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Drogues/analgésiques: un nombre grandissant de bébés naissent avec un syndrome de manque aux Etats-Unis

Drogues: un syndrome de manque pour les bébés!
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CHICAGO - La petite Savannah Dannelley, née au début du mois d'avril, prend un air renfrogné lorsqu'une infirmière glisse une dose de méthadone dans sa petite bouche. Le bébé est atteint d'un syndrome de manque et doit subir le même traitement que sa mère pour lutter contre une dépendance à de puissants analgésiques. Selon une étude, le nombre d'enfants concernés par ce syndrome a triplé en dix ans aux États-Unis.

Cette hausse est non seulement attribuable à l'usage de stupéfiants pendant la grossesse, mais également à l'abus de médicaments prescrits en toute légalité par des médecins, comme par exemple la Vicodine ou l'Oxycontine, soulignent les chercheurs dans cette étude publiée lundi dans le «Journal of the American Medical Association».

Ainsi, entre 2000 et 2009, le nombre de nouveau-nés atteints d'un syndrome de manque est passé d'environ 1 pour 1000 nourrissons à plus de 3 pour 1000. Plus de 13 000 enfants ont été concernés en 2009, selon les estimations des chercheurs. Parmi eux, des bébés comme Savannah, dont la mère est passée des analgésiques à la méthadone pendant sa grossesse, ou d'autres dont la mère consomme toujours des stupéfiants ou des médicaments créant une accoutumance.

Le sevrage des enfants peut prendre des semaines, voire des mois, avec souvent un long séjour en soins intensifs. Le coût hospitalier de ces traitements est passé de 190 millions $US entre 2000 à 720 millions $US en 2009, révèle l'étude.

Savannah est reliée à des moniteurs cardiaques et d'oxygène dans un service de soins intensifs pour nouveau-nés de l'Illinois. Dans son berceau, elle souffre d'un sommeil irrégulier, pleure parfois pendant toute la nuit, a des problèmes de diarrhée et du mal à manger, des symptômes habituels du manque. Certains bébés auront également des troubles de la respiration, un faible poids à la naissance et des convulsions.

«C'est vraiment dur au quotidien, émotionnellement et physiquement», confie sa mère, Aileen Dannelley, âgée de 25 ans. «C'est vraiment dur de voir que ma fille est née avec une dépendance.»

Selon les médecins, ces bébés sont accros aux produits que leur mère a pu prendre au cours de la grossesse, qu'il s'agisse de l'héroïne, de la méthadone ou d'autres opiacées. Et il est plus sûr de donner aux bébés de petites doses de méthadone plutôt que de les sevrer brutalement, explique le Dr Mark Brown, chef du service de pédiatrie à l'Eastern Maine Medical Center.

Pour le Dr Stephen Patrick, principal auteur de l'étude et spécialiste des nouveau-nés à l'université du Michigan, il s'agit d'une «épidémie de santé publique» qui nécessite que la classe politique s'y intéresse.

Le développement de certains de ces enfants peut être retardé, explique Marie Hayes, de l'université du Maine, mais il est difficile de déterminer si ces problèmes vont persister.

C'est la version XXIe siècle de l'épidémie de «bébés crack» qui a sévi dans les années 1980. Mais certains experts pensent que cette épidémie avait été exagérée et que ces bébés n'ont pas été touchés par des problèmes de santé à long terme.

La même suspicion est associée à l'étude publiée lundi. Carl Hart, professeur assistant en psychiatrie à l'université de Columbia, observe que seule une infime portion des enfants qui naissent chaque année aux États-Unis est concernée. L'étude inclut des femmes qui ne prenaient pas de drogue pendant leur grossesse, mais auxquelles des antidouleurs ont été prescrits pour des raisons valables. Il craint que les femmes enceintes soient stigmatisées.

Dans certains États, des mères dépendantes aux drogues ou aux médicaments sont arrêtées et emprisonnées alors qu'elles devraient être soignées, dénonce Arturo Valdez, qui dirige le centre de Chicago où est suivie Aileen Dannelley.

Cette dernière a commencé à prendre du crack à l'âge de 14 ans et avoue qu'elle n'y aurait «jamais touché» si elle avait su à quel point elle deviendrait dépendante. Elle a également été accro à la Vicodine, prescrit par un médecin pour soulager un mal de dos, à d'autres analgésiques sur ordonnance et à l'héroïne.

Aileen Dannelley se droguait encore au début de sa grossesse, mais elle a décidé d'arrêter en décembre. Elle s'est alors promise de ne plus jamais recommencer. Désormais, elle tente de remettre sa vie sur la bonne voie. Abandonnée par son conjoint, elle vit maintenant chez ses parents et vient d'entamer des études d'infirmière. Elle rend visite chaque jour à sa petite Savannah. Elle espère ramener sa fille à la maison bientôt.

«Je fais vraiment bien les choses pour la première fois de ma vie», se félicite-t-elle.

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