que je veux vous dire, c'est qu'on n'exclut aucun moyen, incluant les recours judiciaires.»

Le ministre a cependant prévenu que des avis formulés précédemment laissent entrevoir une bien «mince» marge de manoeuvre sur le terrain juridique.

De passage à Happy Valley-Goose Bay, au Labrador, le premier ministre Stephen Harper a signé vendredi une garantie de prêt de 6,3 milliards $ pour le projet hydroélectrique, dont les coûts totalisent 7,4 milliards $.

Ce soutien financier permettra aux gouvernements de Terre-Neuve et Labrador et de la Nouvelle-Écosse d'économiser 1 milliard $ en frais d'emprunt.

En avril 2001, alors que les libéraux étaient au pouvoir, l'Assemblée nationale avait adopté à l'unanimité une motion condamnant l'engagement fédéral envers le projet hydroélectrique, sur le cours inférieur du fleuve Churchill.

Vendredi, M. Cloutier a déclaré que le soutien d'Ottawa constitue une concurrence déloyale, puisqu'il favoriserait Terre-Neuve, alors que le Québec n'a jamais reçu d'aide pour développer les infrastructures d'Hydro-Québec.

Le projet de Muskrat Falls, une initiative de la société d'État terre-neuvienne Nalcor Energy et de l'entreprise néo-écossaise Emera (TSX:EMA), prévoit la construction d'une centrale ainsi que de lignes de transport qui permettront d'acheminer la production électrique jusqu'en Nouvelle-Écosse.

Le gouvernement de Terre-Neuve souhaite exporter sa production jusqu'aux États-Unis, ce qui est contraire aux intérêts du Québec, a indiqué M. Cloutier.

«Je rappelle que les Québécois ont toujours payé eux-mêmes pour leur propre électricité, a-t-il dit. Ça crée de la concurrence déloyale. C'est une décision unilatérale du gouvernement fédéral qui s'ajoute à une longue liste.»

Rappelant que les impôts des Québécois serviront à Terre-Neuve, la ministre des Ressource naturelles, Martine Ouellet, a pour sa part attaqué la viabilité du projet, en insistant sur les coûts de production élevés de Muskrat Falls.

Mme Ouellet a soutenu qu'il en coûterait 14,3 cents du kwH ce qui, selon elle, est plus du double du coût de production de la future centrale sur la rivière Romaine, au Québec.

«Avec les bas prix d'électricité qu'on connaît aux États-Unis actuellement et les coûts aussi élevés, la rentabilité du projet est loin d'être démontrée, a-t-elle dit. Puis, pire que ça, notre argent va être utilisé contre nous pour venir subventionner l'électricité de Terre-Neuve contre l'électricité du Québec.»

Si la construction de Muskrat Falls va de l'avant, la centrale aurait une puissance de 824 mégawatts d'électricité, dont 170 seraient acheminés chaque année en Nouvelle-Écosse, en vertu d'une entente d'une durée de 35 ans.

La Romaine, dont la construction est en cours, aura une puissance de 1550 mégawatts. Au total, parmi ses actifs, Hydro-Québec compte 60 centrales hydroélectriques dont la capacité s'élève à 35 285 mégawatts.

Nalcor Energy serait responsable de la construction du barrage et de la centrale sur le fleuve Churchill, ainsi que d'une ligne de transport jusque sur l'île de Terre-Neuve, le tout au coût de 6,2 milliards $.

Emera construirait ensuite une ligne de transport sous-marine de 180 km, afin de relier la Nouvelle-Écosse, au coût de 1,2 milliard $.

La production de Muskrat Falls devrait commencer en 2017.

Accueil favorable à Ottawa

À Ottawa, la concrétisation de cette promesse électorale des conservateurs a été bien reçue par l'opposition officielle.

«Nous accueillons l'annonce comme une bonne nouvelle dans la lutte aux changements climatiques», a fait valoir le député néo-démocrate Guy Caron, qui représente la circonscription de Rimouski-Neigette—Témiscouata—Les Basques.

Il a refusé d'admettre que son parti _ dont la moitié des députés sont du Québec _ se retrouve dans une position délicate dans ce conflit qui oppose deux provinces.

À son avis, il ne s'agit pas de concurrence déloyale qui favorisera Terre-Neuve-et-Labrador au détriment du Québec.

Il fait notamment valoir que la contribution fédérale ne prend pas la forme d'un prêt ou d'une subvention et il suggère aux provinces de formuler pareilles demandes de garantie de prêt.

Le Parti libéral abonde dans le même sens, même si Ottawa n'a pas assuré que cette formule serait disponible pour tous.

«Il faut s'assurer que c'est un processus équitable pour l'ensemble des régions, donc je m'attends à ce que le Québec puisse faire également des demandes et puisse voir s'il est capable d'en tirer profit, parce que c'est pas juste un programme par rapport à ce dossier-là», a dit le député libéral Denis Coderre.

Le Bloc québécois a évidemment dénoncé l'implication fédérale, le chef Daniel Paillé la qualifiant d'«injuste, méprisante et déloyale envers le Québec».

«Les Québécois qui ont payé de leur poche leur propre réseau hydroélectrique se voient donc contraints de participer, par le biais de leurs impôts, au financement d'un projet qui vise à concurrencer Hydro-Québec, une société d'État qu'ils ont mis des années à bâtir», a lancé M. Paillé.

Close
Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Canada, qui ont fermé en 2021. Si vous avez des questions ou des préoccupations, veuillez consulter notre FAQ ou contacter support@huffpost.com.