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Élections françaises: Jean-Marc Ayrault nommé premier ministre

François Hollande nomme son premier ministre
AFP

Le suspense avait été quelque peu émoussé par les indiscrétions de Jean-Pierre Jouyet. C'est donc sans surprise que le président de la République a annoncé ce mardi 15 mai la nomination du socialiste Jean-Marc Ayrault à Matignon. François Hollande l'a confirmé à sa sortie de l'Hôtel de Ville en précisant que l'information serait donnée "dans quelques minutes".Dans la foulée, le nouveau secrétaire général de l'Elysée, Pierre-René Lemas, a en effet annoncé la nomination de Jean-Marc Ayrault au poste de Premier ministre. Une consécration pour cette figure de l'Assemblée nationale, baron incontesté de Nantes et pourtant encore peu connu du grand public.

Le nom du député-maire de Nantes, sixième ville de France, circulait déjà depuis longtemps. Pendant sa campagne, le candidat socialiste avait dressé un portrait-robot du profil recherché pour Matignon. Un profil correspondant trait pour trait à son conseiller spécial âgé de 61 ans, allié de longue date sous l'ère Solférino et désormais chef d'un gouvernement dont ne connaîtra les membres que ce mercredi, probablement "en fin de journée".

"Un homme d'autorité sans autoritarisme"

Le président a donc fait le choix de la complicité, davantage que de la complémentarité. Car les deux hommes partagent plusieurs traits de caractère. Même discrétion polie, même modération politique, même sens de la mesure et même goût de la négociation. "Un choix sans risque", grince-t-on dans l'entourage du président.

Les Français l'ont peut-être découvert lors des séances à l'Assemblée nationale, où Jean-Marc Ayrault officie depuis onze ans en tant que président des députés socialistes. Un record. Orateur énergique à défaut d'être un grand tribun, l'élu de la 3e circonscription s'est surtout démarqué dans cette fonction stratégique par sa capacité à canaliser un groupe divers, frondeur et traversé ces dix dernières années par une série de crises. "Il a un vrai sens du rassemblement. Quand on est président d'un groupe de plus de 200 députés, ça compte", note un parlementaire de gauche.

"J'ai une double expérience, celle de l'élu d'une grande ville et la présidence d'un groupe parlementaire, à la fois dans la majorité et dans l'opposition, avec le souci de mettre en action les gens en fonction de leur qualité et non pas de leur étiquette", résumait sobrement l'intéressé avant la victoire du 6 mai.

A l'instar du chef de l'Etat, c'est avant tout en province que l'élu des Pays de la Loire a d'abord bâti un parcours politique sans tache, ou presque. Député de Loire-Atlantique dès 1986, maire de Nantes qu'il a ravi à la droite dès 1989, Jean-Marc Ayrault a fait de la cité un laboratoire du socialisme municipal et de la gauche plurielle, gouvernant sans discontinuité une ville dopée par l'arrivée du TGV et le développement de la région.

Gestionnaire habile et maire incontesté, "c'est un homme d'autorité sans autoritarisme. Il sait avoir le sens du dialogue et du compromis quand il le faut. C'est ce qui a fait sa longévité", note le député écologiste François de Rugy qui fut son adjoint aux Transports. "C'est l'anti-esbrouffe total, il n'y a pas moins bling-bling que Jean-Marc Ayrault", plaide son premier adjoint Pascal Bolo.

Même ses adversaires au conseil municipal ont la critique plutôt légère.

Derrière sa façade lisse et élégante, Jean-Marc Ayrault sait où il veut aller. Promoteur infatigable de l'aéroport nantais de Notre-Dame des Landes, l'homme s'est toutefois heurté à l'opposition des agriculteurs et des écologistes de sa région, sans jamais rien céder.

Un Premier ministre qui découvre le gouvernement

Comme le président de la République, Jean-Marc Ayrault s'apprête à découvrir l'appareil d'Etat en y entrant par la grande porte. Car le premier ministre n'a jamais exercé jusqu'alors de fonctions ministérielles, ce qui n'est pas un atout dans la période économique troublée qui attend le nouvel exécutif. Un handicap que ses bonnes relations tissées au sein de la galaxie socialiste pourraient compenser au moment où l'hôte de Matignon devrait retrouver le devant de la scène politique.

"C'est un enfant d'Epinay, il sait tout du Parti socialiste, il y milite depuis 40 ans", raconte son biographe Alain Besson, auteur d'une biographie du maire de Nantes.

François Hollande a prévenu: il ne sera pas "le chef de gouvernement". Un signe que Jean-Marc Ayrault devra garder la main sur une majorité bousculée par l'irruption du Front de Gauche et les exigences des alliés d'EELV.

Farouchement hostiles à l'aéroport Notre-Dame des Landes, les écologistes avaient d'ailleurs clairement affiché leur soutien à Martine Aubry lors de la primaire socialiste et leur préférence allait vers la maire de Lille pour Matignon. Jean-Marc Ayrault "ne fait pas partie des anti-Verts du PS et sur le fond, ce n'est pas un incurable productiviste", relativise François de Rugy.

Jean-Marc Ayrault dispose d'ailleurs d'autres qualités qui pourraient s'avérer utiles dans les mois qui viennent. Germanophone, cet ancien professeur d'allemand à la rigueur toute germanique sera un interlocuteur utile pour retisser les liens franco-allemands abîmés par la campagne présidentielle. En témoigne le surnom dont François Hollande l'a gratifié: "le social-démocrate allemand".

Les ennuis commencent

Seule ombre à son CV, une vieille condamnation à six mois de prison avec sursis il y a 15 ans pour une mauvaise affaire d'attribution de marché public. L'UMP ne s'est pas privée de rappeler François Hollande de le rappeler à sa promesse de ne jamais appeler au gouvernement une personne ayant été condamnée.

Mais le député-maire de Nantes a le droit pour lui. Car cette condamnation est désormais prescrite au nom des règles de réhabilitation et la simple mention de l'affaire est susceptible d'entraîner des poursuites. "Honnête homme je suis, honnête homme je reste", se défend Jean-Marc Ayrault, ulcéré de voir ce vieux procès se dresser sur son parcours politique. "Ca a été une épreuve pour moi il y a 15 ans, je ne vous le cache pas. Mais cette épreuve je l'ai surmontée, je l'ai surmontée essentiellement, par le soutien de ma famille, de mes amis, des Nantais, parce que en aucun cas, je n'avais été mis en cause sur mon le plan de mon intégrité et de mon honneur, pas d'enrichissement personnel, pas de financement politique", raconte-t-il.

Pas sûr que l'opposition ne s'empare pas à nouveau du dossier à quelques semaines des élections législatives.

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