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Étudiants et jeunes dans la rue : un changement de génération au Québec?

Comment est-on arrivé au Québec au bord d'une « guerre » civile, qui revêt plutôt les allures d'un conflit de générations que d'une lutte de classes? Car il faut tout de même souligner que les donneurs de conseil ne sont pas toujours les payeurs dans cette bataille, puisque l'on sait que les études universitaires sont le plus sûr moyen d'assurer une mobilité sociale ascendante à ses détenteurs, et que la population qui est ainsi sommée de payer les études par ses taxes considère à juste titre qu'elle a un mot à dire dans ce débat.
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Voilà plusieurs mois que les mouvements étudiants font leurs classes dans les rues du Québec et de Montréal en particulier, où ils furent particulièrement mobilisés contre la hausse des droits de scolarité.

Dans un premier temps, ils ont su rassembler autour d'eux les principaux acteurs du champ universitaire et ouvrir un débat salutaire sur les enjeux de l'éducation supérieure dans la société québécoise, qui n'est pas toujours familière de la chose. Certains d'entre eux, remettant en cause les dérives du néo-libéralisme qui conduisent aux conceptions marchandes de l'université, ce dont l'augmentation des frais témoignerait, ont même proposé de revenir à la gratuité scolaire, en inscrivant le droit à l'éducation comme un droit fondamental, garanti par la constitution! Le débat fut ouvert, dans la plus grande tradition démocratique et les AG de reconduction de la grève permettaient à chacun et chacune d'exprimer ses revendications, ses vues et ses propositions. On pouvait suivre en ligne les discussions et constater que les étudiants-esvenaient souvent très nombreux pour débattre de questions par ailleurs fort controversées parmi les experts et sur lesquelles la population était elle-même divisée.

Que s'est-il donc passé pour que l'on arrive à une telle polarisation, où s'opposent désormais un gouvernement qui a su finalement rallier les directions universitaires ( la Crépuq) et collégiales (les responsables de CEGEP) et une partie non négligeable de la population derrière sa proposition de loi spéciale, et les mouvements étudiants et de jeunes radicalisés, soutenus comme la corde soutient le pendu, par des syndicats de professeurs (le syndicat des professeurs de l'UQAM, le SPUQ par exemple) et par des discours démagogiques de Québec Solidaire et du Parti Québécois?

Comment est-on arrivé au Québec au bord d'une « guerre » civile, qui revêt plutôt les allures d'un conflit de générations que d'une lutte de classes? Car il faut tout de même souligner que les donneurs de conseil ne sont pas toujours les payeurs dans cette bataille, puisque l'on sait que les études universitaires sont le plus sûr moyen d'assurer une mobilité sociale ascendante à ses détenteurs, et que la population qui est ainsi sommée de payer les études par ses taxes considère à juste titre qu'elle a un mot à dire dans ce débat. À cet égard, la lutte de classes n'est pas celle que l'on pense, puisque la majorité des étudiants en grève aujourd'hui sait aussi qu'ils et elles seront les futures élites du Québec de demain. Alors doit-on pour autant ignorer leurs revendications d'une éducation supérieure ouverte à tous? Certes non. Et le débat doit continuer, mais dans un autre contexte que celui de l'affrontement verbal et musclé dans lequel ce qui reste de ce mouvement s'est désormais enfermé.

Car s'il est une leçon que l'on peut tirer de l'histoire des mouvements étudiants, c'est celle d'une capacité forte de mobilisation sur des enjeux centraux d'une société qu'ils révèlent à un moment donné. Aujourd'hui la question qui est soulevée par ce mouvement est celle d'un changement de paradigme incarné par un changement de génération. Peut-on aujourd'hui penser un projet de société plus équitable non seulement entre les générations, mais entre les classes? Peut-on utiliser nos richesses (pas seulement les matières premières, mais les hommes et les femmes qui vivent au Québec) pour faire advenir une société plus égalitaire, plus écologique, plus humaine? La société québécoise apparaît bloquée et incapable de faire place à cette nouvelle génération, anxieuse de son avenir et éprisede justice sociale et d'équité. Paradoxalement, et comme c'est souvent le cas dans l'histoire, ce sont ses couches les plus instruites qui portent la revendication la plus forte. L'agenda politique, enlisé depuis 40 ans dans le débat sur la souveraineté, a fait peu de place aux grands débats sociaux d'où émergent des consensus et des grandes réformes sociales, mais aussi des visages nouveaux porteurs d'une expérience de contestation et de critique sociale. Le consensus mou dans lequel nous avons baigné depuis la Révolution tranquille est enfin rompu par ces jeunes militants-es. Sans les idéaliser, et encore moins les pousser à se radicaliser davantage (ce qui est déjà le cas pour certains d'entre eux), faisons leur une place dans les partis politiques, dans les syndicats et dans toutes les instances de la vie sociale. Sachons leur ouvrir les portes de toutes nos institutions, en particulier de nos partis politiques, à défaut de quoi nulle réforme d'envergure ne peut se réaliser mais surtout sans quoi l'anarchie sociale, ou son contraire, l'autoritarisme gouvernemental, nous guette encore pour longtemps!

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