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L'échec (temporaire?) d'une coalition dirigée par une femme

La candidature d'une femme à la présidence se sera heurtée jour après jour aux biais sexistes et racistes qu'une partie de l'électorat américain endosse.
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Au cours de cette interminable campagne présidentielle, dont le dénouement a tout d'une tragédie, la candidature d'une femme à la présidence se sera heurtée jour après jour aux biais sexistes et racistes qu'une partie de l'électorat américain endosse parce que l'humiliation de classe a fait davantage de ravages chez eux. En se portant aux côtés de ce que Trump a présenté comme la loi et l'ordre, cette partie de l'électorat a voté pour un milliardaire réactionnaire et démagogue qui était malgré tout le porte-étendard du Grand Old Party.

Les paradoxes de cette course ne sont plus à démontrer: d'un coté une politicienne experte et très connue, avec une longue feuille de route et un programme complet de réformes sociales et politiques, pour la plupart très progressistes ; de l'autre, un milliardaire propriétaire immobilier et vedette de téléréalité qui propose des mesures drastiques de protectionnisme économique qui feraient revenir les emplois perdus dans les grands centres désindustrialisés.

Les deux candidats représentent, chacun à leur manière, des visions diamétralement opposées de l'Amérique, tant en ce qui concerne des valeurs, qui ne sont plus communes, que des perspectives qui visent à rassurer des électeurs inquiets et laminés par les bouleversements socio-technologiques des dernières années.

Derrière Donald Trump se sont rassemblées des franges différentes d'un électorat totalement atomisé et segmenté selon des lignes de clivages à la fois anciennes et nouvelles. L'élection de Barack Obama avait permis la victoire d'une coalition improbable. Le Parti démocrate est ainsi devenu le champion des groupes minorisés, que ce soit en fonction de leur sexe (les femmes, les gays, etc.), de leur race (les Africains-Américains en particulier) ou de leur origine ethnique (les Hispaniques par exemple). Dans ce processus, le parti a délaissé ce qui avait fait sa force jusque-là, soit l'appui massif des classes moyennes et ouvrières, dont les grands syndicats étaient les représentants. Si ces derniers ont soutenu Hillary Clinton du bout des lèvres, la classe ouvrière qui constituait leur base traditionnelle s'est mise du côté du milliardaire Trump.

L'utopie féministe de l'intersectionnalité, qui voit dans la coalition des opprimés l'avenir des démocraties, ne s'est pas réalisée.

La candidature de Hillary Clinton a accentué ce processus et cette orientation du Parti démocrate en faveur d'une politique de l'identité, plutôt que de classe. Des hommes peu éduqués de la classe ouvrière blanche se sont sentis rejetés dans le «panier de déplorables» qui soutenaient Trump. La misogynie grossière et le sexisme ouvert proférés sans réserve par Trump durant toute cette campagne ont fait écho au nativisme d'une partie d'entre eux, à leur volonté de rétablir «leur loi et leur ordre». Ce sont eux qui, dans la Rust Belt, ont basculé du côté républicain.

De leur coté, des femmes plus jeunes et plus diplômées, qui avaient préféré Bernie Sanders à Hillary Clinton, ne se sont pas senties représentées par sa candidature, pas plus que d'autres groupes de femmes, souvent mariées et moins éduquées. Sensibles aux attaques dont elles sont l'objet mais peu intéressées aux politiques de l'identité (identity politics), ces femmes n'ont pas voté en bloc (gender gap) pour une femme. Le plafond de verre s'est avéré cimenté, à la mesure de l'immensité du changement de cette première candidature féminine à la présidence de la première puissance mondiale.

Ainsi, Hillary Clinton a subi les effets combinés de l'intense misogynie de son adversaire et du combat acharné des républicains pour reprendre le pouvoir aux démocrates. Le mouvement réactionnaire qui a porté Trump au pouvoir a réussi, grâce aux voix des ouvriers appauvris, à défaire la coalition des voix venant d'autres groupes minorisés, malgré tout majoritairement composés de femmes, de Latinos et d'Afro-Américains. L'utopie féministe de l'intersectionnalité, qui voit dans la coalition des opprimés l'avenir des démocraties, et dont l'élection de Hillary Clinton à la présidence des États-Unis faisait entrevoir la possibilité, ne s'est pas réalisée.

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