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L'histoire du crucifix que le gouvernement libéral vient de refuser de retirer du Salon bleu à l'Assemblée nationale le met en flagrante contradiction par rapport aux vœux exprimés par son chef Philippe Couillard il y a cinq ans.
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La croix au Salon bleu: l'emblème de l'appareil de répression mis en place par Duplessis et le clergé catholique dont le cardinal Paul-Émile Léger.
Roger Ouellet
La croix au Salon bleu: l'emblème de l'appareil de répression mis en place par Duplessis et le clergé catholique dont le cardinal Paul-Émile Léger.

L'histoire du crucifix que le gouvernement libéral vient de refuser de retirer du Salon bleu à l'Assemblée nationale le met en flagrante contradiction par rapport aux vœux exprimés par son chef Philippe Couillard il y a cinq ans, en décembre 2012, dans une lettre au quotidien Le Devoiret dans laquelle le candidat d'alors à la direction du Parti libéral dud Québec conviait les libéraux à revenir aux sources de la grande tradition libérale en renouant notamment avec les combats qu'avait menés en son temps le journaliste antifasciste Jean-Charles Harvey. Pire, le refus actuel du gouvernement bafoue en réalité l'héritage de Harvey dont Philippe Couillard prétendait se réclamer.

Pour comprendre cette histoire de crucifix, il faut d'abord placer le crucifix dans l'Histoire. En accrochant l'objet dans ce lieu de pouvoir en 1936, Maurice Duplessis n'entendait pas rappeler aux Québécois le message d'amour qui avait été lancé deux millénaires plus tôt par le Nazaréen. Rusé et roublard, le premier ministre était plutôt cohérent avec sa ligne de conduite habituelle. L'avis qui était sous-entendu dans ce geste politique pouvait se lire de la manière suivante: « Quand vous vous attaquez à moi, vous vous attaquez à Dieu. Or, prenez garde! » En réalité, si pour faire passer son mot d'ordre de manière plus efficace, il avait fallu au Chef installer un bretzel à cet endroit plutôt qu'une croix, il l'aurait sans doute fait.

Ce symbole, puisque c'en était un, incarnait dans les faits l'alliance au Québec de deux pouvoirs : celui du chef de l'Union nationale avec celui de la puissante Église catholique. L'emblème avait par ailleurs un nom de baptême. Il n'était pas beaucoup reconnu comme tel à l'époque, mais il faut aujourd'hui le rappeler. Cela s'appelait le clérico-nationalisme, une idéologie née avant le règne de Duplessis, mais qui s'avérait liberticide en raison de son caractère répressif.

L'intellectuel qui, dans les années trente et quarante, s'est illustré comme l'ennemi numéro un des porte-étendards de ce clérico-nationalisme dans la province avait également un nom et il s'appelait Jean-Charles Harvey, l'archétype du véritable intellectuel libéral, un homme dont le rappel des combats se trouve pourtant à être complètement absent de l'actuelle toponymie québécoise. Harvey a payé un prix très élevé pour avoir osé exprimer ses idées d'avant-garde et les tenants de l'appareil de répression clérico-nationaliste se sont vigoureusement acharnés sur lui.

On ne peut, en 2017, revendiquer d'une part l'héritage de cet homme tout en maintenant en place le symbole qui a servi à le réprimer.

On ne peut, en 2017, revendiquer d'une part l'héritage de cet homme tout en maintenant en place le symbole qui a servi à le réprimer. C'est parler, pour employer une expression commune, des deux côtés de la bouche en même temps. C'est pourquoi, l'attitude du gouvernement libéral dans ce dossier, lui qui invoque le besoin de ne pas « effacer le patrimoine historique » relève au mieux, pour rester dans le langage biblique, d'un éloquent pharisaïsme. À ce compte-là, pourquoi ne pas aller chercher la statue de Maurice Duplessis qui n'est pas bien loin dehors et la faire entrer au Salon bleu, juste aux côtés de la sainte Croix historique?

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