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Il était une fois au... Far Web

Nous assistons actuellement aux premiers balbutiements du déclin du. Certes, des pratiques et des actions insidieuses persisteront. Cependant, la structuration des rapports a permis de contrer l'anarchie et simultanément de réduire la criminalité.
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L'utilisation du terme Far Web, au-delà de son originalité et de son intérêt, est pertinente. L'analogie avec la période du Far West américain est forte de sens; la puissante symbolique vient en effet marquer l'imaginaire, en plus de justifier la construction des rapports virtuels. Vous en doutez? Dites-moi, comment représentez-vous le Far West ? Quels sont les images, les récits et les perceptions qui vous viennent à l'esprit ? Je vais vous le dire...

Le Far West américain est associé à une image mythologique légendaire où la liberté est absolue. De fait, les représentations du Far West nous proposent généralement une trame narrative caractérisée par des territoires quasi vierges, des luttes de tous genres (ethniques, économiques, politiques, etc.), une ruralité authentique et un désordre bon enfant où règne manifestement la loi du plus fort. Le Far West, tel que diffusé et imaginé, possède une aura mystique, un charme fantastique, soulevé par les innombrables possibilités. Le Far West, c'est un territoire de permissions, de perspectives nouvelles, d'espoir et de convoitise... Assurément, le Far West que nous connaissons provoque une fascination envoutante, un désir mélancolique de paradis perdu.

Sur ce point, le terme Far Web raconte justement cette nostalgie d'un passé lointain, mais réel qui cherche à revivre. Le Far Web, c'est ainsi le retour de l'époque des cowboys, de la violence gratuite, de l'anarchie, de la déstructuration et des bandes (bandits) sans scrupules. C'est le retour triomphal de l'intimidation, de son acceptation et de sa banalisation. On le voit sur les blogues, sur les chats, sur les réseaux sociaux et sur bien d'autres plateformes. Le Far Web et ses règles (où plutôt ses non-règles) sont maîtres. Dans un univers sans shérif où les frontières sont évanescentes, la transgression du bon sens est une normalité.

Toutefois, comme le Far West à l'époque des saloons et des règlements de compte, la démocratisation des transports (ici Internet) et conséquemment l'urbanisation (l'accroissement exponentiel des utilisateurs) a mené à une reconfiguration, voire une nouvelle structuration sociale. Lentement, l'anarchie de l'Internet cède le pas à une certaine forme de règlementation. La liberté absolue des acteurs subit une mutation laissant la place à une organisation des relations et des comportements. Or, avons-nous atteint l'apogée du Far Web? Voici quelques raisons qui me permettent de croire que nous avons effectivement atteint l'âge d'or de l'anarchie 2.0.

La première raison qui me pousse à croire que nous avons atteint l'acmé du Far Web est l'émergence soutenue d'une conscientisation des internautes. Effectivement, de plus en plus, les cybernautes comprennent les mécanismes et les structures de la navigation ; massivement, ils apprivoisent les différents mondes qui tissent la toile. La méconnaissance et l'ignorance du Web et de ses capacités font place à une utilisation et une compréhension sans précédent des outils. Tranquillement, la civilisation gagne l'Internet.

La seconde raison est la disparition accélérée de l'anonymat. Longtemps, le Web a été perçu comme un endroit anonyme, sûr et sans règles. L'univers de l'Internet était dépersonnalisé permettant aux identités de demeurer obscures, floues et même inconnues. Or, la règlementation des fournisseurs, l'apparition des réseaux sociaux (la divulgation volontaire de notre identité) et la récupération, l'assemblage et le traitement de nos données (informations) par des agences fédérales de surveillance démontrent que la toile n'est plus un lieu assurant l'anonymat. Autrement dit, lorsque nous naviguons sur le Web, nous laissons des traces de nos actions et activités. Nous sommes ainsi facilement repérables.

La troisième raison est l'augmentation sans précédent de la surveillance et de la règlementation. Alors que l'Internet a longtemps été un univers anarchique et peu règlementé, nous assistons à un renforcement du contrôle, de la codification des pratiques et du monitorage des activités virtuelles. Par exemple, en 2009, la France a mis en place une plateforme de signalement (Pharos). Le but est simple, Pharos permet aux cybernautes de dénoncer des abus, des actes et/ou des comportements illicites, et ce, en toute sécurité et confidentialité. De la simple escroquerie au cyberterrorisme, en passant par la pornographie juvénile, Pharos est devenue, en quelque sorte, un shérif du Web. Cet exemple français n'est guère unique. Plusieurs pays ont emboité le pas et ont mis en place des outils similaires afin de contrer, d'une part, les excès et les abus, et, d'autre part, les activités illégales aux yeux de la loi.

Finalement, la dernière raison est le développement de nouveaux territoires virtuels afin d'échapper au contrôle et à la surveillance. En effet, lorsque l'anarchie et le laissez-faire cèdent le pas à l'ordre et aux règles, il est normal d'assister à l'éclosion de marchés noirs. L'Internet ne fait pas figure d'exception. Au contraire, la structuration du Far Web a entraîné l'apparition d'univers parallèles, méconnus, et non structurés : le Deep Web et le DarkNet. Ainsi, comme la lune, l'Internet possède aussi sa face cachée. Toutefois, il serait faux de croire que ces univers clandestins sont similaires. Il existe bel et bien une importante différence entre les deux.

D'abord, le Deep Web (Web profond) est un monde, selon lequel les sites Web sont accessibles au public, sans être toutefois indexés par les moteurs de recherche comme Google ou Yahoo. Ensuite, il y a le DarkNet. Mais qu'est-ce que le Darknet ? Qu'est-ce qui le caractérise ? Primo, les sites sont complètement fermés, quasi inaccessibles ; à l'instar d'une maison, il faut avoir la bonne clé pour pouvoir y pénétrer. Deuxio, le DarkNet est un réseau virtuel anonyme, chiffré et difficilement repérable ; il est conçu et utilisé généralement par un nombre restreint d'utilisateurs. Tertio, le DarkNet a deux utilités : 1, la pratique, la vente, la diffusion et/ou la promotion d'activités ou de matériels illicites (armes, drogues, pédopornographie, etc.) et 2, le cybermilitantisme.

À ce sujet, dans de nombreuses dictatures ou dans des pays cybercensurés (ex. : la Chine), le DarkNet est devenu un outil indispensable et nécessaire pour les cybermilitants. Ainsi, en utilisant des programmes d'anonymisation (comme TOR, I2P ou FreeNet), les hacktivistes assurent leur anonymat, ce qui leur permet d'éviter la répression et de proposer une forme de lutte contre les abus du pouvoir politique. Pour résumer, le DarkNet est donc un environnement parallèle sécurisé qui sert à la fois aux délinquants de toutes sortes et aux combattants pour la liberté et les droits de l'homme.

En somme, ces quatre facteurs me permettent de croire que nous assistons actuellement aux premiers balbutiements du déclin du Far Web. Certes, des pratiques et des actions insidieuses persisteront ; vous savez, l'intimidation et la violence n'ont pas pour autant disparu après la chute du Far West américain. Cependant, la structuration des rapports a permis de contrer l'anarchie et simultanément de réduire la criminalité. Dans la même optique, la démocratisation de l'Internet et la demande de plus en plus pressante pour un contrôle et une surveillance accrue sont sur le point de faire disparaître le Far Web tel que nous le connaissons à l'heure actuelle. Un jour, nous raconterons à nos enfants les histoires commençant par « Il était une fois au Far Web ... ».

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