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Le vin et la campagne électorale: sujet tabou!

Personne ne l'a fait jusqu'à maintenant, mais il y a fort à parier que si quelqu'un, journaliste ou électeur, aurait demandé à n'importe lequel des chefs des partis politiques qui s'affrontent présentement, ce qu'il (ou elle) compte faire pour remédier aux conditions problématiques dans lesquelles s'effectuent la commercialisation du vin au Québec, que tous auraient probablement eu la même réaction et répondu:
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Flickr: Julia Manzerova

Personne ne l'a fait jusqu'à maintenant, mais il y a fort à parier que si quelqu'un, journaliste ou électeur, aurait demandé à n'importe lequel des chefs des partis politiques qui s'affrontent présentement, ce qu'il (ou elle) compte faire pour remédier aux conditions problématiques dans lesquelles s'effectuent la commercialisation du vin au Québec, que tous auraient probablement eu la même réaction et répondu: "C'est quoi le problème?"

En effet, vu de loin, tel un mirage, tout semble baigner dans l'huile. Selon le dernier rapport annuel de la SAQ, le chiffre d'affaires pour l'année financière 2011-2012 qui s'est terminée le 30 mars dernier, est maintenant de 2,867 milliards $ CAD (en hausse de 6.7%) et les dividendes (profits) remis au gouvernement sont de 999,7 millions $ CAD, soit presque un milliard de $CAD (en hausse de 9.8%). Et ça continue: pour le premier trimestre de cette année (avril, mai et juin 2012), les ventes sont en hausse de 7.4% et les profits de 11.1%!

Retenons deux choses: les dividendes (profits) remis au gouvernement représentent presque 35% des ventes et la croissance en % des profits est toujours plus grande que celle des ventes, ce qui signifie que la marge bénéficiaire sur les produits vendus augmente sans cesse.

Nous payons trop cher

Je reviens tout juste d'un voyage à Paris. Vous ne serez pas surpris si je vous dis que j'y ai vu et bu quelques bouteilles et remarqué que les prix pratiqués sur le vin par les Français sont sans commune mesure avec ceux du Québec.

Ainsi, j'ai pu m'offrir lors de l'un de mes soupers au restaurant, une bouteille de Château Rozier, Saint-Émilion grand cru (voir photo) pour 20€, soit environ 24,00$ CAD; je vous le répète, au restaurant, lequel était situé dans une zone touristique!

Ce vin, à ma connaissance, n'est pas encore disponible ici. Avec la structure actuelle de prix de la Société des Alcools du Québec, le prix de détail de ce vin pour les consommateurs québécois serait probablement autour de 24,00$ CAD et peut être même un peu plus, c'est-à-dire le même prix auquel on peut se l'obtenir dans un restaurant de Paris! Un malheur n'arrivant jamais seul, un restaurant de Montréal demanderait alors environ forcément 48,00$ et plus pour cette même bouteille (la plupart de nos restos vendant leurs vins au minimum le double du prix de vente au détail), soit la bagatelle de 100% plus cher (24,00$ versus 48,00$) que le prix pratiqué à Paris.

De l'avis de certaines personnes qui ont étudié de près cette question, la clientèle captive du Québec paierait au moins 20 à 25% trop cher ses vins, principalement ceux vendus 20,00$ et moins. Un des principes fondamentaux du capitalisme est que si le prix d'un produit baisse, la demande pour celui-ci augmentera assurément. Ramener à un niveau plus décent le prix du vin au Québec ne se traduirait donc pas nécessairement par une baisse équivalente des profits, le volume des ventes augmentant ipso facto.

L'excuse qui tue

Afin de tenter d'expliquer pourquoi nous sommes en Amérique du Nord parmi ceux qui payons le plus cher leurs vins (et pour le champagne c'est encore pire), la plupart d'entre vous avez sans doute déjà lu ou entendu dire que ces prix élevés servent à financer nos écoles et nos hôpitaux. Rien de tel pour faire avaler la surfacturaction au bon peuple que de lui dorer un peu la pilule en lui disant que si on l'exploite, c'est pour une bonne cause!

Cet argument ne tient pas la route. Examinons les faits.

Où va l'argent?

Si les profits remis au gouvernement par la SAQ étaient versés directement aux ministères de la Santé et de l'Éducation, vous et moi serions alors certains que ceux-ci en seraient bel et bien les seuls bénéficiaires. Or, tel n'est pas le cas car l'argent est versé dans les coffres du gouvernement, c'est-à-dire au fonds consolidé de la province, lequel sert à payer n'importe laquelle des nombreuses dépenses gouvernementales.

Aucune garantie donc que le profit qui sera réalisé le week-end prochain alors que vous achèterez votre vin préféré servira à payer une partie du salaire du professeur de votre progéniture ou encore celui de l'infirmière du CLSC près de chez vous. Aucune. Mais pour une partie du salaire d'un inutile et lointain fonctionnaire à l'emploi d'un quelconque et obscur ministère gérant un programme depuis longtemps désuet, les chances sont bonnes.

Un peu de maths

Même si l'on admettait un instant que cet argent est vraiment utilisé aux fins que l'on se plaît à nous faire croire, celui-ci ne représenterait qu'une petite goutte d'eau (ou de vin) dans le financement des ministères de la Santé et de l'Éducation. En effet, selon le dernier budget déposé par le Gouvernement du Québec, le budget combiné de ces deux ministères totalise environ 35,000,000,000.00$ (35 milliards $ CAD). Puisque les derniers dividendes annuels de la SAQ sont d'environ 1 milliard de dollars, ceux-ci représente à peine un petit 3% de cette somme!

Pour que la vente d'alcool et de vin au Québec finance vraiment la totalité des budgets dévolus à ces deux ministères, il faudrait que la population augmente de 35 fois sa consommation de produits alcoolisés! Je ne suis pas certain que ce serait une bonne idée. Les ventes annuelles de la SAQ passeraient ainsi de 2,687 milliards à plus de 100 milliards de dollars. Pas très réaliste, n'est-ce pas?

Alors de grâce, ne me dites jamais plus que les prix exagérément élevés que l'on nous impose au Québec sont le résultat d'un choix de société. S'il existe vraiment une société qui ait fait ce choix, ce ne peut être que la Société....des Alcools du Québec!

Des changements à l'horizon?

Lorsque nous connaîtrons mardi soir le 4 septembre prochain les résultats de l'élection provinciale en cours, je vous prédis que peu importe la composition du prochain gouvernement, la course maladive et obsessive de la SAQ vers de plus en plus gros profits se poursuivra.

Il est bon de se rappeler ici que les membres du conseil d'administration de notre caviste national (et obligé) ne relève pas du Ministère du Développement économique, ni de celui de la Santé ou de l'Éducation, mais bel et bien du Ministère des Finances! Voilà qui en dit long sur la priorité gouvernementale et qui explique tout par le fait même. On ne peut donc pas en toute honnêteté blâmer uniquement la SAQ pour les prix élevés du vin. Lorsque l'on connaît l'appétit insatiable de nos gouvernements pour augmenter leurs sources de revenus ainsi que leurs recettes, mus par leur inexorable propension à dépenser toujours plus, on réalise que ce n'est pas demain que les choses risquent de changer.

Quoique vous en pensiez, je ne suis pas nécessairement en train de vous dire qu'il faille absolument abolir la SAQ. J'aime pour ma part la variété des origines des produits que l'on peut trouver sous un même toit , tout comme l'idée qu'une bonne partie de ces produits soient disponibles à travers tout le territoire. Je dis cependant qu'il est maintenant et plus que jamais temps de réformerquelque peu la philosophie et la mission de ce monopole d'état avant que cette quête aveugle du profit à tout prix n'entraîne sa perte.

Conclusion

Vous comprenez maintenant pourquoi la question du prix de vente du vin au Québec ne risque pas d'être soulevée par les politiciens. La vache donne du si bon lait et de plus elle se laisse si docilement traire. Ceci demeurera vrai, jusqu'au jour où nous les contribuables, pauvres dindons, décideront collectivement que la farce a assez duré.

En attendant ce grand jour, faisons confiance en notre gouvernement qui, s'est bien connu, veut notre bien. Et il fera tout pour l'avoir.

P.S.

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Suggestions de la semaine

Voici deux vins dits du Nouveau Monde qui vous procureront plaisir et satisfaction:

Sauvignon blanc, Kim Crawford, Malborough, 2011, Nouvelle-Zélande

Cépage : 100% Sauvignon blanc

Prix : 20,05$

Code # : 10327701

Servir : 10°-12° Celsius

C'est grâce à ses vins de Sauvignon blanc que la Nouvelle-Zélande a commencé à faire parler d'elle, il y 25 ans environ; toutes les caractéristiques de ce cépage y sont magnifiées, celui-ci s'étant bien adapté au climat de son pays d'adoption.

Couleur jaune pâle avec de légers reflets verts; nez bien présent d'agrumes et de fruit de la passion; la texture est souple et même légèrement grasse; une certaine longueur en prime; un vin fait pour plaire au plus grand nombre que l'on peut utiliser comme apéritif ou à table, surtout avec les entrées.

Cabernet Sauvignon, Robert Mondavi, Californie, 2009, États-Unis

Cépages : 75% Cabernet Sauvignon, 11% Merlot, 10% Cabernet Franc, 2% Syrah, 1% Petit Verdot et 1% Malbec

Prix : 34,25$

Code # : 255513

Servir : 16°-17° Celsius

Carafer : 20-30 minutes

Selon la législation en vigueur en Californie, on peut n'indiquer sur l'étiquette que le nom du cépage dominant si celui-ci y est présent pour au moins 75%; comme quoi il faut parfois aller plus loin que l'étiquette. La maison Mondavi qui fut l'une des pionnières lors de l'essor des vins de Californie dans les années 70 a mis au point cet assemblage des plus réussis.

Couleur rouge rubis foncé; nez agréable de petits fruits (mûre, cassis),de vanille avec une pointe épicé; l'attaque est déjà souple malgré son jeune âge (surtout si vous le carafer préalablement); belle matière fondue contribuant à l'équilibre; légère amertume rafraîchissante en finale; si vous croyiez que tous les vins californiens sont nécessairement trop boisés, celui-ci vous fera changer d'avis; assez bien pour le samedi soir avec des plats de viandes consistantes (agneau, boeuf, gibier, etc.) que vous servirez avec une sauce un peu relevée.

Voir le blogue du Club des Dégustateurs de Grands Vins

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