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Il y a de ça quelques semaines, on octroyait une confiance aveugle à l'endroit de la commission Charbonneau et même de la plupart de ses témoins. Aujourd'hui, alors que les révélations ne sont plus favorables à telle ou telle cause ou à telle ou telle idéologie, on modifie le discours, on nuance et on critique le processus, la méthode, les acteurs...
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Depuis plusieurs mois, l'actualité québécoise est ponctuée par les scandales de corruption et de collusion. Bref, par la commission Charbonneau et ses nombreuses révélations fracassantes sur le copinage entre la mafia, les firmes de génie, les fonctionnaires municipaux et les entreprises en construction. Or, ce que l'on souhaitait réellement savoir, c'est-à-dire l'implication de nos élus municipaux et provinciaux dans ce système - après tout, les relations entre les entrepreneurs, les ingénieurs et le crime organisé étaient déjà un fait pratiquement incontestable, et ce depuis des années - est sur le point d'être révélé au grand jour. À ce sujet, la commission s'est, dans les derniers jours, attardée au sujet névralgique du financement des partis politiques, une perspective qui mérite toute l'attention nécessaire, car elle permettra, espérons-le, de révéler la profondeur des ramifications de cette structure insidieuse.

Retournons brièvement dans le passé, quoique pas si lointain, pour une meilleure compréhension générale. Après plusieurs mois de contestations et de demandes incessantes de la part de la population et de plusieurs intervenants de la société civile afin de faire la lumière sur les divers scandales, le gouvernement du Québec, alors dirigé par Jean Charest, décida sous une immense pression de créer une commission d'enquête chargée de vérifier les allégations et d'éclaircir la situation dans le domaine de la construction. Le désir de mettre en place un grand ménage éthique déboucha sur la nomination non partisane de la juge France Charbonneau et d'un mandat toutefois on ne peut moins clair. Néanmoins, il s'agissait d'un pas en avant, considérant que les libéraux refusaient depuis déjà longtemps d'acquiescer à la demande populaire.

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Avril 2009

Construction: la (longue) marche vers une enquête

Cela dit, dès les premiers balbutiements de cette téléréalité - car effectivement, il s'agit bien d'un show de télévision d'actualité basé sur une approche mi-documentaire, mi-feuilleton, voire mi-fiction, mettant en vedette des acteurs sociaux, parfois connus, parfois obscurs -, les témoins comme Lino Zambito, Luc Leclerc ou encore Michel Cadotte ont attiré l'attention en dévoilant sans gêne les stratagèmes employés pour outrepasser les règles en matière d'octroi des contrats dans l'industrie de la construction. Après les premiers mois de divulgation, la majorité des gens, autant les citoyens que la classe politique québécoise, s'entendaient pour dire que la commission faisait un excellent boulot pour déterrer les squelettes et obtenir la «vérité». La légitimité de l'exercice ne faisait alors aucun doute parmi la majorité, au sein de laquelle régnait un quasi-consensus. À ce moment, l'attitude adoptée, particulièrement par nos politiciens provinciaux, était ce qui avait de plus normale et décontractée, dans la mesure où les acteurs éclaboussés étaient souvent d'ores et déjà considérés comme des «bad guys»; il n'y a qu'à penser à des individus comme Rizzuto, Milioto, Catania, Zampino, alouettes...

Dans cette optique, les acteurs politiques, mis à part quelques-uns au niveau municipal, s'en sortaient indemnes et sans taches. Il y a certes eu les épisodes impliquant Nathalie Normandeau et un bouquet de quarante roses ou encore celle associant Pierre Bibeau, ancien conjoint de Line Beauchamps, à des dons illégaux au PLQ. Des conflits d'intérêts en apparence, mais rien pour renverser la classe politicienne québécoise et soulever les masses. De fait, ces déclarations étaient marginales comparativement aux nombreuses confessions à l'égard du système de collusion et de clientélisme régnant, comme le pape sur l'Église, dans la métropole. Ainsi, l'image d'une Nathalie Normandeau recevant un bouquet de fleurs était beaucoup moins spectaculaire que celles du Consenza et des chaussettes remplies de frics sales ou encore du coffre-fort qui ne ferme plus. Ces images, tels des symboles, ont marqué l'imaginaire et, encore aujourd'hui, sont inscrites dans les représentations qu'ont les gens de la CEIC.

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Tony Accurso

La commission Charbonneau en bref

Mais, les véritables sujets que nous souhaitions aborder, ceux qui sont sensibles et qui impliquent nos élus, n'avaient toujours pas été traités. Or, depuis maintenant plusieurs jours, les révélations-chocs viennent ébranler les colonnes du temple sacré de la politique québécoise. Le dossier vierge (ou presque) de nos politiciens et de leur parti fut de courte durée. Sur ce point, dans les deux dernières semaines, nous avons eu droit à des aveux qui nous renseignent sur les méthodes occultes de financement des partis politiques et même sur les commandites (contributions) illégales lors de la dernière campagne référendaire. N'épargnant ni ses amis, ni ses adversaires, l'ex-organisateur libéral Gilles Cloutier a, dans les derniers jours, éclaboussé le Parti libéral et le Parti québécois. Voilà, enfin, des vérités qui dérangent... Il n'est donc pas surprenant qu'à l'heure actuelle les politiciens et, plus spécifiquement, le gouvernement remettent en question le modus operandi de la commission. Cette mise en doute du travail de la juge, de sa façon de procéder, est une conséquence normale, dans l'optique où la critique, tel le vent, se lève au moment où débute la tempête.

Alors que l'on octroyait, il y a de ça quelques semaines, une confiance aveugle à l'endroit de la commission et même ses témoins, aujourd'hui, lorsque les révélations ne sont plus favorables à notre cause ou notre idéologie et, subséquemment, nous touchent directement et/ou indirectement, on modifie notre discours, on nuance et on critique le processus, la méthode, les acteurs... Après tout, c'est la même histoire dans la vie quotidienne et dans toutes les relations sociales, qu'elles soient familiales, amicales, conjugales, etc. Mais, nous constatons que la figure du politicien, plus que tout autre, possède cette propension à afficher deux poids, deux mesures. Double discours, double représentation, mais une seule perception... Il n'y a rien à redire. Si les politiciens, les ingénieurs, les entreprises et la mafia ne sont pas contents du travail, mais qu'en revanche le citoyen est satisfait, c'est que la commission a, jusqu'à maintenant, accompli le rôle qui lui a été confié.

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