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États-Unis: la réforme de la santé est constitutionnelle, juge la Cour suprême

La Cour suprême approuve la réforme de la santé d'Obama
AP

Un texte de Sophie-Hélène Lebeuf

La Cour suprême des États-Unis a approuvé, jeudi, la réforme de la santé du président Barack Obama, une décision susceptible d'avoir un impact sur des millions d'Américains sans assurance maladie. Le débat sur cet enjeu est cependant loin d'être clos, car les électeurs auront l'occasion de rendre à leur tour leur verdict lors des élections présidentielles et législatives de novembre prochain.

Dans un jugement adopté à cinq voix contre quatre, le plus haut tribunal du pays a conclu que le mandat individuel, disposition centrale de la politique phare du président démocrate, peut être maintenu en vertu de lois fiscales.

Paradoxalement, le gouvernement avait essentiellement invoqué une clause relative au commerce inscrite dans la Constitution, rejetée par la majorité des magistrats. Les quatre juges considérés comme plus progressistes ont donné raison à l'administration Obama, mais se sont ralliés au juge en chef, John G. Roberts fils, puisque la réforme était en bout de ligne jugée constitutionnelle.

Il s'agissait sans contredit de la principale question à laquelle la Cour devait répondre. « Le mandat individuel colle les différentes dispositions ensemble », explique Rafael Jacob, de l'Observatoire sur les États-Unis de la Chaire Raoul-Dandurand.

Par exemple, une disposition clé de la réforme fait en sorte que les assureurs ne peuvent plus refuser des clients qui ont déjà un problème de santé. Mais sans le mandat individuel, plusieurs Américains auraient risqué d'attendre d'être gravement malades avant de contracter une assurance. Or, sans les cotisations des gens en santé, les assureurs - et leurs assurés - peineraient à absorber toutes les dépenses. Autant le gouvernement que les États ont plaidé que le reste de la loi ne pouvait rester en vigueur sans le mandat individuel.

Des nuances

Sous la plume du juge Roberts, la Cour a cependant précisé que sa décision n'était pas synonyme de soutien à la loi. « Ce n'est pas de notre ressort de protéger les gens des conséquences de leurs choix politiques », a-t-il écrit, ajoutant que le maintien de la loi reflétait « une réticence générale à invalider les actions des dirigeants élus de notre nation ».

Les juges Antonin Scalia, Anthony Kennedy, Clarence Thomas et Samuel Alito, nommés par des administrations républicaines, ont exprimé une opinion dissidente, se rangeant derrière les arguments soulevés notamment par les 26 États républicains qui contestaient une loi complexe de plus de 2700 pages. Au cours d'une déclaration lue par le juge Kennedy, la minorité a estimé la loi « invalide dans son intégralité ».

Le pouvoir du fédéral néanmoins limité

Le tribunal a statué que le Congrès pouvait étendre le régime Medicaid, ajoutant cependant que le fédéral n'avait pas le droit de « pénaliser les États qui choisissent de ne pas participer à ce nouveau programme en leur retirant son financement ». Cet aspect de la loi « viole la Constitution », a écrit le juge Roberts.

La conclusion de la Cour à ce chapitre soulève des questions sur l'efficacité de l'extension du programme Medicaid, auxquels les gouverneurs d'États républicains sont susceptibles de s'opposer. Elle pourrait en outre « laisser présager une certaine victoire pour les conservateurs », estime le chercheur Rafael Jacob. Cette portion de la décision pourrait ouvrir la porte à une restriction des pouvoirs du gouvernement fédéral en limitant sa capacité à modifier d'autres programmes des États qu'il finance.

L'administration Obama veut que 16 millions de personnes supplémentaires profitent du programme Medicaid, soit environ la moitié des gens bénéficiant de la réforme.

Selon les experts, la décision rendue jeudi est la plus importante depuis l'arrêt Bush v. Gore (2000), qui a permis au républicain George W. Bush d'accéder à la Maison-Blanche.

La cause est également celle des 50 dernières années qui a duré le plus longtemps. En mars dernier, le tribunal a entendu les parties pendant six heures, réparties sur trois jours.

La survie de l'ObamaCare entre les mains des électeurs

Le président des États-Unis, Barack Obama, a salué jeudi la décision de la Cour suprême qu'il a décrite comme « une victoire pour tous les citoyens de partout au pays, dont les vies sont davantage en sécurité grâce à cette loi ».

« C'est sans conteste une victoire absolue pour le président au niveau légal, mais c'est moins évident pour l'instant au niveau politique, du moins à court terme », analyse Rafael Jacob, de l'Observatoire sur les États-Unis de la Chaire Raoul-Dandurand. « La réforme de la santé reste une arme politique très puissante pour les républicains », ajoute-t-il.

Le président Obama a reconnu que sa réforme ne fait pas l'unanimité, mais a mis l'accent sur les avantages qu'elle apporte aux Américains. « Je n'ai pas fait cela parce que c'était politiquement rentable, mais parce que c'était bon pour le pays, bon pour les gens », a-t-il lancé lors d'une conférence de presse à la Maison-Blanche.

La Chambre des représentants dominée par les républicains a annoncé un vote pour abroger la réforme de la santé le 11 juillet prochain. Le geste est symbolique, cependant, puisque le Sénat, à majorité démocrate, bloquera une telle mesure. Néanmoins, le président de la Chambre, John Boehner, a martelé que l'objectif est de l'abolir.

Rafael Jacob fait valoir que l'élection de Mitt Romney et des républicains devient maintenant la seule façon de faire disparaître la réforme, symbole par excellence des politiques progressistes - voire socialistes selon certains - du président. L'argument sera martelé autant par le candidat présumé à la présidentielle que par les candidats au Sénat et à la Chambre des représentants, souligne-t-il.

« Ce que la Cour n'a pas fait à son dernier jour de session, je le ferai à mon premier jour en tant que président : abroger ObamaCare, a d'ailleurs déclaré le candidat républicain présumé à l'élection présidentielle, Mitt Romney. Si nous voulons nous débarrasser d'ObamaCare, nous devons remplacer le président Obama. »

Même si l'impact peut être plus grand encore chez les républicains, « ça peut aider le président à fouetter ses propres troupe », ajoute M. Jacob. « Sa base de gauche aurait probablement été largement démotivée si la Cour suprême avait invalidé la réforme ».

En invoquant un « impôt », poursuit M. Jacob, la Cour suprême soumet cependant au président et aux démocrates un nouveau problème, que leurs adversaires ont d'ailleurs déjà commencé à utiliser à leur avantage. Le sénateur républicain de Floride Marco Rubio, dont le nom a été évoqué en tant que candidat potentiel à la vice-présidence, a estimé jeudi que la réforme de la santé constituait une augmentation d'impôts pour la classe moyenne, soulignant que « la Cour suprême le dit elle-même ».

« Il y a quatre ans, Barack Obama avait fait campagne en disant clairement que s'il était élu, il n'y a aurait aucune hausse de taxes pour les individus gagnant moins de 200 000 $ et pour les familles gagnant moins de 250 000 $ », rappelle Rafael Jacob.

« La victoire de l'un ou l'autre des candidats à la présidence de novembre aura un impact important sur la loi », souligne-t-il, ajoutant toutefois que l'élection de Mitt Romney ne signifie pas qu'elle sera entièrement invalidée, une nuance que les républicains ne feront pas en campagne.

Pour l'enrayer complètement, explique-t-il, Mitt Romney devrait rallier 60 sénateurs. Or, dit M. Jacob, « les républicains ont de bonnes chances de remporter le Congrès, mais ce qui est absolument certain, c'est qu'ils n'auront jamais 60 sièges au Sénat ».

Un président et un Congrès républicains pourraient cependant « éventrer la réforme », en retirant plusieurs de ses dispositions importantes.

« Ce sera intéressant de voir la ligne d'attaque de Romney, avance M. Jacob, mais ce sera aussi intéressant sinon plus de voir comment le président et les démocrates vont jouer politiquement la décision de la Cour suprême. »

« La réforme n'est jamais devenue populaire et les démocrates s'en sont très peu servis à leur avantage. Au contraire, c'est une arme qui a massivement été utilisée contre eux à la grandeur des États-Unis, particulièrement lors des élections de mi-mandat de 2010 ». Plusieurs sénateurs et représentants démocrates qui avaient voté en faveur de la réforme avaient d'ailleurs été chassés par les électeurs.

« Les démocrates adopteront-ils un ton plus agressif ou resteront-ils timides en se disant que la réforme est peut-être constitutionnelle mais qu'elle demeure impopulaire? », demande M. Jacob.

« C'est certain que c'est beaucoup mieux pour le président que sa loi soit validée aujourd'hui parce que même si elle n'est pas populaire présentement, il y a toujours un espoir qu'elle le devienne éventuellement », ajoute-t-il. « Et même à la limite, si elle ne le devenait jamais, si les démocrates conservent la Maison-Blanche pour encore quatre ans, il sera ensuite excessivement difficile d'éliminer cette loi lorsque elle sera complètement implantée », fait-il observer.

« Si Barack Obama remporte l'élection de novembre, la réforme figurera sans contredit parmi l'un des héritages les plus importants de sa présidence », conclut-il.

Tous ses prédécesseurs démocrates ayant essayé d'instaurer un programme national des soins de santé au cours des dernières décennies ont échoué.

Un texte de Sophie-Hélène Lebeuf, avec la collaboration de Marc-Antoine Ménard

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