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Un portrait de Jacob Zuma, président d'Afrique du Sud, nu, censuré

Le sexe du président d'Afrique du Sud, objet d'art controversé
AFP

Depuis quelques jours, l'Afrique du Sud est secouée par un débat autour d'un tableau. Des milliers de Sud-africains ont défilé ce mardi 29 mai dans les rues de Johannesbourg à l'appel du parti au pouvoir l'ANC (Congrès national africain). Leurs revendications? Ils protestaient contre une peinture s'inspirant des affiches de l'Union soviétique et caricaturant le président sud-africain Jacob Zuma. Sauf qu'il y est représenté nu.

Depuis la mi-mai, l'affaire fait grand bruit dans le pays. La galerie d'art Goodman Gallery, reconnue mondialement, abritait l'exposition "Hail to the Thief II" ("Salut au Voleur II"). Y figuraient plusieurs tableaux qui détournaient notamment les logos de l'ANC, parti entaché par des affaires de corruption malgré ses promesses de réformer le pays. Parmi ces tableaux figurait "The Spear" (la lance en anglais), une œuvre de Brett Murray, artiste réputé pour ses provocations régulières.

Une œuvre pour dénoncer le comportement de Zuma

Dans le Guardian, les commissaires de l'exposition ont expliqué la volonté de Brett Murray: cette représentation osée met en lumière les agissements de l'ANC mais surtout ceux de son chef Jacob Zuma. Ses affres sexuelles - en 2005 il est inculpé de viol, ses déclarations sur le sida font scandale et même s'il pratique la polygamie (il a quatre femmes et 21 enfants) ses relations extra-conjugales defraient la chronique - auront donc été source d'inspiration pour Murray.

Sauf que ce portrait n'a pas vraiment plu aux cadres dirigeants du parti et les réactions ne se sont pas fait attendre. Pour l'ANC, il s'agit d'un "portrait dégoutant et inapproprié" et d'une "image déplaisante et vulgaire", avec des connotations racistes qui plus est. Dans un communiqué, le parti explique considèrer que "l'image et la diginité de notre président qui est aussi bien le président de l'ANC que le président de la République sud-africaine, ont été mise à mal par cette pièce qui veut se faire appeler "art" par Brett Murray et la galerie Goodman". L'ANC décide donc de porter l'affaire devant la justice et demande le retrait de l'oeuvre ainsi que ses reproductions.

L'affaire portée devant la justice

Mais l'affaire prend un nouveau tour lorsque le tableau est vandalisé le 22 mai. Deux hommes réussissent à s'introduire dans la galerie et badigeonnent le portrait de peinture noire et de croix rouges. Après leur arrestation, la galerie a dû fermer ses portes. Le jour même devait débuter le procès à l'initiative de l'ANC. Reporté au 24 mai, l'examen de la plainte a finalement été ajournée par un tribunal de Johannesbourg sans qu'une nouvelle date ne soit fixée. L'audience retransmise à la télévision a notamment été suivie devant le tribunal où s'étaient rassemblés les soutiens de Jacob Zuma. C'est à cette occasion que le parti a appelé à manifester ce mardi contre la galerie.

Dernier rebondissement en date, le retrait lundi 28 mai, par l'hebdomadaire sud-africain City Press (également poursuivi en justice par l'ANC), de l'image du tableau exposé son site. La rédactrice en chef y a justifié cette décision :"J'ai décidé d'enlever l'image en signe d'attention et de paix afin de contribuer modestement à surmonter un moment difficile [...] Etre comme aujourd'hui le symbole de la colère d'une nation n'a jamais été le rôle d'un média dans la société. Nous sommes robustes et indépendants, mais pas des semeurs de zizanie ni sourds." Dans la foulée, la galerie Goodman avait par ailleurs présenté ses excuses publiques et a retiré ce mardi l'œuvre de son site web.

Censure

Retournement de situation puisqu'elle déclarait pourtant au début de l'affaire: "Je suis lasse de ces gens qui veulent tuer les idées qu'ils n'approuvent pas [...] En plus, notre moralité est sélective. L'homme qui se trouve derrière cette dernière tentative de l'ANC de brider la liberté d'expression est Jackson Mthembu, récemment arrêté pour conduite en état d'ivresse à 7 heures du matin sur une autoroute fréquentée. Il n'est pas un modèle de vertu, pas plus que notre président, qui a fait plus pour détruire sa propre dignité que n'importe quel artiste."

Loin d'être anecdotique, cette histoire reflète les tensions qui existent aujourd'hui dans le pays. À quelques mois d'un grand congrès de l'ANC et alors que la popularité de Jacob Zuma est en perte de vitesse, le parti s'est emparé de la polémique, sans doute pour redorer le blason de son chef... qui ne fait pourtant pas l'unanimité au sein même de sa formation.

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