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Présumé complot au Mexique : un cadre de SNC-Lavalin a rencontré une des personnes accusées

Un cadre de SNC-Lavalin dans le complot
Benoit Pinguet/ABACA

Un cadre de SNC-Lavalin était avec une des cinq personnes accusées d'avoir comploté pour faire entrer clandestinement au Mexique des membres de la famille Kadhafi, lorsqu'elle a été arrêtée dans ce pays, a appris le réseau CBC.

Un porte-parole de la firme d'ingénierie canadienne a reconnu par courriel qu'un de ses vice-présidents, Stéphane Roy, qui a supervisé des projets en Libye totalisant des milliards de dollars, était à Mexico lorsque la Mexicaine Gabriela Davila Huerta a été arrêtée, le 11 novembre.

Trois autres personnes ont été arrêtées relativement à cette affaire : un Danois, un Mexicain ainsi que la Canadienne Cynthya Vanier, une consultante ontarienne de 52 ans présentée comme l'organisatrice du complot.

« Stéphane Roy a informé SNC-Lavalin qu'il avait été invité au Mexique par Mme Vanier afin de discuter d'éventuels projets de traitement des eaux au Mexique. Nos dossiers indiquent qu'il était au Mexique les 11 et 12 novembre », a écrit Leslie Quinton, vice-présidente aux communications mondiales d'entreprise chez SNC-Lavalin.

« M. Roy a signalé qu'il était allé au Mexique pour rencontrer Mme Vanier afin de discuter d'éventuels projets de traitement des eaux, mais il a rencontré une autre personne », ajoute-t-elle dans un courriel envoyé jeudi soir.

« Nous comprenons qu'aucune charge n'a été portée contre lui, et que, à notre connaissance, il n'est actuellement pas visé par l'enquête », ajoute Mme Quinton.

La semaine dernière, l'entreprise niait pourtant tout contact récent avec la ressortissante canadienne arrêtée. « SNC-Lavalin n'a aucunement été impliquée avec Mme Vanier depuis la mission d'enquête [en Libye] au début de l'été 2011. La société n'a pas communiqué avec elle ou sa famille depuis son arrestation, puisque nous n'avons aucun lien avec sa présence au Mexique », écrivait Mme Quinton dans un courriel daté du 26 janvier.

Les liens entre SNC-Lavalin et Saadi Kadhafi

SNC-Lavalin a passé plus d'une décennie en Libye pour la construction d'un nouvel aéroport, d'une prison et de conduites d'eau, projets totalisant des milliards de dollars. La firme canadienne tirait 15 % de ses revenus totaux de la Libye, lorsqu'elle a cessé ses opérations et évacué son personnel dans la foulée des sanctions contre le régime Kadhafi.

L'entreprise a déjà reconnu qu'elle avait eu des relations d'affaires étroites avec Saadi Kadhafi, le fils de l'ancien dictateur libyen, et qu'elle a par le passé réglé plusieurs de ses factures, y compris ses frais d'hébergement, de sécurité et de transport, lors de son voyage au Canada, en 2008.

En juillet 2011, lors du soulèvement libyen, la multinationale a financé une « mission d'établissement des faits », confiée à Cynthya Vanier et ayant pour but de fournir de l'information à jour sur la sécurité de ses projets et de ses travailleurs restés au pays.

Selon Gary Peters, un ancien garde du corps de Saadi Kadhafi qui assurait la sécurité de Mme Vanier pendant son voyage, la mission avait un autre objectif. C'est lui-même, a-t-il soutenu en entrevue au réseau CBC, qui a eu l'idée de cette mission. Il dit s'être servi de la consultante ontarienne, qu'il a invitée en Libye, lui suggérant de contacter SNC-Lavalin pour que la firme finance un rapport pro-Kadhafi. « C'était évidemment une guerre de propagande! », a-t-il dit.

Ultimement, le rapport rédigé par Mme Vanier dénonçait les « atrocités » résultant des bombardements de l'OTAN et les exactions commises par les rebelles, ignorant cependant celles commises par le régime. Bien accueilli par SNC-Lavalin, le document a été ignoré par le ministère canadien des Affaires étrangères et qualifié de biaisé par plusieurs des personnes l'ayant lu à Ottawa.

M. Peters soutient avoir été reçu aux bureaux tunisiens de SNC-Lavalin à la fin du moins d'août, alors que le régime Kadhafi perdait le contrôle de la Libye, et avoir à cette occasion rencontré Riadh Ben Aissa, le plus haut dirigeant de la firme en Afrique. L'entreprise, dit-il, a défrayé son transport aérien et son hébergement.

En septembre, il a traversé la frontière libyenne, se joignant à un convoi armé aidant Saadi Kadhafi à fuir vers le Niger, où celui-ci a demandé le statut de réfugié.

M. Peters soutient que Mme Vanier a été consultée pour un éventuel départ de son ex-patron vers le Mexique, mais, assure-t-il, le plan a été abandonné en juin, bien avant l'arrestation des suspects, après avoir été jugé illégal. En décembre, l'avocat de Saadi Kadhafi a de son côté nié que son client ait tenté d'entrer illégalement au Mexique.

Contacté par un journaliste de CBC jeudi, Riadh Ben Aissa a refusé de répondre à ses questions. Alors que le journaliste lui demandait s'il savait que Gary Peters avait l'intention d'aider des membres de la famille Kadhafi à fuir la Libye en dépit de l'interdiction des Nations unies, le cadre l'a plutôt invité à appeler l'entreprise.

SNC-Lavalin a reconnu que M. Peters était allé à ses bureaux en Tunisie et a précisé que « la rencontre n'[avait] donné lieu à aucun contrat ou entente d'affaires », ajoutant qu'elle n'approuverait pas une « tentative de mission d'extraction ou toute autre action contraire aux lois locales ou internationales ».

L'entreprise n'explique pas cependant pourquoi elle a reçu un garde du corps de Saadi Kadhafi en pleine période de frappes de l'OTAN.

CBC a demandé à SNC-Lavalin si un de ses cadres ou de ses employés avait toujours des contacts avec des membres de la famille Kadhafi et si quiconque, au sein de la compagnie, avait participé à la planification de la fuite de Saadi Kadhafi ou de sa famille à l'extérieur de la Libye.

« SNC-Lavalin ne tolère et ne tolérerait aucune action qui contreviendrait aux lois locales ou internationales. Aucune activité officielle n'a été faite avec n'importe quel membre de la famille Kadhafi au nom de SNC-Lavalin depuis que le gouvernement provisoire libyen est au pouvoir », a répondu l'entreprise.

SNC-Lavalin a décliné toutes les demandes d'entrevue du réseau CBC, répondant à chaque fois à ses questions par courriel.

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