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« Ma responsabilité est de rappeler aux directeurs d'établissements des universités et des cégeps que toutes les mesures doivent être prises pour que les cours puissent se donner », a dit Line Beauchamp le mercredi 11 avril. Ça a l'air un peu dur, fâché, mais pas déraisonnable. On comprend que la ministre est excédée. On ne bafouera pas davantage son impérieuse autorité. Mieux : les sondages semblent être de son bord.
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« Ma responsabilité est de rappeler aux directeurs d'établissements des universités et des cégeps que toutes les mesures doivent être prises pour que les cours puissent se donner », a dit Line Beauchamp le mercredi 11 avril.

Ça a l'air un peu dur, fâché, mais pas déraisonnable. On comprend que la ministre est excédée. On ne bafouera pas davantage son impérieuse autorité. Mieux : les sondages semblent être de son bord. Pourtant, l'effet prévisible est clair : des dizaines de milliers d'étudiants qui retournent en classe pendant que d'autres s'y refusent. Des dizaines de milliers d'étudiants qui complètent simplement leur session, alors que d'autres la voient compromise. À moins, bien sûr, qu'ils ne se taisent, rentrent dans le rang, la tête basse, et mettent fin à leur contestation d'une nouvelle hausse de 75% des frais de scolarité. Dans ce cas, bien sûr, le gouvernement fait des gorges chaudes et explique aux citoyens qu'il avait raison de ne rien écouter de ces méprisables rebelles. La preuve? Ils ont pris leur trou, la gang d'anarchistes! Et dans ce cas, aussi, le gouvernement empoche, les parents paient, et les étudiants s'endettent au bénéfice d'une même génération davantage privilégiée que solidaire.

Est-ce si simple? Bien sûr, la stratégie est éculée, et vraiment, vraiment ancienne. Mais ça marche presque à tout coup. La peur des représailles, la division parmi les étudiants, la perte pure et simple des sommes trop importantes - c'est l'enjeu du conflit ! - que les étudiants et leurs parents ont investies dans la session. Diviser pour régner. De plus, ces menaces vont influencer de façon importante les votes tenus presque quotidiennement sur la poursuite, ou non, du mouvement de grève ou de boycottage, quel que soit le nom qu'on veuille bien lui donner selon qu'on est pour ou contre.

Par une démarche reconnue chez les étudiants, les conseils d'administration, les syndicats... en démocratie tout bonnement, un ensemble de gens qui disent appartenir à une même communauté accepte que face à un enjeu donné, un vote soit pris, et que la minorité qui n'aura pas gain de cause se range au choix de la majorité. Cette minorité reconnaît que, de façon générale, cet esprit de corps, cette solidarité sert mieux les intérêts de l'ensemble des individus qui composent le groupe. Ce gouvernement, qui n'a pas été élu et dont les députés n'ont pas été élus par des majorités de voix, tient sa propre légitimité pour gouverner d'un raisonnement qui ne diffère pas du tout de celui-ci.

Or la ministre et son maître n'hésitent pas à jeter le discrédit sur la démocratie étudiante. Elle se réjouit que des décisions de juges renversent celles des assemblées générales étudiantes. Que la Cour puisse faire ainsi fi d'une volonté démocratique. Pierre Trudeau exulterait. C'est la suprématie des droits individuels sur les droits collectifs. Une réédition qui ressemble à la suprématie de la Charte des droits sur la Loi 101. Il suffit de quelques individus indifférents au groupe, sûrs que leur intérêt particulier n'aura jamais besoin de l'appui d'une majorité exprimée par un vote, pour se faire garantir les cours par un juge, et tout le navire de la démocratie tangue dangereusement. Si la société fonctionnait ainsi, la Loi ne serait applicable que par la force.

Au préalable de cette décision troublante, la ministre refuse même de discuter. Le premier ministre joue le peddler aux gros bras au Brésil. Il y a lieu de se demander ce qu'un échange ouvert révélerait que ne veut pas révéler le gouvernement. Ainsi, le message est limpide : le gouvernement donne directive aux institutions d'enseignement - sur lesquelles il a juridiction et qui sont en position de demandeur face à lui, la menace de coupures vengeresses planant toujours trop près - de faire échouer la session aux étudiants qui continueront à défier la hausse des frais de scolarité.

Cette fois, la ministre va-t-elle trop loin? Ce comportement soulève un autre enjeu. Celui des règles qui régissent notre vie collective. On peut être farouchement opposé à la hausse des frais de scolarité. On peut y être favorable. Chacun a le loisir d'influencer l'opinion publique de nombreuses façons, dont certaines sont même discutables. Toutefois, quelle que soit l'opinion de chacun sur l'enjeu même de l'accessibilité aux études supérieures, croyons-nous vraiment que notre gouvernement serve le Québec en faisant une doctrine de ce mépris de la démocratie, de l'intérêt du Québec et surtout, de l'avenir de toute une génération?

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