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L'obsolescence « programmée »: entre complot et comportement

Stratégie et technique visant à limiter volontairement la durée de vie des objets afin de forcer le renouvellement et, de surcroît, la surconsommation, l'obsolescence programmée, aussi appelée la désuétude planifiée, est aujourd'hui devenue un phénomène universel, touchant la majorité (pour ne pas dire la totalité) de nos appareils.
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Selon la croyance, l'obsolescence programmée, née dans les années vingt, serait la conséquence du Cartel Phoebus, un regroupement international d'entreprises comprenant entre autres General Electric, Philips, Osram et la Compagnie des Lampes. Les différentes visions s'entendent toutefois pour dire que le Cartel aurait été originellement à la base d'une entente secrète entre les entreprises d'ampoules afin de limiter leur durée de vie à 1000 heures au lieu de 2500 heures, voire plus comme en témoignent l'histoire des brevets pour les ampoules de 100 000 heures (documentaire: Prêt à Jeter) et celle de la caserne de Livermore en Californie.

Stratégie et technique visant à limiter volontairement la durée de vie des objets afin de forcer le renouvellement et, de surcroît, la surconsommation, l'obsolescence programmée, aussi appelée la désuétude planifiée, est aujourd'hui devenue un phénomène universel, touchant la majorité (pour ne pas dire la totalité) de nos appareils. De la laveuse à la télévision, en passant par l'ordinateur et le iPod, cette pratique menant à des excès consommatoires s'est popularisée. Or, la question qui se pose subséquemment est : « pourquoi, si la connaissance et la technique existent et le permettent, les compagnies ne produisent-elles pas des produits durables ? ». La raison est simple... fabriquer une voiture ou un réfrigérateur pourvu d'une durée de vie illimitée ne serait guère profitable d'un point de vue financier. Ainsi, mettre en marché des appareils avec une temporalité de fonctionnement déterminée constitue une excellente stratégie d'affaires. D'un point de vue environnemental, autant physique que humain, la situation est malheureusement tout autre. Toutefois, là n'est pas l'essence de notre propos ; nous y reviendrons peut-être dans une future chronique...

En partant du postulat que nous vivons actuellement dans une société dominée par l'économie du savoir et par la R&D, l'obsolescence programmée n'a rien de surprenant. Toutefois, il importe de mentionner que celle-ci n'est pas exclusivement le résultat d'une configuration commerciale ou d'une défectuosité temporellement orchestrée comme plusieurs s'époumonent à nous le faire croire. De fait, la désuétude des objets électriques et électroniques peut également être la conséquence de d'autres facteurs de caducité comme l'évolution technologique ou la mutation de la perception stylistique.

Sans pour autant dire que l'obsolescence, résultant de l'évolution technologique, ne peut être programmée (bien au contraire), celle-ci est souvent le contrecoup du temps, de l'âge et de l'évolution des produits, bien que ceux-ci peuvent se chevaucher avec la notion de programmation volontaire. Cela dit, il est pratiquement certains que l'utilisation du système d'exploitation Windows 95 (ou de l'Internet 56 kb) serait, à l'heure actuelle, une tâche ardue, car la majorité des applications et des programmes informatiques mis en marché dans les derniers mois serait trop spécialisés pour l'ancienne technologie ou encore trop énergivore pour la mémoire vive et/ou le stockage. L'évolution technologique est donc, malgré les possibilités de chevauchement avec le concept de désuétude planifiée, un facteur concret et potentiellement différent d'obsolescence des produits. Une évolution normale ? Oui et non, tout dépend de notre rapport individuel et collectif à la technologie...

La mode et la relation au style, ainsi qu'à l'innovation sont aussi des causes d'obsolescence ; mais, contrairement à la désuétude planifiée ou à l'évolution technologique, ces formes d'obsolescence sont le résultat direct des comportements humains. L'individu, facilement influençable par son environnement (amis, connaissances, famille, etc.) et par la publicité, est continuellement à la recherche du gadget dernier cri, constituant souvent pour lui un outil de positionnement social et économique. La frénésie entourant la sortie du tout dernier iPhone 5, moins d'un an après la sortie du iPhone 4S, un appareil pour ne pas dire similaire, tend à confirmer ce trait de caractère humain. L'individu, souvent critique à l'égard de l'obsolescence des produits, participe inconsciemment à cette pratique « d'archaïcité » des appareils. Nos actions sont couramment contradictoires avec notre pensée et nos revendications pour une société durable. Voilà le paradoxe du surconsommateur conscientisé.

Dans un monde où la réparation des appareils électriques et électroniques est devenue une denrée rare, faute d'expertise, de coûts élevés et de paresse, l'achat d'un nouveau produit, plus moderne, plus techno, plus cher et plus huppé constitue la réaction la plus répandue et la plus facile. L'obsolescence programmée certes... mais articulée à un comportement humain sanctionnant la surconsommation et participant à la désuétude de nos produits pourtant pas si désuets.

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