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Une crise sans précédent

Les hôpitaux québécois manquent cruellement de pathologistes et ceux-ci, débordés, sont à bout de nerfs

Une crise sans précédent
Le laboratoire de pathologie de l’hôpital Santa Cabrini a perdu son seul pathologiste en mai dernier. Photo le journal de montréal, nicolas duguay


À bout de nerfs, le seul pathologiste de l’hôpital Santa Cabrini a quitté pour l’Ontario. Épuisé, un autre laissera Rimouski pour les États-Unis. La pathologie québécoise traverse une crise sans précédent qui retarde les diagnostics de milliers de Québécois.

« Au Québec, c’est un bordel ! », lance Stavros Raptis, l’ancien pathologiste de Santa Cabrini qui a jeté la serviette en mai dernier.

Pour lui, comme tous ces pathologistes de l’Est du Québec qui ont vidé les hôpitaux de Sept-Îles, Baie-Comeau, Gaspé, Maria, des Îles-de-la-Madeleine, c’en était assez.

Des départs qui alourdissent la tâche des pathologistes restants, au risque de les faire partir eux aussi, comme promet de le faire le docteur Sylvain Mailhot, de Rimouski.

« J’ai commencé en 1999 et on savait à l’époque qu’il y avait une pénurie », explique Dr Mailhot. « Pendant dix ans, on a eu espoir que les choses vont s’améliorer. Ben, quand ça fait dix ans que tu es dans des années difficiles, tu te dis, je ne vais pas passer ma carrière dans des années difficiles », conclut-il, amer.

Résultat ? Les rangs des pathologistes s’étiolent davantage de mois en mois, rendant du coup la pratique plus dangereuse pour les patients.

« Nos chirurgiens disent qu’on a des retards. Ils ont besoin des rapports de pathologie pour opérer et quand ils ne les ont pas, ils ne peuvent tout simplement pas travailler », déplore le docteur Hoang Duong, président du Conseil des médecins de l’Hôpital Pierre-Le Gardeur, sur la Rive-Nord de Montréal.

Lourds délais

« Il y a des normes dans les labos de pathologie et je ne connais pas grand labos au Québec qui suivent les normes », affirme le docteur Mailhot, ancien responsable de l’assurance-qualité à l’APQ, avant d’ajouter que « la majorité des cas sortent en dedans d’un mois alors qu’ils devraient sortir en dedans de 3 ou 4 jours ».

Ce qui entraîne des délais dans les traitements de certaines maladies, dont des cancers.

La goutte qui a fait déborder le vase ? Un nouveau mode de rémunération destiné à rendre la profession plus séduisante pour les futurs médecins, en freinant l’appétit de pathologistes qui voyaient les cas à la chaîne.

Du jour au lendemain, ceux qui dépassaient un volume de travail « normal » ont vu leur rémunération amputée. Et non seulement on leur a dit qu’ils ne seraient plus payés, ou presque plus, pour une large part de leur travail, mais, on leur a aussi rappelé qu’ils allaient quand même être obligés de travailler autant qu’avant, puisqu’ils sont responsables légalement de tous les cas qui entrent dans leurs labos.

Q Qu’est-ce que l’anatomopathologie ?
RSon rôle ? Établir des diagnostics à partir de l’examen microscopique de tissus humains. C’est le pathologiste qui va déterminer l’identité de la maladie, de la pathologie et ainsi permettre au médecin traitant d’optimiser son traitement.
QEt ils sont nombreux, ces pathologistes ?
RLes hôpitaux du Québec ne peuvent compter que sur un peu plus de 200 pathologistes. Il y a un consensus autour de 40 à 50 pathologistes manquants pour combler la pénurie.
QEt pourquoi est-ce si difficile à former des pathologistes ?
RLa profession requiert un type de candidat, qui va passer ses journées dans un laboratoire, le nez collé sur un microscope, et qui va n’avoir que très peu de contact avec les patients.
                  &nbspCe n’est pas la spécialité médicale la plus payante : 330 000 $ annuellement pour faire le double de la tâche pour laquelle un pathologiste d’une autre province recevra environ 400 000 $...
QLe double de la tâche d’un collègue canadien ?
ROui. Ce qui alimente une grogne chez les pathologistes. On leur a promis la parité salariale avec le reste du pays, mais on leur demande, pour le même salaire, de voir le double de cas.
QEt c’est ce qui explique la crise ?
REn partie. L’ampleur de la tâche a surtout un impact négatif sur le recrutement. On leur impose un système dans lequel les plus lents, qui seraient considérés « normaux » dans le reste du pays, sont pénalisés financièrement et les plus rapides, eux, sont pénalisés puisque Québec impose un plafond de rémunération au-delà duquel, ils ne sont plus payés.
QEt en attendant ?
RQuébec a signé un certain nombre d’ententes pour permettre à des pathologistes d’aider leurs collègues des autres centres hospitaliers en difficulté, en étant payés à seulement 50 % du tarif régulier. Le reste est envoyé au privé à grands frais.
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