Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Québec, qui a fermé ses portes en 2021.

Refus d'accès pour port de carré rouge : deux plaintes à la Commission des droits

Deux plaintes à la Commission des droits de la personne
Myriam Lefebvre

La Ligue des droits et libertés voit dans les plaintes de personnes disant avoir été traitées injustement parce qu'elles portaient le carré rouge une forme de discrimination fondée sur les convictions politiques.

Des organismes de défense des droits de la personne ont reçu, au cours des dernières semaines, des plaintes alléguant une discrimination liée au port de ce symbole du mouvement d'opposition aux droits de scolarité.

La Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse du Québec a reçu deux plaintes pour discrimination liée au carré rouge. Dans un cas, une personne s'est vu refuser l'accès à un bar de la région de Québec. Dans un second cas, une personne s'est vu refuser l'accès aux services d'une entreprise de pièces mécaniques du Saguenay.

Les deux incidents pourraient faire l'objet d'une enquête, a indiqué une représentante de la Commission à Radio-Canada.ca.

La Ligue des droits et libertés dit elle aussi avoir reçu des plaintes en lien avec le conflit étudiant et elle fait présentement des suivis à ce sujet. Plusieurs seraient en lien avec des événements survenus lors du week-end du Grand Prix du Canada, à Montréal, alors que la surveillance policière était très serrée.

Le symbole de la mobilisation étudiante est-il devenu une source de discrimination au Québec? Certains prennent, en tous les cas, leurs précautions.

Par « mesure préventive », Frédéric, un étudiant qui arbore toujours le carré rouge en public en temps normal, a jugé bon de retirer le symbole de son chandail lorsqu'il visitait des appartements ce printemps, a-t-il confié à Radio-Canada.ca. Il craignait de tomber sur un propriétaire conservateur « ou, sans être conservateur, qui ferait une association entre le carré rouge, la violence, et des gens pas très responsables, des militants ou des gens trop sur le party, qui ne respectent pas l'autorité, qui ne vont pas respecter leurs obligations », explique-t-il.

En entrevue à Radio-Canada.ca, la porte-parole de la Ligue des droits et libertés, Lucie Lemonde, confirme que refuser un emploi, un loyer ou un service à une personne parce qu'elle porte le carré rouge est une forme de discrimination fondée sur les convictions politiques. La Charte des droits et libertés garantit d'ailleurs le droit de ne pas être discriminé en raison de ses convictions.

L'article 10 de la Charte québécoise

« Toute personne a droit à la reconnaissance et à l'exercice, en pleine égalité, des droits et libertés de la personne, sans distinction, exclusion ou préférence fondée sur la race, la couleur, le sexe, la grossesse, l'orientation sexuelle, l'état civil, l'âge sauf dans la mesure prévue par la loi, la religion, les convictions politiques [...] »

De plus, Mme Lemonde précise que ceux qui portent le carré rouge peuvent le faire pour différentes raisons, et qu'il est dangereux d'y voir un symbole de violence. « On ne peut pas embarquer dans le discours du gouvernement, de M. Charest ou de la ministre de la Culture, et dire que le carré rouge, c'est la violence » met-elle en garde. La ministre Christine St-Pierre a d'ailleurs présenté des excuses à la suite de ses propos sur le symbole du mouvement étudiant.

Dans le cadre de la fin de semaine du Grand Prix du Canada, du 7 au 10 juin dernier, le Service de police de la Ville de Montréal a dû se défendre d'accusations de profilage politique.

La Coalition large de l'Association pour une solidarité syndicale étudiante (CLASSE) dit avoir reçu une centaine de témoignages de personnes affirmant avoir été victimes de fouilles policières arbitraires pendant cet événement. Selon l'association étudiante, ce sont essentiellement les personnes de moins de 20 ans et les personnes qui portaient un carré rouge qui ont été interpellées par les policiers.

La CLASSE avait déclaré qu'elle demanderait à la Commission des droits de la personne du Québec de se pencher sur la question du profilage politique depuis le début du conflit étudiant au Québec, mais mercredi, la Commission affirmait n'avoir toujours pas reçu de demande d'enquête formelle à ce sujet.

Mme Lemonde émet l'hypothèse que les étudiants tentent probablement, en portant plainte, d'utiliser la grille d'analyse produite par la Commission sur le profilage racial et de l'appliquer au profilage politique.

Politiques commerciales interdisant le carré rouge aux employés

Outre ces allégations de discrimination, depuis quelques jours, des entreprises québécoises sont au coeur d'une controverse pour avoir décidé d'interdire le port du carré rouge à leurs employés, une pratique considérée par certains comme une forme de censure.

C'est le cas de la chaîne de librairies Renaud-Bray, qui a publié lundi un communiqué pour défendre sa décision, plaidant, devant la critique, une politique de neutralité adoptée en 2005. Renaud-Bray « s'attend à ce que ses employés demeurent neutres lorsqu'ils sont en fonction, en évitant d'arborer un quelconque signe distinctif en soutien à une cause ou une autre », expose l'entreprise. Selon elle, cette politique « se conforme à la vaste majorité des pratiques adoptées dans le commerce de détail ».

Même son de cloche à la Société des alcools du Québec, qui a demandé à ses directeurs de succursale de s'assurer que les employés n'affichent sur eux aucun symbole d'une cause, « pour ne pas prendre part au débat ».

La Grande Bibliothèque prohibe elle aussi le symbole de la mobilisation étudiante au nom de la neutralité, depuis la fin du mois de mai. Les employés, qui manifestent déjà tous les mardis pour dénoncer le fait qu'ils sont sans contrat de travail, dénoncent également depuis cette semaine l'interdiction du port du carré rouge. Le Syndicat de la fonction publique du Québec, représentant les employés de Bibliothèque et Archives nationales du Québec, dénonce une politique de censure de la part de la direction.

Du côté des entreprises culturelles, le Théâtre d'Aujourd'hui est quant à lui revenu sur sa décision d'interdire le symbole aux employés de l'accueil. La direction du théâtre dit avoir compris que sa décision a été perçue comme une limitation de la liberté d'expression, écrit-elle sur son site web. Le théâtre n'invoque pas de politique de neutralité, précisant qu'il est « résolument pour une société qui priorise l'accessibilité à l'éducation ».

Lucie Lemonde, de la Ligue des droits et libertés, soutient qu'un employeur ne peut pas refuser un emploi à quelqu'un ou le renvoyer parce qu'il porte le carré rouge. Par contre, elle précise qu'une directive qui interdit à des employés de porter le carré rouge s'ils interagissent avec le public peut être justifiée, dans certains cas.

Close
Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Canada, qui ont fermé en 2021. Si vous avez des questions ou des préoccupations, veuillez consulter notre FAQ ou contacter support@huffpost.com.