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Marie-Claire Blais: «Le Jeune Homme sans avenir», son nouveau roman

Marie-Claire Blais: le souffle de la mémoire
Asclepias/Wikipedia

Avec son nouveau roman «Le Jeune Homme sans avenir», Marie-Claire Blais poursuit son cycle romanesque, sa «grande fresque sociale», amorcé en 1995 avec «Soifs». La résilience et la mémoire sont au cœur de ce «roman-fleuve» où les voix s'entremêlent, portées par une prose puissante.

Jointe à Key West où elle vit depuis des années, Marie-Claire Blais évoque son roman avec patience et érudition. De sa voix tranquille où ne se laisse poindre aucun accent, elle parle sans se presser, semble choisir les mots et les prendre avec délicatesse. «Le Jeune Homme sans avenir», explique-t-elle, met en scène de nouveaux personnages, Fleur et Kim, de jeunes sans-abris qui habitent une île du Sud. «J'avais déjà exploré les drames de l'itinérance, d'une autre manière, dans Visions d'Anna. Fleur et Kim, ce sont de jeunes gens que vous allez rencontrer tout le temps, que ce soit à Montréal, à Paris ou à Key West. Ce sont aussi des artistes. [..] Ils vivent dans l'incertitude totale, dans les marges, dans un monde de la nuit.»

À l'instar de Daniel, un des écrivains fictifs du roman, Marie-Claire Blais croit que «le monde [est un] vaste sujet de poésie». Ses personnages le traversent avec inquiétude, avec cet amour de la beauté, ce vibrant désir de vivre. «Chacun a son univers qui répond à son besoin de résister», indique-t-elle. Et «tous ont une lutte à faire». Malgré les morts, malgré les absents, malgré ce monde qu'elle dit «devenu crépusculaire à force de violence». «Il y a ce refus de mourir, de se laisser soumettre à la société, ce refus vital de la fin.»

Des personnages des cinq livres précédents réapparaissent, tels que Daniel, Robbie et Petites Cendres. Leurs voix, ainsi que celle de tous les autres, se juxtaposent et se recoupent. Le roman prend forme dans une sorte de «conversation éternelle» que mène en parallèle la multitude de personnages du livre. On suit entre autres les rêves de Fleur, alors qu'il joue de la flûte traversière devant la maison de Mabel. Amoureuse de lui, Kim le talonne et espère des lendemains plus heureux. Daniel attend dans une aérogare que son vol soit reporté; Petites Cendres se rend avec Robbie au Saloon Porte du Baiser pour rejoindre ses amies...

Au fil des 302 pages que compte le roman, la virgule rythme la lecture et seuls 60 points viennent interrompre momentanément le flot d'écriture. Cette forme particulière – la phrase très longue, l'absence de paragraphes- que l'auteure explore depuis «Le Sourd dans la ville» (1979) demande chaque fois une grande rigueur dans le travail textuel. «La phase doit être écrite pour que tous puissent y entrer. On peut mettre beaucoup de choses en même temps: c'est une accélération d'images. On vit cette manière de penser comme si c'était normal! [rires] Il faut que la phrase soit musicale, qu'elle intègre les êtres et leurs pensées. Le point, c'est une pause, un moment oisif et tranquille avant de reprendre.»

Marie-Claire Blais poursuit ce qu'elle appelle son «travail d'observation et de rencontres», et prépare la suite du «Jeune Homme sans avenir». L'univers qu'elle construit depuis «Soifs», tous ces destins entremêlés, l'habite sans relâche. Cette «petite humanité» est le moteur de son écriture, de sa volonté à dire la beauté du monde, à rendre flagrantes les fissures comme les blessures. «J'y pense tout le temps. C'est toujours là. C'est comme une musique: elle ne s'en va pas jusqu'à ce qu'elle soit délivrée.»

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