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Pourquoi et comment Moody's a enlevé son triple A à la France

Pourquoi et comment la France a perdu son AAA
AFP

ÉCONOMIE - Moody's a abaissé lundi soir d'un cran la note de la dette de long terme de la France, qui perd ainsi son précieux triple A (AAA, noté AA1 chez Moody's), meilleure distinction possible, auprès d'une deuxième grande agence d'évaluation financière internationale après Standard and Poor's en début d'année. Moody's a attribué à la France la note AA1, assortie d'une perspective négative, ce qui signifie qu'elle pourrait à nouveau l'abaisser à moyen terme, selon un communiqué publié dans la soirée.

Le ministre des Finances Pierre Moscovici a déclaré lundi soir à l'AFP que la dégradation de la note de la France par Moody's était une "sanction de la gestion du passé" qui incite le gouvernement à "mettre en oeuvre rapidement" ses réformes. Lorsqu'il avait pris ses fonction, il avait expliqué qu'il ferait de la réduction de la dette de la France sa priorité: "la dette est un ennemi" avait-il alors annoncé.

La sanction de la gestion gestion du passé? Pas tout à fait. L'agence de notation a en effet soigneusement épluché les derniers plans de réduction de déficit et les moyens de la relance de la croissance adoptés par le nouveau gouvernement avant de prendre sa décision.

Une menace qui planait depuis plusieurs mois

Le timing a clairement surpris. La preuve, ce lundi, le CAC40 a gagné 2,93%.. Toutefois, sur le fond, la dégradation de la France par Moody's n'est pas une surprise. La première menace de la part de l'agence de notation date en effet du lundi 13 février dernier. Moody's avait alors annoncé placer la note de la France sous perspective négative. En d'autres termes, si rien n'était fait pour corriger le tir, le triple A lui serait retiré...

François Baroin, alors ministre de l'économie, avait alors simplement "pris acte" de la décision de l'agence en jugeant qu'elle était liée aux "risques pesant sur la zone euro". Généralement, le délai imparti pour redresser la situation est de six mois. Il aura finalement été légèrement plus long, à cause des élections présidentielles et législatives qui ne permettaient pas à Moddy's de juger la politique qui allait être menée sur le long terme.

Moody's l'avait déjà clairement expliqué dans une note datant du mois de mai: "Après les élections législatives à venir, Moody's attend que l'actuel gouvernement donne une image plus claire de son programme". Dont acte.

Grave ou pas, cette dégradation?

Pas de quoi fouetter un chat, après tout. On s'en souvient, une autre agence, Standard & Poor's avait elle aussi dégradé la note de la France le vendredi 13 janvier et le monde ne s'était pas écroulé pour autant.

Mieux, le fameux "spread", représentant l'écart de taux d'emprunt avec l'Allemagne n'a jamais été aussi bas, ce dont se glorifiait il y a encore quelques jours François Hollande lors de sa conférence de presse.

Sauf que, en réalité, cette décision de Moody's change tout. En effet, tant qu'un pays est noté triple A par deux des trois grandes agences (S&P, Fitch et Moody's), il reste dans le panier des pays notés AAA, appelé "indices obligataires benchmark AAA". Traduction: il est présent dans une sélection de pays considérés comme fiables par les agences de notation. Arnaud Poutier, directeur général de IG Markets France, expliquait en février dernier au HuffPost pourrait avoir des répercussions sur les taux des obligations françaises qui se mettraient à monter. En d'autres termes, la France se mettra à emprunter plus cher. Et la dette gonflera donc mécaniquement...

Les économistes restent optimistes (a priori)

Toutefois, plusieurs économistes estimaient lundi en début d'après-midi qu'une éventuelle dégradation ne serait pas catastrophique pour la France. Car les taux sont, à l'heure actuelle, particulièrement bas. Certes, sur le court terme, la France va être attaquée: "C'est le trade auquel tout le monde veut participer, les gens en parlent depuis un mois ou deux. Ils cherchent un déclencheur" prévenait un opérateur de marché.

Mais, sur le moyen terme, nombre d'entre eux estime que l'impact restera limité. "Je ne pense pas qu'au lendemain d'un changement de notation, les spreads bougeraient de façon significative", déclarait Fabrice Montagné, économiste chez Barclays. Car les marchés ont moins tendance qu'en pleine crise bancaire à scruter le moindre fait et geste des agences de notation. Ils ont plus de convictions (que ce soit pour vendre ou pour acheter) et se suivent donc moins les avis des grandes agences.

Moody's donne raison à The Economist

Il y a quelques jours, The Economist avait ému la classe politique française avec une couverture présentant des baguettes de pain et une mèche allumée qui dépassait. La France, une bombe à retardement? Jean-Marc Ayrault, Laurence Parisot, Arnaud Montebourg et Pierre Moscovici s'étaient empressés de fustiger cette presse sensationnaliste d'outre-manche qui voulait coûte que coûte voir la France sombrer.

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Selon le journal, "la France pourrait devenir le plus grand danger pour la monnaie unique européenne", et "la crise pourrait frapper dès l'an prochain". Pierre Moscovici répondait alors: "la France n'est pas l'homme malade de l'Europe. La France reste la cinquième puissance économique en pleine possession de ses ressources mais elle doit retrouver sa compétitivité". Aujourd'hui, force est de constater que l'alerte n'était pas gratuite, comme plusieurs observateurs le notent sur Twitter:

Même si la surprise a été totale, la rumeur a parcouru Twitter quelques minutes avant l'annonce:

Il existe toutefois encore quelques pays dans le monde détenant la note maximale dans les trois principales agences.

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