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À vos marques, prêts, tirez...

Depuis la tragédie de Columbine en 1999, soit dans les 15 dernières années, les États-Unis ont été le théâtre de pas moins d'une soixantaine de fusillades meurtrières.
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Aujourd'hui (le 16 avril) marque le 7e anniversaire de la fusillade de l'Université Virgina Tech aux États-Unis. Commémoration d'un jour sombre, car cette tuerie demeure la plus meurtrière en milieu scolaire, voire même dans l'histoire des États-Unis. Or, ce pays, porté par les idéaux de libertés et de démocratie, reste l'endroit où ces évènements douloureux sont le plus répandus. En effet, pas moins de 40% des fusillades répertoriées dans le monde se produisent au pays de l'Oncle Sam.

Depuis la tragédie de Columbine en 1999, soit dans les 15 dernières années, les États-Unis ont été le théâtre de pas moins d'une soixantaine de fusillades meurtrières. La liste des tueries est longue, trop longue pour en faire le décompte exhaustif. Regardons cependant un portrait plus succinct... Dans les cinq dernières années, il y a eu onze fusillades qui ont causé la mort de 5 personnes ou plus. Au-delà de celles perpétrées dans le milieu scolaire, la république étasunienne a une feuille de route des plus préoccupantes.

Soulignons, entre autres, les fusillades de Fort Hood (deux fois en moins de quatre ans), de l'hôpital de Reno au Nevada, du cinéma Centennial au Colorado, du barbier de Détroit et de la Navy Yard à Washington. Ces quelques exemples des dernières années, conjuguées à celles ayant eu lieu dans des établissements d'enseignement - Sandy Hook, Oikos University, Delaware Valley, Roswell-Berendo College, Araphaoe High School - prouvent hors de tout doute qu'il est temps de procéder à un changement sur le plan des mentalités et des pratiques.

Pour ce faire, il est primordial d'aborder la question du Deuxième Amendement de la Constitution américaine. À cet égard, celui-ci stipule qu'«une milice régulée étant nécessaire à la sécurité d'un État libre, le droit du peuple à détenir et porter une arme ne doit pas être enfreint». Autrement dit, ce texte de loi, qui représente un pilier de la fondation des États-Unis, est présenté et soutenu comme un droit inaliénable au même titre que la liberté d'expression ou de religion. Ce droit, c'est celui à l'autodéfense!

Cela étant dit, pour réussir à éradiquer un problème, il faut comprendre sa signification, sa provenance et son contexte. À ce sujet, la création du 2e Amendement remonte à la rédaction du Bill of Right en 1791. À ce moment, la composition du bill est influencée notamment par la peur que le nouveau gouvernement central puisse désarmer le peuple dans le but d'imposer une structure politique dictatoriale. En outre, l'histoire avait démontré que la méthode employée par les tyrans, pour s'emparer du pouvoir absolu, était d'éliminer progressivement la résistance en désarmant le peuple, donc en rendant illégal le fait de posséder et/ou conserver une arme à feu.

Or, cette conception historique (judicieuse à l'époque) est aujourd'hui archaïque. Effectivement, cette vision (je dirais même cette pratique) est arriérée, dans l'optique où l'analyse effectuée par les partisans du Deuxième Amendement postule une réalité sociopolitique passéiste acquise et perçue comme étant toujours en vigueur, donc perpétuée depuis la composition du Bill of Rights. Il apparaît pourtant évident que la réalité de 1791 n'est clairement pas celle de 2014. La distorsion entre les deux époques, voire entre les deux réalités n'est pas à prouver! Néanmoins, voici une explication sommaire...

Moins de 10 ans après le Traité de Paris (1783), qui mit fin à la guerre d'indépendance, la rédaction du Bill of Rights et particulièrement du 2e Amendement servait une double finalité. D'une part, elle permettait à tous les citoyens de posséder une arme, à la fois pour l'autoprotection et la protection du territoire, et ce dans l'éventualité d'une nouvelle guerre ou d'une attaque extérieure (principe de défense de l'intérêt national, considérant que cette époque est ponctuée par diverses guerres coloniales). D'autre part, elle démontrait, à la fois de manière symbolique et empirique, que le nouveau gouvernement central s'engageait à mettre en place et pérenniser un système politique démocratique.

Aujourd'hui, le contexte n'est guère le même, dans la mesure où, premièrement, la défense du territoire étasunien est la prérogative de l'armée américaine (donc du gouvernement central) et, deuxièmement, le système politique demeure, près de 225 ans après la création du Bill of Rights, un des plus démocratiques sur la planète. Ainsi, un contexte différent devrait normalement entraîner des lois différentes, voire minimalement leur adaptation aux situations les plus justes et actuelles. Alors, pourquoi les politiciens préconisent-ils encore le statu quo, et ce, même si des milliers de personnes sont victimes chaque année des armes à feu ? Il y a deux raisons principales. La première est politico-symbolique, tandis que la seconde est économique.

D'abord, d'un point de vue politico-symbolique, il est essentiel de comprendre que près d'un Américain sur deux (49%) défend le maintien de la situation actuelle, c'est-à-dire la préservation, telle quelle, du 2e Amendement. Symboliquement parlant, c'est un poids populaire colossal que les politiciens continuent de prendre en considération lors de leurs prises de décisions. Politiquement parlant, c'est l'équivalent d'un électeur sur deux qui appuie les positions de la National Riffle Association, à savoir la conservation des privilèges impartis par le 2e Amendement. Perçue, identifiée et véhiculée comme un droit inviolable, voire sacré, cette loi représente donc un pouvoir important pour certains individus et groupes, tandis qu'il peut s'avérer fatal pour d'autres. D'ailleurs, le puissant lobby de la NRA, par le biais de sa capacité à «Whip» des votes favorables à sa cause et ses positions sociopolitiques, figure parmi l'une des raisons pourquoi le statu quo est privilégié et, par conséquent, que de nombreux politiciens demeurent réfractaires à appuyer des mesures visant à limiter la possession d'armes à feu. La pression politique est, à cet égard, immense lorsqu'il est question de modifier les pratiques et les mentalités.

Ensuite, d'un point de vue économique, l'industrie des armes à feu est l'une des plus lucratives aux États-Unis. Voici, sur ce point, quelques chiffres qui donnent des sueurs froides... En 2011, il y avait plus de 2000 usines de fabrication de munitions en service sur le territoire étasunien, tandis que, pour la même année, près de 11 millions d'armes à feu ont été vendues. Cette industrie économiquement rentable représente un chiffre d'affaires de 28 milliards de dollars (USD) et environ 180 000 emplois dans l'économie américaine. Cela constitue, parallèlement, plus de 7000 boutiques de vente et 5000 foires annuelles dédiées à l'armement. Enfin, en 2011, il y avait, dans le monde, 875 millions d'armes à feu, dont 270 millions étaient en circulation sur le territoire des États-Unis. Dit autrement, le tiers des armes à feu sur la planète circule dans le pays de l'Oncle Sam. C'est épeurant!

Ces raisons rendent évidemment toutes tentatives de modification du Bill of Rights et, plus spécifiquement, du 2e Amendement très difficile ; mais, il n'en demeure pas moins qu'un changement doit s'opérer pour le bien des États-Unis, de sa population et de ses voisins. Or, certains experts mentionnent sans gêne que la population américaine n'est pas prête à procéder à un examen de conscience. Ouin, pis ? L'heure n'est plus à faire des examens, mais à obtenir des résultats. Il est temps de prendre des décisions pragmatiques, certes impopulaires auprès des rednecks, mais néanmoins essentielles pour sauver des vies. Ainsi, pour débuter, il est capital de mettre en place un meilleur mécanisme d'encadrement, et ce à toutes les étapes - de la fabrication à la vente des armes à feu. C'est une question de logique, de bon sens, de respect et de survie. Vous en doutez ? Laissez-moi vous éclairer un peu plus...

Aux États-Unis, ce sont 30 000 décès qui sont reliés annuellement aux armes à feu, dont 10 000 meurtres. Au Canada ? Seulement 190 meurtres en 2006! Que dire de plus ? Si ce n'est que chaque jour pas moins de 300 personnes sont blessées ou tuées par une arme à feu aux USA ; qu'entre 2000 et 2008, exactement 272 590 personnes sont décédées à la suite de blessures par armes à feu sur le territoire américain.

Les armes à feu constituent un fléau pour la société étasunienne. Conséquemment, il est primordial de prendre les actions nécessaires afin de réduire massivement la violence et la criminalité qui résultent de cette problématique. Certes, il est crucial de se pencher tout autant sur la question de la prise en charge des individus atteints de troubles mentaux et psychiatriques, ainsi que sur les mesures de prévention à adopter. Mais, le plus important demeure, d'abord et avant tout, de prendre action contre un amendement anachronique, voire moyenâgeux. Le temps n'est plus à la persuasion, mais à l'application de gestes pragmatiques, et ce au risque de créer un certain mécontentement populaire. L'histoire se souviendra du courage et du bon sens de ces politiciens qui se seront levés pour la nation. Il est temps d'intervenir pour l'avenir... À vos marques, prêts, tirez...

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