Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Québec, qui a fermé ses portes en 2021.

Nicolas Sarkozy, la fin d'un quinquennat d'impopularité

La fin d'un règne d'impopularité
LIONEL BONAVENTURE / AFP

Entamé en pleine période de croissance, mais bouleversé par la triple crise financière, économique et de la dette, le mandat présidentiel qui s'achève aura connu au moins une constance: l'inexorable impopularité du président sortant. Elu avec plus de 53% des suffrages, Nicolas Sarkozy avait pourtant su séduire les Français au cours de sa campagne éclair, menée en rupture avec sa propre famille chiraquienne et axée sur la nécessité de réformer le pays.

Débutant son mandat avec un beau capital de 65 à 70% d'opinions positives, le chef de l'Etat a pourtant vu sa cote de popularité fondre comme neige au soleil, atteignant des records de discrédit politique. Et contrairement à ce que veulent bien en dire ses partisans de l'UMP, la crise historique qui a changé la face du quinquennat n'explique pas tout.

L'ÉTAT DE GRÂCE: MAI-AOÛT 2007

Le premier trimestre de la présidence Sarkozy a pourtant tout d'une lune de miel. Faisant fi des polémiques du début du quinquennat, du Fouquet's aux vacances du mois de mai sur le yacht de Vincent Bolloré, l'opinion approuve à une très large majorité les (nombreuses) initiatives de celui pour lequel s'imposera le néologisme "d'omniprésident". Si les élections législatives sont moins favorables que prévu, l'ouverture aux personnalités venues de la gauche, la place accordée à la diversité dans le gouvernement et le "paquet fiscal" voté dès l'été, vaste projet de loi instaurant le bouclier fiscal et la baisse des droits de donation, rencontrent un écho positif auprès des Français.

Symbole de cet état de grâce, la libération des infirmières bulgares au mois de juillet marque le premier succès retentissant de la diplomatie française sous l'ère-Sarkozy.

Pendant ce temps, l'économie française se porte bien. Si les banques pressentent déjà les secousses financières à venir, dont la crise des subprimes qui achèvera de précipiter le monde dans la récession, le chômage baisse ou se stabilise. La promese du "choc de croissance" tient encore. Quand vient l'heure des congés du mois d'août, Nicolas Sarkozy culmine à 69% d'opinions positives dans le baromètre Ifop pour Le JDD que nous avons pris pour base d'analyse*.

L'année 2007

LE PRÉSIDENT BLING BLING: SEPTEMBRE 2007-AVRIL 2008

Mais la belle mécanique s'enraye. Dès le mois de septembre, la cote du chef de l'Etat s'effondre de 8 points. Début de l'usure du pouvoir? Pas seulement. Car la déflation de popularité de Nicolas Sarkozy s'étend, voire s'accélère. Après les fêtes de Noël, nouvelle chute de 9 points. Tant et si bien qu'au mois de mai 2008, alors que l'hôte de l'Elysée fête le premier anniversaire de son élection, le bilan est accablant: Nicolas Sarkozy a perdu 30 points de popularité en 12 mois. La part des Français insatisfaits a elle grimpé de 33 points.

Que s'est-il passé? Si la donne économique n'a pas encore véritablement changé, la situation personnelle du président de la République a pris une tournure de Vaudeville. Les luxueuses vacances aux Etats-Unis du couple présidentiel au mois d'août ont révélé le drame intime qui se noue au sommet de l'Etat.

A la rentrée, l'orage vire à la tempête: Cécilia divorce, mais elle est vite remplacée par Carla Bruni. La séquence people tranche avec la tradition "jupiterienne" du style présidentiel de De Gaulle et François Mitterrand. Photos à Disneyland, Noël en Egypte, week-end à Petra, Rolex et Ray-Ban perturbent jusque dans l'électorat le plus conservateur du président de la République, devenu "le président Bling Bling".

L'épisode du salon de l'Agriculture de février 2008, au cours duquel Nicolas Sarkozy gratifie un badaud d'un très peu présidentiel "Casse-toi pov' con", n'améliore pas l'image de l'hôte de l'Elysée.

L'image du chef de l'Etat ne s'en remettra pas, malgré la batterie de sondages commandée alors par l'Elysée.

Politiquement, les choses se gâtent. La visite d'Etat de Mouhamar Kadhafi en décembre, dont la tente se dresse fièrement dans les jardins de l'hôtel Marigny, est perçue comme une humiliation. La première sanction dans les urnes ne tarde pas: les élections municipales de mars 2008 sont un échec pour la droite qui ne conserve son bastion marseillais que d'extrême-justesse.

L'année 2008

PRÉSIDENT DE LA CRISE : JANVIER-DÉCEMBRE 2008

Sur le plan intérieur comme international, le président de la République ne chôme pas. Fin 2007, les chantiers de réforme s'enchaînent, dont l'emblématique Grenelle de l'Environnement, qui pose les premiers jalons d'une réforme écologique très ambitieuse. Surtout, la France prend la présidence tournante de l'Union européenne. Critiqué sur le front domestique, l'activisme et l'omniprésence de Nicolas Sarkozy en Europe donne en revanche quelques résultats. Relance de la construction européenne avec le compromis (critiqué) du Traité de Lisbonne, lancement de l'Union pour la Méditerranée, intervention remarquée dans la crise russo-géorgienne... Le volontarisme du chef de l'Etat sur la scène européenne sera récompensé par un score honorable aux européennes de juin 2009, où l'UMP arrive en tête.

L'irruption de la crise financière à l'automne 2008, avec la faillite de la banque Lehman Brothers lui donne une nouvelle fois l'occasion de s'illustrer. Abandonnant la doxa libérale sur laquelle il s'est fait élire, Nicolas Sarkozy pourfend le capitalisme financier, prône une régulation mondiale au G20 en associant les puissances émergentes, garantie le sauvetage des banques et l'épargne des Français. Fin 2008, après la présentation d'un vaste plan de relance de 28 milliards d'euros, sa cote atteint 44% de satisfaits. Un rebond qui semble durable au moment où le PS s'enlise dans un congrès de Reims fratricide.

L'année 2009

LA PRÉSIDENCE DES SCANDALES: AOÛT 2009- JUILLET 2010

S'adaptant à la crise, le style de Nicolas Sarkozy se représidentialise: fini les vacances à l'étranger, direction Brégançon. Mais une série de polémiques entache les efforts du chef de l'Etat pour regagner la confiance des Français. Eté 2009, une petite phrase à connotation raciste de Brice Hortefeux ciblant un militant UMP provoque un scandale. Une vague de controverses, alimentées parfois par une opposition socialiste en pleine reconstruction, secoue alors le quinquennat. Parmi elles, l'affaire de l'Epad, dans laquelle Nicolas Sarkozy tente d'imposer son fils, Jean Sarkozy, à la tête de La Défense, fait fuser les accusations de népotisme et choque jusqu'à Neuilly-sur-Seine. La cote du président rechute à 36% d'opinions positives au mois de novembre.

Le débat sur l'identité nationale qui s'ouvre dans la foulée, voulu par Nicolas Sarkozy et piloté par le ministre Eric Besson, vire à la foire d'empoigne, sur fond de dérapages racistes et islamophobes. L'affaire Woerth-Bettencourt qui se profile, sur fond de réforme des retraites, ajoute les soupçons de scandale politico-financier qui achèvent de déstabiliser l'exécutif.

Pour ne rien arranger, la situation économique se dégrade et le chômage repart en flèche. Conséquence, les Français infligent un camouflet à la majorité présidentielle lors des régionales de mars 2010. Déjà toute puissante, la gauche réalise un quasi-carton plein et retrouve des couleurs. En mars 2010, l'impopularité de Nicolas Sarkozy atteint un palier historique avec 65% d'insatisfaits.

L'année 2010

LA PRÉSIDENCE À DROITE TOUTE: AOÛT 2010-AVRIL 2011

En quête d'un rebond, Nicolas Sarkozy opte pour un sévère virage à droite durant l'été 2010. A l'occasion de son discours de Grenoble, après deux incidents violents impliquant des gens du voyage et des délinquants, le chef de l'Etat prône une ligne ultra-sécuritaire, liant immigration et délinquance et ciblant ouvertement les Roms.

Parallèlement, alors que se profile la crise de la dette, le gouvernement tente d'imposer au forceps au réforme du régime général des retraites, repoussant la date de départ à 62 ans. Le bras de fer avec les syndicats s'impose comme le plus grand conflit social du quinquennat. Et s'il ne cessera de défendre cette réforme, Nicolas Sarkozy en paie le prix dans les sondages. Nouvel effondrement de la cote du chef de l'Etat: en octobre 2010, seuls 29% des Français se disent satisfaits de sa présidence, soit moins que son socle électoral au premier tour de l'élection de 2007. Le taux de mécontents franchit la barre des 70%.

Cette impopularité se prolonge et s'aggrave jusqu'au lendemain des cantonales de mars 2011. Si la majorité parvient à contenir la poussée de la gauche, l'irruption d'un Front national revigoré par la présidence de Marine Le Pen fait de l'ombre au chef de l'Etat, dont certains sondages prédisent une hypothétique élimination dès le premier tour de l'élection présidentielle de 2012.

L'année 2011

LA PRÉSIDENCE AUSTÈRE: ÉTÉ 2011-FÉVRIER 2012

Dans la dernière ligne droite de son quinquennat, Nicolas Sarkozy avait prévu de freiner le rythme des réformes afin de faire la pédagogie de sa politique et soigner une image qui peine à s'améliorer. La crise de la dette va l'en empêcher. Se présentant comme "un capitaine courage" dans la tempête économique et financière qui continue de secouer l'Europe, Nicolas Sarkozy tire les leçons de son début de quinquennat raté, et confie la barre à François Fillon, dont la cote de popularité a mieux résisté à la crise.

Alors que le gouvernement durcit le ton à l'égard des immigrés, quitte à alimenter les soupçons de flirt avec l'extrême-droite, François Fillon annonce en l'espace de trois mois deux plans d'austérité visant à réduire drastiquement les déficits de l'Etat. Cherchant à moins s'exposer, Nicolas Sarkozy emprunte un style quasi-monacal. la grossesse de Carla Bruni est passée sous silence et le président de la République multiplie les initiatives et déplacements à l'international afin de mieux se démarquer d'une opposition socialiste en pleine organisation de ses primaires citoyennes.

Si la cote de popularité du chef de l'Etat se stabilise, elle se maintient néanmoins à un niveau très bas: 34% de satisfaits. En cause: la promesse de voir le chômage baisser d'ici à la campagne présidentielle est d'ores et déjà enterrée. Et la crise des déficits empêche toute perspective de relance.

Une situation à laquelle l'entrée en campagne du candidat-président, en février 2012, ne changera rien ou presque. Malgré un faible rebond de sa cote de popularité, Nicolas Sarkozy restera dans l'histoire comme l'un des présidents les plus impopulaires de la Ve République.

» Revivez le quinquennat qui s'achève en images

2007-2012: les années Sarkozy

Close
Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Canada, qui ont fermé en 2021. Si vous avez des questions ou des préoccupations, veuillez consulter notre FAQ ou contacter support@huffpost.com.