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Grèce, faillite: ceux qui misent sur une sortie de la zone euro ou le défaut de paiement

Qui sont ceux qui veulent laisser tomber la Grèce ?
Reuters

"Il faut dire la vérité au peuple grec, il y a plusieurs pays qui ne veulent plus de nous", déclarait mercredi 15 février le ministre des Finances grec. Evangelos Vénizelos ne croit pas si bien dire.

Les incertitudes qui règnent autour de la tenue de la réunion de l'Eurogroupe ne sont pas là pour rassurer Athènes. Programmé mercredi soir, le sommet qui doit permettre d'accorder la dernière tranche d'aide à la Grèce, a été repoussé lundi 20 avril.

Les ministres des Finances européens doutent encore de recevoir l'assurance des dirigeants grecs que les réformes d'austérité seront mises en œuvre. Athènes compte sur une aide sans précédent de 230 milliards d'euros en deux volets, prévue en échange de mesures drastiques et de réformes: 100 milliards d'euros d'effacement de dette par les banques et 130 milliards d'aide publique.

Or, si l'UE n'accorde pas une nouvelle tranche d'aide à la Grèce d'ici au 20 mars, celle-ci fera défaut. "Il faut convaincre les pays de la zone euro" que la Grèce peut "réussir à y rester pour les prochaines générations, pour nos enfants", a prévenu le ministre des Finances Evangélos Vénizélos, ajoutant que certaines "puissances au sein de l'Europe jouaient avec le feu".

  • Qui sont ceux qui veulent laisser tomber Athènes?

Cela n'étonnera personne, mais l'Allemagne, les Pays-Bas, la Finlande et le Luxembourg sont les plus ardents défenseurs de cette thèse. Les quatre derniers pays de la zone euro disposant du AAA des agences de notations. Les plus avant gardistes en terme de rigueur budgétaire.

Mercredi 15 février, les déclarations du ministre allemand des Finances ont contribué à un nouveau regain de tension. L'influent Wolfgang Schäuble ne veut pas financer "un puits sans fond" et répète que la zone euro est "mieux préparée qu'il y a deux ans" à une faillite de la Grèce. On ne peut plus clair.

Pour son homologue luxembourgeois, un sous-entendu glissé en début de semaine avait laissé comprendre que la Grèce pourrait être exclue si elle ne tenait pas ses promesses de réduction du déficit public.

"Le clan des durs (Allemagne, Pays-Bas, etc...) n'exclut pas un défaut de paiement grec et une sortie de la zone euro", a confirmé de son côté un diplomate européen. "Tous les scénarios, y compris le scénario du pire, sont encore sur la table", a-t-il rajouté.

  • Pourquoi ces pays militent-ils pour l'abandon ?

Certains y voient un jeu de la part d'Athènes, arguant que ses engagements budgétaires ne seront jamais tenus. "Athènes se fiche de nous", a soufflé un diplomate proche des négociations au blog Coulisses de Bruxelles, hébergé par Libération. "Depuis janvier 2011, le gouvernement a arrêté de mettre en œuvre les réformes en se disant qu'on allait de toute façon payer pour sauver l'euro et ça, ça ne peut plus durer."

Le défaut de paiement "constituerait un problème, mais pas un suicide", juge de son côté un diplomate néerlandais, visiblement décomplexé sur le sujet. Pour lui, la zone euro s'est dotée de fonds de secours qui permettront d'endiguer les risques de contagion, même si l'augmentation de leur force de frappe ne sera pas acquise avant le mois de mars.

Pour d'autres acteurs l'erreur originelle remonte à 2001, année de l'entrée de la Grèce dans la zone euro. On sait depuis que Athènes a menti sur son niveau de déficit public, très faible sur la période étudiée pour son adhésion (1997-1999). Évalué à 1,9% de son PIB en 1997, le déficit grec était en réalité de 6,4%, bien supérieur aux critères de Maastricht qui fixent la limite à 3% du PIB.

Nicolas Sarkozy l'avait d'ailleurs affirmé en novembre 2011: l'Europe a fait "une erreur" en intégrant la Grèce à la zone euro.

  • Un mur mis en place entre la zone euro et la Grèce...

Au terme de ce bras de fer entre Athènes et Bruxelles, les dirigeants de la zone euro se sont décidés à construire un mur entre la Grèce et le reste de l'espace monétaire. Selon Anne-Laure Delatte, économiste à la Rouen Business School, "le mur, ce sont les 400 milliards d'euros que la BCE a injectés sur les marchés depuis l'automne."

"Aujourd'hui, les Européens ont l'impression qu'ils ont réussi à isoler le problème grec et qu'ils pourront résister à une sortie de la Grèce de la zone euro. Ils commencent à se désengager vis-à-vis de la Grèce, qu'ils ne veulent plus sauver à tout prix. Preuve en est, ils ont changé de discours et mettent de plus en plus de pression sur Athènes", analyse cette experte.

D'autres instances se mettent même à parier en faveur d'une faillite de la Grèce. C'est le cas de certains fonds d'investissement qui achètent en masse des CDS (Credit Default Swap), ces fameuses assurances sur des emprunts émis par un État (ou une entreprise).

Des investisseurs peu éthiques achètent des CDS sur de la dette grecque, sans pour autant en détenir. "C'est exactement comme si je m'assurais contre un incendie sur une habitation dont je ne suis ni propriétaire ni locataire. J'ai tout intérêt à ce que cette maison prenne feu pour toucher la prime", explique l'auteur Paul Jorion.

Environ 3,2 milliards de dollars de CDS étaient en cours sur la Grèce début février.

  • ...ce qui entraîne des relents ramenant à la Seconde guerre mondiale

Personnage discret et posé, le président de la République grec Karolos Papoulias est sorti de sa réserve: "Qui est M. Schäuble pour insulter la Grèce ? Qui sont les Néerlandais ? Qui sont les Finlandais ? Nous avons toujours eu la fierté de défendre non seulement notre liberté et notre pays, mais aussi la liberté de l'Europe." Karolos Papoulias, ancien résistant qui a fait ses études en Allemagne, vise ces trois pays dans une claire allusion à la Seconde guerre mondiale.

D'un plan d'austérité à l'autre, ces idées vieilles de 67 ans font du chemin et trouvent un écho de plus en plus important dans la société grecque. Manolis Glezos, 89 ans, connu pour avoir décroché le drapeau nazi de l'Acropole, a remis le couvert sur une dette... allemande jamais réglée à Athènes.

Cette facture de réparation de guerre fixée à 476 millions de reichsmarks correspond à environ 10 milliards d'euros actuels. Avec un taux d'intérêt annuel de 3%, le montant de la dette allemande pourrait aujourd'hui s'élever entre 80 et 100 milliards d'euros, soit un montant proche de ce que l'Europe s'apprête à débourser.

Berlin ne s'est pas exprimée sur la question. Mais au jeu des petites phrases, cette nouvelle polémique utilisée par les manifestants ne risque pas d'améliorer des relations déjà très tendues.

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