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Vu d'un siège rouge au Salon bleu...

La souveraineté n'est que peu tributaire des règles, du libellé de l'article 1 ou des élections à date fixe. Si le Parti québécois parvient à remplacer un argumentaire émoussé par une vision motrice, s'il trouve la manière et le propos pour interpeller la jeunesse, la souveraineté trouvera son chemin.
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Dans quelques jours, les élus du 7 avril s'approprieront les sièges du Salon bleu de l'Assemblée nationale. Il y a longtemps qu'un gouvernement n'a pas joui d'une telle majorité : elle est de 15 sièges dans l'enceinte, mais de 40 de mieux que son plus proche adversaire.

Voilà le Parti québécois confronté à une de ces crises existentielles dont il a le secret... et l'expérience. Chacun le menace de s'éteindre et il en sort parfois même plus fort. Les stratèges libéraux seront prudents avant d'annoncer le décès du patient. Une majorité de Québécois n'en partagent pas l'option fondatrice, mais les gens en apprécient le sens de l'État et le courage de rêver.

La gouvernance souverainiste a mené Pauline Marois au-delà de plusieurs périls. La campagne a cependant révélé les limites de cette doctrine : à défaut de répondre à des questions insistantes sur le moment et la manière, elle prête à tous les procès d'intention. Le PLQ de Philippe Couillard a mieux fait que le très habile Jean Charest à ce chapitre. Un référendum dont le Parti québécois n'envisageait pas la tenue a contaminé la campagne.

L'électorat n'avait pas envie de retourner aux urnes lors d'un référendum, ni d'y aller dans 18 mois pour choisir un autre gouvernement. Le Parti québécois est parti en vrille dès qu'on a convaincu l'électorat que malgré des doutes éthiques flagrants, le Parti libéral de Philippe Couillard offrait la meilleure chance de former un gouvernement majoritaire, d'une durée donc de quatre ans. Philippe Couillard, légitime premier ministre du Québec, doit se pincer pour y croire : sa campagne fut sans éclat, ni programme, son leadership fragile et son éthique mise en doute.

Peut-être les Québécois se sont-ils ralliés au bon docteur, principal aspirant à la succession de Jean Charest, gestionnaire bienveillant encadré d'un appareil partisan pour gérer un Québec qui se satisfait d'être une province en recul au sein du Canada. Il reste que le cabinet Couillard commence plutôt bien. Après tout, un gouvernement où siègent Yves Bolduc, Gaétan Barrette, Christine St-Pierre et Sam Hamad pourrait se retrouver très vite en eaux troubles. Les Québécois semblent tentés de regarder ailleurs, mais les noms de certains ministres libéraux alimentent toujours la rumeur lorsque l'UPAC et la Commission Charbonneau sont mentionnées.

On assiste déjà au démantèlement de l'espace que Pierre Duchesne et Marie Malavoy voulaient consacrer à l'histoire nationale et on s'attend à une pâle présence internationale pour le Québec, à une défense incertaine de la langue française et à une tentation de privatiser encore davantage le système de santé. On peut compter pour défunte la Charte des valeurs portée par Bernard Drainville. La pire démagogie, tant multiculturaliste à la Gérard Bouchard que xénophobe comme une certaine frange indépendantiste en est capable, et une instrumentalisation électorale l'ont sabordée. Son porteur ne méritait pas pareil sort. On voit aussi poindre la tentation de privatiser Hydro Québec ou la SAQ, comme ce fermier qui vend la vache pour s'acheter du lait.

En revanche, l'équipe économique de Philippe Couillard offre l'image d'une mise en place modérée. Carlos Leitao n'a pas d'expérience politique. Ceci explique peut-être le ton de ses interventions exempt de cette vindicte partisane qui marque la passation d'un ministre des Finances d'une allégeance à celui d'une autre. L'héritage des années Charest plombe le gouvernement Couillard comme il l'a fait du gouvernement Marois. Qu'on soit péquiste ou libéral, la démographie québécoise suggère une stratégie axée sur l'emploi et la PME. La différence entre les dépenses de l'État et ses revenus, imputables à une faiblesse des recettes qui menace de devenir structurelle, se gère toujours en dosant déficit et réduction des dépenses. La marge de manœuvre idéologique est d'une navrante étroitesse et le chemin de croix à New York sera de rigueur.

Le Parti québécois, à l'étroit dans trop peu de banquettes de l'opposition, devra se choisir un chef, moderniser son programme et revoir l'article 1. Il flirte avec les banquettes de la seconde opposition s'il envisage un référendum dans un prochain mandat, ou ne promet pas de s'en abstenir. La souveraineté est au cœur de ce qui distingue le militant du Parti québécois de ses adversaires. Sans un désir ostentatoire d'indépendance, la vente de cartes de membres sera difficile. Dilemme cornélien. Je suis inquiet de ce déni chez plusieurs souverainistes qui s'entêtent à fixer l'échéancier de réalisation d'une idée qui reçoit l'aval d'à peine 40 % des électeurs. Je n'ai aucun respect pour les gorges chaudes des démissionnaires qui ont l'air de se glorifier des déboires du Parti québécois, mais je crois que monsieur Parizeau n'a pas tort. Le Parti québécois doit plus et mieux faire connaître son idée fondatrice et promouvoir la souveraineté d'une nation qui a sa Révolution tranquille à compléter. Il apparaît quand même imprudent de présumer du moment où le PQ sera arrivé à en faire une option gagnante, et imprudent d'exposer le Québec à un troisième revers.

Le Parlement de la 41e législature sera hostile aux péquistes, entre des libéraux plus convaincus que jamais que le pouvoir leur appartient de droit divin, et une CAQ turbulente centrée sur la vindicte d'un chef qui alimente les médias avec une redoutable efficacité sans les divisions d'une course à la direction. En revanche, le temps que dure une telle course pourrait offrir beaucoup de profondeur et de visibilité au Parti québécois si elle s'articule sur les militants, les régions et de très fortes personnalités. Nous voilà fin 2015, et qui sait, peut-être en 2016. Le processus menant à un congrès d'orientation ne se mettant en branle qu'à ce moment-là, un tel rassemblement n'aura alors lieu qu'en 2017. À toutes fins pratiques, le Parti québécois aurait fait peau neuve tout juste avant l'échéance électorale de 2018.

Ce scénario pèserait lourdement sur les épaules de Stéphane Bédard. Il a excellé pour diriger les travaux de l'Opposition officielle et du gouvernement au Salon bleu au cours des dernières années. L'exercice sera drôlement plus délicat à travers les tensions d'une course à la direction du parti, mais nul autre qui ne soit pas un candidat pressenti n'aurait l'envergure nécessaire.

La souveraineté n'est que peu tributaire des règles, du libellé de l'article 1 ou des élections à date fixe. Si le Parti québécois parvient à remplacer un argumentaire émoussé par une vision motrice, s'il trouve la manière et le propos pour interpeller la jeunesse, la souveraineté trouvera son chemin. Ceux qui la souhaitent doivent s'armer de lucidité et de patience. Que les autres se réjouissent : l'état de grâce du gouvernement Couillard devrait durer un long moment.

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Avril 2018

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