Une crise sans précédent
Les hôpitaux québécois manquent cruellement de pathologistes et ceux-ci, débordés, sont à bout de nerfs
À bout de nerfs, le seul pathologiste de l’hôpital Santa Cabrini a quitté pour l’Ontario. Épuisé, un autre laissera Rimouski pour les États-Unis. La pathologie québécoise traverse une crise sans précédent qui retarde les diagnostics de milliers de Québécois.
« Au Québec, c’est un bordel ! », lance Stavros Raptis, l’ancien pathologiste de Santa Cabrini qui a jeté la serviette en mai dernier.
Pour lui, comme tous ces pathologistes de l’Est du Québec qui ont vidé les hôpitaux de Sept-Îles, Baie-Comeau, Gaspé, Maria, des Îles-de-la-Madeleine, c’en était assez.
Des départs qui alourdissent la tâche des pathologistes restants, au risque de les faire partir eux aussi, comme promet de le faire le docteur Sylvain Mailhot, de Rimouski.
« J’ai commencé en 1999 et on savait à l’époque qu’il y avait une pénurie », explique Dr Mailhot. « Pendant dix ans, on a eu espoir que les choses vont s’améliorer. Ben, quand ça fait dix ans que tu es dans des années difficiles, tu te dis, je ne vais pas passer ma carrière dans des années difficiles », conclut-il, amer.
Résultat ? Les rangs des pathologistes s’étiolent davantage de mois en mois, rendant du coup la pratique plus dangereuse pour les patients.
« Nos chirurgiens disent qu’on a des retards. Ils ont besoin des rapports de pathologie pour opérer et quand ils ne les ont pas, ils ne peuvent tout simplement pas travailler », déplore le docteur Hoang Duong, président du Conseil des médecins de l’Hôpital Pierre-Le Gardeur, sur la Rive-Nord de Montréal.
Lourds délais
« Il y a des normes dans les labos de pathologie et je ne connais pas grand labos au Québec qui suivent les normes », affirme le docteur Mailhot, ancien responsable de l’assurance-qualité à l’APQ, avant d’ajouter que « la majorité des cas sortent en dedans d’un mois alors qu’ils devraient sortir en dedans de 3 ou 4 jours ».
Ce qui entraîne des délais dans les traitements de certaines maladies, dont des cancers.
La goutte qui a fait déborder le vase ? Un nouveau mode de rémunération destiné à rendre la profession plus séduisante pour les futurs médecins, en freinant l’appétit de pathologistes qui voyaient les cas à la chaîne.
Du jour au lendemain, ceux qui dépassaient un volume de travail « normal » ont vu leur rémunération amputée. Et non seulement on leur a dit qu’ils ne seraient plus payés, ou presque plus, pour une large part de leur travail, mais, on leur a aussi rappelé qu’ils allaient quand même être obligés de travailler autant qu’avant, puisqu’ils sont responsables légalement de tous les cas qui entrent dans leurs labos.