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Archipel des îles Senkaku: c'est quoi le problème entre la Chine, le Japon et Taïwan ?

Ce mystérieux archipel pour lequel le Japon et la Chine s'affrontent
REUTERS

INTERNATIONAL - Mardi 25 septembre, huit navires des garde-côtes taïwanais et de dizaines de bateaux de pêche ont fait une incursion dans les eaux territoriales d'un archipel japonais. Selon le porte-parole du gouvernement japonais, Osamu Fujimura, "les garde-côtes [nippons] ont utilisé des canons à eau pour les repousser". Après avoir entendu nos avertissements, les navires ont fait demi tour", a-t-il précisé. Sur des images de la télévision publique japonaise NHK, on peut effectivement voir dans une mer agitée les garde-côtes des deux pays s'arroser mutuellement.

Regardez les images diffusées par NHK :

La veille, trois navires gouvernementaux chinois étaient déjà rentrées dans les eaux territoriales japonaises, ajoutant un peu plus de tension à une crise qui s'aggrave depuis plusieurs mois.

Une tension étonnante pour cinq minuscules bouts de terre inoccupés et trois rochers plus petits encore, pour une surface totale d'à peine 7km2, l'équivalent d'un petit village. À première vue, l'archipel des îles Senkaku-Diaoyu-Tiaoyutai (Senkaku est l'appellation japonaise, Diaoyu le nom mandarin, Tiaoyutai celui de Taïwan), isolé en pleine mer de Chine orientale, n'a rien d'un havre paradisiaque pour touristes fortunés. Il serait même davantage conseillé aux naufragés de Lost ou aux aventuriers de Koh-Lanta.

Pourtant, voilà plus d'un siècle que Japonais et Chinois se querellent pour le contrôle de ces îles. Taïwan, également appelée "République de Chine", contrôle l'île de Taïwan et quelques îles avoisinantes. Elle estime depuis longtemps que les îles Senkaku lui reviennent de droit. Pour compliquer le tout, la République populaire de Chine, autrement dit le régime de Pékin, revendique également sa souveraineté sur Taïwan et sur les îles.

Longtemps considérées comme terra nullius (territoire sans maître), un espace qui ne relève pas d'un État car non occupé de façon permanente, les îles Senkaku sont sous contrôle japonais depuis 1895 et la fin de la première guerre sino-japonaise entamée un an plus tôt. Administrées par les États-Unis à partir de la fin de la seconde guerre mondiale (au titre de l'occupation du Japon par les États-Unis jusqu'en 1952), les îles reviennent aux nippons en 1972. Depuis la Chine et Taïwan n'ont cesser de réclamer leur départ.

Pourquoi un tel acharnement ? D'abord parce que les îles Senkaku sont entourées d'eaux très poissonneuses. Ensuite parce que les sous-sols marins pourraient receler de lucratifs gisements d'hydrocarbures. Enfin, et surtout, parce qu'elles ont une valeur stratégique et "représentent autant d'avant-postes possibles face à l''expansionnisme maritime chinois qui inquiète toute la région", écrit francetvinfo.fr. "En fait, il s'agit tout d'abord d'une question de souveraineté nationale", indique également La Tribune. Les pays de l'ASEAN (Association des Nations de l'Asie du Sud-Est) ont l'impression que "les Chinois sont en train d'essayer de les manger" rapporte directeur de recherche de l'IRIS Jean-Vincent Brisset, cité sur le site internet du quotidien.

Le Japon, la Chine, Taïwan... un plan à trois dont les derniers épisodes ont de quoi inquiéter. Lundi 23 septembre, trois navires gouvernementaux chinois ont fait une incursion de quelques heures à une vingtaine de kilomètres des îles Senkaku, donc dans des eaux territoriales revendiquées par le Japon.

Rassurer les opinions publiques et tester les nerfs du camp adverse

Depuis plusieurs semaines déjà, les autorités chinoises, japonaises et taïwanaises se livrent à des démonstrations visant à faire preuve de volontarisme, organisant ou encourageant des "expéditions" navales autour de l'archipel. En août, des militants pro-Pékin avaient débarqué sur l'une des îles disputées. Ils avaient été rapidement arrêtés par les autorités nippones et expulsés. Quelques jours après, une dizaine de nationalistes japonais avait à leur tour hissé le drapeau nippon sur la même île pour réaffirmer son appartenance au Japon.

Des initiatives qui servent autant à rassurer les opinions publiques respectives qu'à tester les nerfs du camp adverse. Elles avaient toute de même déclenché de violentes manifestations antijaponaises dans une vingtaine de villes chinoises, réunissant plusieurs milliers de personnes. Des commerces japonais, des restaurants et des véhicules avaient été pris pour cibles.

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Ce soudain regain de tension survient après l'achat par le gouvernement japonais de trois des huit îles de l'archipel. Début septembre, le gouvernement était parvenu à un accord avec les propriétaires, une famille privée japonaise, sur une transaction d'environ 20,4 millions d'euros selon la presse nippone. La décision d'acquérir ces îles, qui deviennent la possession des garde-côtes japonais, vise à assurer "leur préservation dans la tranquillité et la stabilité", avait alors indiqué le porte-parole du gouvernement. La Chine ne reviendra pas sur ses revendications avait immédiatement répondu Pékin, menaçant sans plus de précision de pendre les "mesures nécessaires pour défendre sa souveraineté territoriale nationale".

Faisant écho aux inquiétudes du secrétaire général de l'ONU Ban Ki-Moon, le groupe de réflexion International Crisis Group (ICG) a estimé lundi que la tension actuelle entre la Chine et le Japon accroît "comme jamais" le risque d'affrontements entre des navires des deux pays. L'ICG rappelle que dans le passé, les deux pays ont jusque-là réussi à faire retomber la fièvre autour de cet archipel, notamment en 2010 lors de l'arrestation pendant deux semaines du capitaine d'un chalutier chinois "trop zélé" qui avait heurté des garde-côtes japonais. "Mais aujourd'hui, une escarmouche entre des bateaux officiels (chinois et japonais), dans le contexte actuel pourrait bien ne pas trouver une telle issue", estime ICG.

"Pékin ne peut pas être vu comme trahissant les intérêts nationaux"

Dernièrement, rappelle l'ICG, "le ministère des Affaires étrangères chinois a annoncé sa position pour formellement délimiter ses eaux territoriales dans cette zone, ce qui met les îles Senkaku sous administration chinoise". "Un défi direct au Japon qui contrôle ces îles", commente l'ICG, pour qui cette position signifie l'abandon par Pékin de sa politique précédente qui consistait jusque-là à "rechercher par la négociation une exploitation commune avec le Japon des ressources de cette zone maritime".

L'ICG estime par ailleurs que la grande fermeté de la Chine dans cette affaire n'est pas sans rapport les changements que connait la Chine sur un plan intérieur : "avec un mécontentement grandissant sur le fossé qui se creuse entre riches et pauvres, une corruption largement répandue, une inflation et les prix de l'immobilier en hausse, le tout conjugué à des rumeurs de désunion à la tête du pays: Pékin sent qu'il ne peut pas être vu comme trahissant les intérêts nationaux face à son ennemi historique".

À l'étranger, ce face à face sino-japonais suscite une inquiétude croissante: le secrétaire américain à la Défense Leon Panetta a estimé que les conflits territoriaux actuels en Asie, pourraient déclencher une guerre si les gouvernements concernés continuent "leurs provocations". "Malgré tout le nationalisme, les Chinois ne sont certainement pas prêts à une confrontation -du moins pas pour l'instant", tempère toutefois un spécialiste de la Chine cité par francetvinfo.fr.

Une crise qui pourrait "affecter l'économie mondiale"

Realpolitik oblige, le Premier ministre japonais, Yoshihiko Noda a averti dans une interview au Wall Street Journal dimanche que l'intransigeance de la Chine pourrait à terme "affecter sa propre économie", ainsi que celle du Japon "et globalement l'économie mondiale". Les deux pays sont très dépendants économiquement, avec un volume d'échanges de près de 343 milliards de dollars l'an dernier. La Chine constitue par ailleurs le premier partenaire commercial de l'archipel japonais, ce dernier n'étant "que" le troisième ou quatrième de la Chine.

Effet papillon de la crise des îles Senkaku, la Chine a décidé dimanche de "repousser" une cérémonie qui devait marquer le 40e anniversaire de la normalisation des relations entre la Chine et le Japon, initialement prévue le 27 septembre. Une décision jugée lundi "regrettable" par le gouvernement japonais. Conséquence de cette décision, un groupe de 175 dirigeants d'entreprises japonaises qui depuis 37 ans avait l'habitude de se rendre en Chine pour y rencontrer des dirigeants a annulé son voyage cette année.

Pour tenter de faire baisser la tension, le Japon a envoyé lundi à Pékin son vice-ministre des Affaires étrangères, Chikao Kawai.

Conflit pour l'île Senkaku

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