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RVCQ: Mesnak, en attendant le grand film autochtone

Mesnak: en attendant le grand film autochtone
Stefan Ivanov

À l’occasion des Rendez-vous du cinéma québécois, le metteur en scène Yves Sioui Durand, fondateur de la compagnie de théâtre Ondinnok, présentait hier en première mondiale Mesnak, unique film de fiction québécois réalisé par un membre des Premières Nations à ce jour. Le long métrage, qui met à profit une équipe presque exclusivement autochtone – presque, puisque les vétérans Robert Morin et Louis Hamelin ont assuré la coscénarisation, tandis qu’André Melançon, Louis Bélanger de Denis Chouinard ont agi à titre de conseillers à la réalisation –, permet une rare incursion dans la réalité des réserves nord-côtières.

C’est le personnage de Dave, interprété avec justesse par Victor Andrés Trelles Turgeon, qui nous y conduit à travers de superbes paysages boréaux et sur la douce musique de Bertrand Chénier. À la suite de la réception d’une lettre intrigante, le jeune autochtone urbain plantera sa tente à Kinogamish, la communauté où il est né, et où vit toujours sa mère, Gertrude. La quête identitaire du Montréalais d’adoption se transformera rapidement en tragédie shakespearienne à échelle humaine, l’histoire de Mesnak étant fortement inspirée par Hamlet.

Malheureusement, très vite, les clichés s’additionnent comme si la rareté des productions autochtones grand public justifiait l’empressement d’aborder tous les fléaux: inceste, toxicomanie, viol, bagarres familiales, guerres de clans. Les problèmes ne surviennent jamais seuls, certes. Mais tous en même temps? Les effets dramatiques souvent mal maîtrisés et inutiles surenchérissent sur l’aspect caricatural des personnages. L’aveugle reclus et rebelle, le Montréalais à la belle gueule, l’alcoolique désabusé, la jolie Amérindienne: Mesnak, qui voulait déboulonner les mythes véhiculés par les productions hollywoodiennes, en crée un nouveau, plus moderne et moins grotesque.

L’alternance continue entre le français et l’innu aurait pu s’avérer une idée intéressante pour témoigner de l’assimilation linguistique du peuple autochtone. Or, les changements se font sans réelle cohérence, et on a davantage l’impression que les acteurs se traduisent eux-mêmes pour contenter le public québécois. Une incursion plus assumée dans l’intimité autochtone, avec sous-titres français, aurait sans doute été moins irritante. C’est sans compter l’immense faussée entre le jeu de certains acteurs récitant leur texte de façon mécanique – la plupart ne sont pas professionnels – et d’autres faisant preuve d’un naturel confondant, comme les magnifiques Katia Rock (Gertrude) et Ève Ringuette (Osalic).

Reste que Mesnak donne droit à de belles images de paysages nordiques, magnifiées par le talent de composition du pianiste Bertrand Chénier. Reste qu’il fait bon de voir les Autochtones multiplier les expressions artistiques, actes de résistance et vaisseaux sanguins d’une culture fragile. Reste que Mesnak est un film nécessaire, en quelque sorte, qui, espérons-le, pavera la voie. Pavera la voie à un grand film.

En vidéo, voyez le topo de Catherine Beauchamp sur Mesnak.

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