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Oui, il faut répondre à Alain Dubuc...

«S'il s'exprime dans l'ouverture, c'est le nationalisme même et non sa répression qui est garant de diversité.»
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J'ai lu d'étonnants commentaires ce matin au sujet du texte «La bataille des nationalismes».

"Ça ne vaut pas la peine de répondre parce que personne ne lit plus La Presse" ou "Dubuc est un vendu"... Il est possible que le modèle d'affaires de La Presse soit encore incertain, mais il faut répondre, toujours répondre, y compris à Alain Dubuc — dont certains des collègues sont des commentateurs de très haut niveau. On ne progresse pas entre convaincus. Il faut expliquer, répéter, additionner... justement parce que l'argumentaire d'Alain Dubuc est aussi habile que dangereux.

Rien n'est plus identitaire que la religion. Elle est porteuse de tous les nationalismes, voire des intégrismes, surtout les plus étroits et conservateurs. Ça inclut le christianisme. On ne peut pas se revendiquer du multiculturalisme qu'expriment les religions et être à la fois progressiste. C'est pourtant ce que font les Justin Trudeau et Gabriel Nadeau-Dubois. La religion est la survivance d'un mode d'adaptation et d'un ordre social archaïques ayant longtemps expliqué le réel, mais se nourrissant d'ignorance à des fins politiques. Aujourd'hui, il y a la connaissance et la science.

La laïcité de l'État n'est pas un projet identitaire. Au contraire, la laïcité de l'État, comme employeur, interdit l'expression et la promotion de préférences religieuses (comme commerciales ou politiques...) durant l'exercice d'une fonction au sein de l'appareil public, qui doit n'en favoriser aucune. En revanche, en vertu de la liberté, l'espace public ne serait l'objet d'aucune contrainte.

Récemment, le Québec s'est inscrit dans une autre dérive en confondant sécurité et laïcité/neutralité quant au port de signes religieux pour les usagers de services publics. La charge émotive qui plombe cette réflexion nuit à toute analyse scientifique ou rationnelle.

Il est cependant exact qu'en réaction à la montée identitaire assumée chez l'ADQ des années 2000, le Parti québécois de Pauline Marois a, volontairement ou non, créé la confusion entre identité et laïcité, qui servent pourtant des fins opposées. En substituant le mot "valeurs" à "laïcité", la Charte devenait un symbole nationaliste et semblait interdire au nom de "nos" valeurs l'expression de la diversité. Récemment, le Québec s'est inscrit dans une autre dérive en confondant sécurité et laïcité/neutralité quant au port de signes religieux pour les usagers de services publics. La charge émotive qui plombe cette réflexion nuit à toute analyse scientifique ou rationnelle.

Il est exact que Jean-François Lisée semble avoir perçu une opportunité tactique et s'en être servi contre Alexandre Cloutier d'abord, puis plus récemment contre Messieurs Couillard et Trudeau dans le dossier humanitaire des migrants haïtiens. Ce recours à des arguments peu accueillants est déplorable parce que les questions qu'il soulève (suspension de l'Entente sur les tiers pays sûrs, financement de l'accueil d'immigrants humanitaires dont la sélection relève du Canada...) sont nécessaires. Or, un Québec souverain assumerait une adhésion librement consentie aux traités internationaux et financerait l'intégration de tous les immigrants dont il assurerait aussi la sélection. Le Québec en aurait les moyens parce qu'il ne paierait pas d'impôts à un régime fédéral qui, à cet égard, marginalise sa langue et sa culture.

Enfin, s'il s'exprime dans l'ouverture, c'est le nationalisme même et non sa répression qui est garant de diversité. C'est dans la culture de chacune des nations du monde que la diversité prend sa source, de la gastronomie à l'art religieux en passant par l'histoire, le vêtement et la littérature... En ne sollicitant pas la reconnaissance d'un point de rencontre linguistique entre toutes ces diversités, l'État canadien et son multiculturalisme les condamnent à des frottements stériles, parfois hostiles. Et il est vrai que cette doctrine a pour effet de reléguer le français au Québec au statut de langue parmi les autres langues, et favorise ainsi l'assimilation des Québécois à la culture nord-américaine qui aura tôt fait, ensuite, d'en faire autant des Canadiens. Le multiculturalisme est naïf.

Le Parti québécois renouerait avec ses racines en adoptant un nationalisme d'ouverture, d'accueil, de valorisation de la diversité culturelle, du Nous réellement inclusif, exempt de la tentation ethnique, et autour d'une légitime revendication de restauration et d'amélioration de la Loi 101 comme outil essentiel de durée et de vivre-ensemble.

Le texte d'Alain Dubuc aurait gagné à ne pas verser dans l'insulte facile. Son dessein en est révélé. Comme si souvent...

Avril 2018

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