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Devons-nous participer à la guerre de Crimée?

Pour le moment, aucune confrontation militaire directe n'a encore eu lieu, mais la situation sur le terrain est suffisamment tendue pour que le Conseil de sécurité de l'ONU ait convoqué une rencontre d'urgence sur le sujet. Les nouvelles autorités à Kiev dénoncent ce qu'il qualifie «d'occupation armée et d'invasion».
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Jeudi 27 février, des milices pro-russes d'origine inconnue ont pris le contrôle du parlement de la région autonome de Crimée, soi-disant pour le protéger. Sous la «protection» de ces hommes armés, les députés ont démis le gouvernement de ses fonctions et placé le pouvoir dans les mains du parti Rousskoe edinstov (Unité russe), dont le projet politique consiste à défendre la langue et la culture russe dans la péninsule de Crimée.

Vendredi, son leader Serguie Aksenov déclarait qu'il n'entretiendra aucune relation avec le nouveau pouvoir à Kiev, du moins tant et aussi longtemps que ne sera pas respectée l'une des dispositions prises dans le cadre l'accord passé le 21 février, dans lequel l'opposition et le régime de l'ex-président ukrainien Viktor Ianoukovitch s'étaient engagés à désarmer les milices irrégulières des groupes radicaux responsables de l'insurrection violente au pays.

Vendredi matin, pendant que l'attention des médias était tournée vers Rostov-sur-le-Don, où était organisée la première apparition publique du président ukrainien en fuite, la partition de l'Ukraine est devenue un fait accompli. Des troupes arborant le drapeau russe occupent désormais des aéroports et des postes de contrôle sur le territoire. La Russie ne dément plus des déplacements de troupes, affirmant audacieusement que ceux-ci s'effectuent en toute légalité, dans le cadre des traités russo-ukrainiens existants.

Pour le moment, aucune confrontation militaire directe n'a encore eu lieu, mais la situation sur le terrain est suffisamment tendue pour que le Conseil de sécurité de l'ONU ait convoqué une rencontre d'urgence sur le sujet. Les nouvelles autorités à Kiev dénoncent ce qu'il qualifie « d'occupation armée et d'invasion ».

Que veut la Russie?

En premier lieu, la Russie souhaite conserver sa base navale et sa flotte de la mer Noire dans le port de Sébastopol. Kiev discute déjà la possibilité de rompre le contrat de location conclu en 2010 par l'ancien régime, mais les militaires russes n'entendent pas se laisser pas facilement buter hors de Crimée, et surtout pas par un gouvernement illégal agissant sous la menace de groupuscules d'extrême-droite. La Crimée fut donnée en cadeau à l'Ukraine en 1954 pour souligner le 300e anniversaire de son mariage à la Russie. Elle abrite une majorité ethnique russe, et l'Ukraine devra y renoncer si elle choisit le divorce. C'est du moins ce que pensent tous les Russes.

Que veut l'OTAN?

Sous le couvert d'une mission de protection de monde libre contre les régimes oppresseurs, l'alliance transatlantique poursuit une politique d'expansion qui vise explicitement à inclure l'Ukraine, et ce même si une large majorité de la population s'y oppose. Les stratèges occidentaux pensent qu'il s'agit là de la meilleure façon d'empêcher la Russie de redevenir un Empire.

Le président Yanoukovitch, défait par la «révolution orange» de 2004 mais de retour au pouvoir en 2010 après une élection jugée démocratique, représentait pour l'OTAN un frein à son expansion, ce qui explique le soutien apporté par les chancelleries occidentales aux forces d'opposition depuis le début de la crise en novembre dernier.

Stratégiquement, les bases de la Crimée sont convoitées par l'OTAN, surtout dans la perspective d'un conflit avec l'Iran. Le secrétaire général Anders Fogh Rasmussen a affirmé que l'inclusion de l'Ukraine ne constituait pas « la priorité la plus urgente », soulignant ainsi explicitement qu'il s'agit tout de même encore d'une priorité. Seulement, l'incapacité de Kiev à faire respecter sa souveraineté en Crimée constitue un obstacle juridique important pour son éventuelle adhésion à l'OTAN. On ne s'étonne pas que Washington ait mis en garde les Russes d'y intervenir.

Comment composer avec la situation?

Tenant compte de la couverture fort négative des Jeux olympiques de Sotchi, on peut suspecter que l'univers médiatique occidental sombrera dans une nouvelle phase d'hystérie russophobe. L'opinion publique exigera de nos gouvernements des condamnations sévères, probablement des sanctions économiques contre Moscou. La perception déjà forte d'une alliance transatlantique agressive sera accrue. En Russie, cela dynamise les éléments hostiles à l'Occident, un monde postmoderne aventuriste et que beaucoup estiment moralement dégénéré.

La guerre civile en Ukraine pourrait bien faire plonger la Russie et l'OTAN dans une confrontation sans précédent depuis la fin de la guerre froide.

En tant que pays-membre, le Canada est confronté à un dilemme des plus complexes. Souhaitons-nous donner une bonne leçon d'humilité à Vladimir Poutine en prenant part à des mesures punitives, voire une autre aventure militaire transatlantique? Devrions-nous plutôt tenter de convaincre l'Ukraine de renoncer à la péninsule comme en tente de convaincre la Serbie de lâcher le Kosovo? Devrions-nous ne simplement pas nous en mêler?

Ces questions s'imposent.

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