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Le gouvernement du Québec fait faux bond à ses vignerons

Après avoir appris que leurs vins pourraient être vendus dans les épiceries, les vignerons du Québec ont reçu juste avant Noël une très mauvaise nouvelle de la part de leur gouvernement.
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Après avoir appris que leurs vins pourraient être vendus dans les épiceries, les vignerons du Québec ont reçu juste avant Noël une très mauvaise nouvelle de la part de leur gouvernement.

Contre toute attente, le gouvernement du Québec, par le biais de son ministre de l'Agriculture Pierre Paradis, les avisait sans aucun préavis, qu'il modifiait fortement à la baisse le montant maximal auquel ils avaient droit en vertu du programme d'aide à la commercialisation des alcools du Québec (PAPAQ) annoncé par le gouvernement de madame Marois en novembre 2013 et qui devait se terminer le 31 mars 2017.

Voici un extrait des nouvelles modalités de ce programme dont le but est de favoriser la commercialisation des vins québécois dans le réseau de la SAQ: (voir le texte intégral ici).

Comme on peut le voir, il est mentionné dans les conditions particulières, que l'aide financière annuelle est maintenant limitée à 100 000 $ par entreprise. Puisque le plafond était auparavant de 300 000 $, le gouvernement diminue sans crier gare les 2/3 de l'appui qui prévalait précédemment.

Qui a décidé cela?

Le tout premier paragraphe des nouvelles modalités du programme PAPAQ pour 2015 semble indiquer que cette initiative relèverait du ministre de l'Agriculture, Pierre Paradis.

Chose tout aussi inquiétante, le dernier paragraphe du programme pour 2015 indique qu'il se termine le 12 septembre 2015. Qu'arrivera-t-il par la suite? Mystère.

Comment un gouvernement responsable peut-il laisser ainsi une industrie dans une telle incertitude alors qu'il devrait plutôt mettre en place une fois pour toute une véritable politique de développement claire et à long terme pour les entreprises viticoles québécoises?

Le programme actuel est un véritable foutoir. Il est administré par le ministère de l'Agriculture (MAPAQ), financé par le ministère des Finances avec autorisation du Conseil du Trésor. Il devient ainsi pénible et ardu de savoir si c'est bien le MAPAQ qui matraque nos vignerons.

Évidemment, on choisit de faire part de cette mauvaise nouvelle après la clôture des travaux de l'Assemblée nationale et alors que ceux-ci ne reprendront que le 9 février 2016. Très pratique pour éviter certaines questions embarrassantes.

L'insulte à l'injure

En plus de voir la portée de ce programme essentiel à l'essor de la viticulture québécoise fortement revue à la baisse, ce qui constitue déjà une erreur en soi, nos vignerons ont appris que ces nouveaux paramètres s'appliqueraient rétroactivement au 29 mars 2015. Des vignerons du Québec ont ainsi vendu en toute bonne foi tout au long de l'année 2015 leurs vins à la Société des alcools du Québec, comptant sur la remise promise par le gouvernement, celle-ci représentant bien souvent leur marge de profit.

La SAQ avait pourtant donné un bon coup de pouce aux producteurs de vins québécois en déployant leurs produits dans plus de succursales et en créant dans celles-ci la section bien distincte "Origine Québec", favorisant ainsi une croissance de plus de 80 % des ventes de vins québécois en 2014-2015.

Car si le futur règlement à venir qui permettra de vendre du vin québécois directement aux épiciers (si rien ne change encore une fois!) sera idéal pour les petits vignerons, l'accès au réseau de la SAQ est primordial pour assurer la croissance de vignobles qui ont atteint un volume suffisant pour y être distribué.

Et voilà qu'en bout de ligne, on change unilatéralement et sans crier gare les règles du jeu! À titre d'exemple, pour une bouteille de vin vendue 15,95 $ par la SAQ, les vignerons québécois devaient recevoir en vertu du programme d'aide annoncé autour de 4,70 $ de remise au total qui s'ajoutait au 6,00 $ payé par la SAQ.

Cela signifie que dès qu'un producteur vend 21 276 bouteilles à la SAQ que celle-ci vendra en moyenne 16 $, il atteint le nouveau plafond de 100 000 $. Or, au moins 5 des plus importants viticulteurs québécois ont vendu en 2015 bien plus que ce nombre de bouteilles, sans savoir que le plafond de 300 000 $ serait rétroactivement rabaissé à 100 000 $. Aucun vigneron québécois n'avait prévu cette honteuse volte-face gouvernementale et plusieurs se retrouvèrent ainsi, faits comme des rats.

On n'avait pas tout dit

Pourtant, à maintes reprises à l'Assemblée Nationale l'automne dernier, le ministre des Finances Carlos Leitão, lorsque pressé de questions à ce sujet par les députés de l'opposition, a affirmé que les vignerons à qui le gouvernement du Québec devait de l'argent depuis le début de l'année, "recevraient leurs chèques avant Noël".

Il a seulement oublié de mentionner que les vignerons qui avaient vendu le plus à la Société des alcools du Québec ne recevraient que le tiers de la somme prévue. Oups! À sa décharge, peut-être celui-ci ignorait-il que le ministre de l'Agriculture de son propre gouvernement, Pierre Paradis, abaisserait du deux tiers et rétroactivement le plafond du soutien admissible.

Irresponsable et indigne

En agissant de manière préjudiciable, notre gouvernement a placé plusieurs producteurs de vin québécois dans une position financière périlleuse.

Encouragés par le programme de soutien, certains vignerons avaient investi en achetant des terres pour y planter plus de vignes, comme l'un d'eux, M. Daniel Lande, propriétaire du vignoble de la Rivière du Chêne à St-Eustache.

Lorsqu'il a reçu, le 21 décembre dernier, une lettre du ministre de l'Agriculture, l'informant que l'on modifiait rétroactivement au 29 mars dernier les modalités du programme PAPAQ (programme d'appui à la promotion des alcools du Québec), faisant disparaître une bonne partie des redevances attendues sur des ventes déjà réalisées, il s'est senti floué comme plusieurs de ses collègues.

Et il y a de quoi. En vertu des ventes complétées depuis ce printemps par la SAQ pour ses vins, M. Lalande s'attendait à recevoir une remise de 237 000 $ en décembre 2015 et de 63 000 $ en ce début d'année. Il a dû se contenter de 100 000 $, soit 66,6 % de moins.

Il est facile de comprendre qu'en modifiant sans avertissement et rétroactivement ce programme de soutien, le gouvernement met les plus importants vendeurs de vin québécois à la SAQ dans une position financière délicate face à leurs divers créanciers (et le comble du ridicule, c'est que le créancier est souvent la Financière agricole du Québec!).

Que serait l'industrie viticole québécoise sans les vignobles de l'Orpailleur qui a subi un manque à gagner de 200 000 $, du domaine St-Jacques, de Coteau Rougemont, du domaine Les Brome, et de celui de la Rivière du Chêne, pour ne nommer que ceux-ci?

On voudrait saboter les fleurons de cette industrie naissante que l'on n'agirait pas différemment. Impossible de savoir si c'est là l'intention du ministre de l'Agriculture Pierre Paradis, puisque depuis qu'il est en poste, même les membres de l'Association des Vignerons du Québec (AVQ) n'ont jamais réussi à lui parler ni à recevoir de réponses aux lettres qui lui ont été adressées.

Un reportage de Radio-Canada paru le 8 janvier dernier au Téléjournal de 18h00 a bien résumé cette surprenante et inattendue décision du gouvernement du Québec ainsi que ses désastreuses conséquences, présentes et à venir.

Les conditions qui prévalent partout ailleurs

Pour les personnes qui connaissent un peu moins les rouages de la filière viticole internationale, il est important de préciser ce qui suit.

Dans l'attente d'une mesure permanente qui réduirait le taux de majoration appliqué par la SAQ, tel que cela existe en Colombie-Britannique, en Ontario et en Nouvelle-Écosse, un programme de soutien comme le PAPAQ est indispensable pour que les vignerons du Québec reçoivent un traitement équitable qui leur permette d'affronter à armes égales leurs compétiteurs nationaux et internationaux.

Avant que le programme québécois PAPAQ ne soit modifié, les vignerons québécois recevaient ainsi en bout de ligne le même montant que les producteurs étrangers reçoivent pour les produits qu'ils vendent à la SAQ, si on tient compte des mesures fiscales et monétaires dont ces derniers bénéficient auprès de leurs gouvernements respectifs.

Partout sauf ici

En effet, tous les pays producteurs du monde appuient financièrement de multiples manières leurs vignerons pour élaborer et exporter leurs vins. À titre d'exemples canadiens, en Nouvelle-Écosse et en Ontario, un producteur de vin qui vend au monopole de sa province perçoit autour de 10 $ sur sa bouteille vendu 15 $ au consommateur, parce que ces gouvernements provinciaux ont demandé à leur monopole d'appliquer une majoration presque deux fois moins élevée pour les produits locaux.

Malgré que le Québec soit pourtant dans le même pays que ces provinces, on nous a toujours dit qu'en vertu d'accords internationaux cela n'était pas possible ici. Bizarre.

Pas de la charité, mais un bon investissement

Toutes les bonnes administrations de par le monde favorisent le développement de leurs vignerons parce que les retombées économiques rapportent au moins 5 fois plus que les sommes qu'on leur verse. Pas compliqué à comprendre. Ces gouvernements savent qu'il n'y a aucune culture qui peut rapporter plus à l'hectare à un état que la viticulture.

De plus, en développant et en consommant les vins et les alcools d'ici, nous gardons notre argent chez nous! Nous diminuons ainsi l'exportation de nos capitaux vers l'Australie, le Chili, la Californie, l'Europe, etc. Nous les investissons plutôt à l'Île d'Orléans, en Estrie, dans les Basses Laurentides, en Montérégie, en Mauricie, en Outaouais et nous créons des emplois.

Il faut bien comprendre qu'il ne s'agit pas ici d'argent jeté par les fenêtres, mais d'une décision d'affaires qui permet à des entrepreneurs de générer de la richesse dans l'économie du Québec, ce qui, en bout de ligne, profite à tout le monde. Si on ne fait pas comme les autres, aussi bien fermer boutique immédiatement.

Tout ceci et bien plus a été expliqué ici même dans ce billet du 26 novembre dernier intitulé :

Agenda caché?

Alors qu'en Ontario on met les vins de cette province bien en évidence, soit à l'avant des succursales de la LCBO, on dirait presque que notre gouvernement désire forcer la main des vignerons québécois pour qu'ils délaissent la SAQ et se dirigent uniquement vers les dépanneurs et les épiceries.

Nous deviendrions alors le seul endroit au monde qui produit du vin où l'on réserverait le meilleur positionnement disponible, soit les tablettes du réseau de première classe que représente la SAQ, entièrement pour les vins qui sont étrangers à notre terroir. Il faut croire que pour notre gouvernement, 99 % des ventes totales présentement réalisées à la SAQ par les vins de l'extérieur, ce n'est pas encore suffisant.

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De la variété cette semaine avec 7 vins (1 vin blanc, 1 vin rosé et 5 vins rouges).

Deux de ces vins sont faits avec des raisins bios.

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