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Libye: situation et bilan, à l'heure du premier anniversaire de la Révolution

La Révolution lybienne a un an: l’heure du bilan
JOSEPH EID / AFP

La Libye se prépare à fêter le premier anniversaire de sa "révolution du 17 février". Aucun programme officiel n'a été prévu pour célébrer ce jour, par "respect pour les familles des martyrs, les blessés et les disparus". Mais l'absence de fête n'interdit pas de dresser un bilan... Quatre mois après la fin du conflit, qu'est devenu le pays? Que s'est-il passé pendant tout ce temps? Élections, exactions, prolifération d'armes et corruption: tableau de la situation en Libye.

L'organisation de nouvelles élections, sur fond de contestation

Au niveau politique, la priorité des mois écoulés depuis la fin officielle des opérations de l'Otan, le 31 octobre 2011, a été la préparation de nouvelles élections, prévues en juin. Une loi électorale a été adoptée fin janvier qui régit cette organisation. Deux tiers des 200 sièges de l'assemblée ont été réservés aux listes des partis politiques et le reste (64 sièges) aux indépendants. La loi confère un rôle privilégié à la femme -50% de femmes devraient être présentées sur les listes électorales- et aux jeunes. Les dignitaires de l'ancien régime sont exclus du jeu: les personnes ayant occupé des postes de responsabilité dans les Comités révolutionnaires, épine dorsale de l'ancien régime de Mouammar Kadhafi, et de ses organes de sécurité, ne peuvent pas se porter candidats. Une commission électorale a aussi été formée, qui a été saluée par la mission des Nations unies en Libye, qualifiant le cadre légal des prochaines élections, les premières depuis plus de 40 ans, de "raisonnable".

La mission du Conseil national de transition, l'instance dirigeante provisoire, est d'autant plus difficile à mettre en oeuvre qu'il a dû affronter les critiques. Le Conseil a dû faire face notamment au grondement des "thowars", les révolutionnaires, qui se sentent marginalisés par le pouvoir en place. Des manifestations ont émaillé les mois derniers, certains thowars demandant au CNT d'intégrer dans ses rangs au moins 40% d'ex-rebelles. Outre les thowars, de nombreuses voix se sont élevés qui l'accusent de contenir en ses rangs des membres de l'ancien régime. Ces coups de boutoirs incessants ont mené le CNT à subir mi-janvier sa première crise politique depuis la fin du régime. Le vice-président du CNT, Abdelhafidh Ghoga, a dû démissionner sous la pression de la rue, accusé par les manifestants d'être un "opportuniste".

Le prochain rendez-vous politique du CNT avec ses détracteurs sera aussi judiciaire, puisque le premier procès des partisans de Kadhafi, un groupe d'une quarantaine de personnes accusées d'avoir comploté contre la révolution libyenne, doit s'ouvrir le 22 février.

Une situation sécuritaire préoccupante

L'autre défi des mois passés est bien sûr sécuritaire. Les Libyens ont abandonné en masse leur travail ou leurs études pour prendre les armes, et comme souvent à la suite d'un conflit, beaucoup de ces armes sont restées dans le giron de la population. Face à la désorganisation des pouvoirs publics, des brigades armées cherchent à assurer la sécurité de leurs villes et villages. Des incidents armés éclatent régulièrement. La ville de Bani Walid, ancien bastion des forces de Kadhafi, a ainsi connu de violents soubresauts, qui ont fait cinq morts et une trentaine de blessés le 23 janvier dernier.

Pour remédier à ce problème, les nouvelles autorités ont lancé un plan visant à réintégrer les près de 200.000 ex-rebelles dans la société. Environ 50.000 devraient rejoindre les services des ministères de l'Intérieur et de la Défense, les autres pourront bénéficier d'aides financières pour monter des projets ou achever leurs études, à la condition de déclarer s'ils possèdent une arme et de la remettre aux autorités. Mais le processus avance lentement. Quelques centaines de personnes seulement se sont inscrites à Tripoli. Et les rebelles qui viennent s'inscrire au programme sont peu nombreux à déclarer posséder une arme.

Des actes de torture contre les ex-partisans de Kadhafi

Actes de torture, détention abusive, justice expéditive... Au cours des derniers mois, les organisations internationales ont rapporté de plus en plus de cas de dérives de milices s'en prenant à d'anciens soutiens du Colonel déchu. Le Conseil national de transition n'a pas empêché ces actes, faute de volonté ou d'une réelle capacité d'action. Il s'était pourtant construit sur une image démocratique, celui d'un gouvernement soucieux des droits de l'homme. Cette image a été au cours des derniers mois profondément écorné par ces exactions. En janvier, la Haut commissaire pour les droits de l'Homme de l'ONU, Navi Pillay, s'est notamment inquiétée de la situation des migrants et des réfugiés africains, soupçonnés par les ex-révolutionnaires d'avoir fait partie des milices du colonel Kadhafi.

Ces exactions se sont surtout concentrées dans les centres de détention libyens, au nombre d'une soixantaine. Environ 8500 personnes sont détenues dans ces prisons gérées en majorité par les milices. Au moins 12 personnes placées en détention par des milices sont mortes depuis septembre, selon Amnesty international. Les services de l'ONU ont également reçu "des informations alarmantes de torture" dans ces centres de détention secrets.

Des villages et des villes entières ont été déplacés. Des miliciens de Misratah ont ainsi chassé de chez eux tous les habitants de Tawargha, soit environ 30.000 personnes, et ont pillé et incendié leurs logements en représailles contre des crimes que des Tawarghas sont accusés d'avoir commis pendant le conflit. Aucune enquête n'a été ouverte par le régime sur tous ces actes.

Londres a d'ailleurs annoncé de vendredi qu'elle prévoyait d'accueillir un colloque sur les droits de l'Homme en Libye. Le but: aider le gouvernement de transition à lutter contre les graves abus dont sont accusées des milices d'ex-rebelles.

Une économie désorganisée, soutenu par la production pétrolière

La situation financière en Libye est toujours précaire et l'économie tarde à redémarrer, mais les autorités ont pu bénéficier d'une reprise de la production d'hydrocarbures en un temps record avec 1,3 million de barils par jour fin janvier, contre quelques milliers en juillet, selon la Compagnie nationale de pétrole (NOC). La levée des sanctions imposées à la Libye du colonel Kadhafi par les Nations Unies et les puissances occidentales a représenté une bouffée d'oxygène pour le gouvernement de transition, qui a pu bénéficier des milliards de dollars de fonds non utilisés par l'ancien régime.

Mais le manque de liquidité continue à empoisonner la vie des Libyens et a engendré une "crise de confiance" dans les banques, la plus grande partie de la monnaie libyenne circulant désormais en dehors du secteur bancaire. La corruption n'a pas été éradiquée. Les nouvelles autorités ont hérité d'une économie désorganisée, et de la gestion anarchique des revenus du pétrole pendant plus de quarante années.

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