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Charbonneau: les enveloppes pour imprévus toutes dépensées à compter de 2000

Tous les imprévus étaient dépensés à compter de l'an 2000
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MONTRÉAL - Le commissaire Renaud Lachance a laissé entendre, jeudi à la Commission Charbonneau, que des gestionnaires compétents et rigoureux auraient dû déceler les indices de l'existence d'un système de collusion et de corruption qui sévissait à la Ville de Montréal dans le département des égouts, dans les années 2000.

«Il me semble qu'un gestionnaire compétent le moindrement était assez capable de vous identifier assez vite, parce que les coûts augmentent de 30 pour cent... On parle de collusion, vous fréquentez les entrepreneurs, vous contrôlez les estimés, vous aidez à l'approbation des projets. Il me semble qu'il y a tellement d'indices que c'était pas trop, trop difficile de vous pincer. C'est assez clair que quelqu'un qui est un peu allumé trouve ça assez vite», a lancé le commissaire, lui-même un ancien vérificateur général du Québec.

L'ex-ingénieur municipal montréalais Gilles Surprenant a poursuivi jeudi son témoignage devant la Commission Charbonneau. Il a été contre-interrogé par les avocats de l'Association de la construction, du parti Union Montréal et de la Ville de Montréal.

Après avoir affirmé mercredi qu'il ne s'était plaint ni à la police ni à ses supérieurs du système de collusion et de corruption en place dans son service des égouts, il a indiqué jeudi qu'il n'avait pas non plus avisé le service du vérificateur général de la Ville. Il a rencontré un vérificateur une seule fois, durant 10 minutes, pour parler d'un dossier précis, a-t-il relaté.

La présidente de la commission, France Charbonneau, a par ailleurs indiqué que selon ses calculs, c'est 736 000 $ que M. Surprenant a touchés en pots-de-vin jusqu'en 2008, plutôt que de 580 000 $ à 600 000 $, comme il avait globalement évalué. Et ce, sans compter les parties de golf, billets de saison pour le hockey, soupers au restaurant et bouteilles de vin, a-t-elle souligné.

L'ingénieur retraité a aussi dû admettre que le premier pot-de-vin qu'il a accepté de Frank Catania remonte à 1988 et non 1991 comme il l'avait dit. Comme il a admis avoir touché des pots-de-vin jusqu'en décembre 2008, cela couvre une période de 20 ans. Il maintient toutefois n'avoir rien touché entre 1988 et 1995.

«Très repentant»

Du bout des lèvres, il a fait un acte de contrition, se disant «très repentant» d'avoir participé à ce système de corruption de fonctionnaires par des entrepreneurs en construction. Il a dû admettre qu'il avait indirectement volé les contribuables. «Je regrette amèrement tout ce qui s'est passé. Les dix dernières années ont été catastrophiques. Je n'aurais jamais dû accepter ces montants-là et faire ça», a dit M. Surprenant.

Bien qu'il se soit dit «très repentant» et désormais un homme honnête, l'avocat d'Union Montréal, Me Michel Dorval, lui a fait dire qu'il y a un mois, un mois et demi, il avait vendu à sa fille sa maison qui vaut 350 000 $ pour la somme symbolique de 1 $.

«Est-ce que vous voyez là-dedans une façon de ne pas vous la faire saisir et d'avoir à éviter de rembourser à la Ville de Montréal les 700 000 $? Est-ce que d'agir comme ça n'est pas en fraude des droits de vos créanciers, (une façon) de vous départir de votre patrimoine?» lui a demandé Me Dorval.

«Non, je n'ai pas pensé à ça», a rétorqué M. Surprenant, ajoutant que cette maison représentait à ses yeux l'héritage qu'il laisserait à sa fille.

À son tour, l'avocat de la Ville de Montréal, Me Martin St-Jean, a tenté de faire passer M. Surprenant pour un homme qui rejetait toujours les blâmes sur d'autres, arguant qu'il avait accepté tout cet argent par simple «cupidité» et pour jouir de petits plaisirs comme le golf, le vin, les bons soupers.

Il a tant insisté que la présidente de la commission, France Charbonneau, est intervenue pour lui dire que le témoin Surprenant avait déjà «admis tous ses crimes» et que «ce n'est pas son procès qu'on est en train de faire».

Il a aussi précisé qu'il allait souvent jouer au casino pour soi-disant écouler l'argent provenant des entrepreneurs, soit cinq fois par semaine. Il a estimé y avoir perdu 700 $ à 800 $ par semaine.

Me St-Jean l'a notamment contre-interrogé sur la partie de golf qu'il a jouée en République dominicaine avec son ami ingénieur Luc Leclerc, l'entrepreneur Tony Conte, de Conex Construction, et le parrain de la mafia montréalaise Vito Rizzuto.

Au départ, il ignorait que Rizzuto serait présent, puisque l'entrepreneur Conte lui avait seulement dit qu'il inviterait son associé. Quand il a vu Rizzuto avant le départ de l'avion, il n'a «pas senti de message direct ou indirect» dans cette présence. Il dit l'avoir simplement considéré comme l'associé de Tony Conte et avoir décidé de jouer au golf comme prévu.

M. Surprenant a terminé jeudi son témoignage devant la commission. Il l'a conclu par une brève déclaration. «Je voudrais simplement m'excuser auprès de la population et dire que je regrette sincèrement tout ce que j'ai fait.»

La Commission reprendra ses travaux lundi avec un témoin dont elle n'a pas révélé l'identité.

Par ailleurs, la Ville de Laval a obtenu à son tour le statut de participant à la commission. À ce titre, son avocat jouira du droit de contre-interroger lui-même les témoins sur les contrats publics octroyés par la Ville de Laval.

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