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On préfère parler de tissu et de textile, plutôt que de se concentrer sur les véritables défis et enjeux, comme ceux entourant la violence sexuelle.
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«C'est quelque chose d'avoir un "mononcle" qui fait des blagues parfois louches - je crois qu'il y en a un dans toutes les familles -, mais c'en est une autre d'avoir des accusations formelles de harcèlement. Il y a un monde entre ces deux réalités»

Cette citation de Jean-Luc Brassard, chef de mission canadienne pour Rio 2016, démontre à mon sens tout le laxisme, voire toute la complaisance à l'égard de l'attitude machiste et de la violence sexuelle en milieu de travail.

À lui seul, cet extrait témoigne d'une problématique à laquelle sont confrontées quotidiennement de nombreuses femmes; que ce soit dans les sports, la politique, la culture, la religion, les médias, dans la vie professionnelle, dans la rue, dans les transports en commun et autres, les femmes vivent au cœur d'un environnement hasardeux et contingent où elles sont susceptibles d'être confrontée, à chaque instant, à des propos, des attitudes, des comportements et des gestes inappropriés, souvent sexuellement explicites.

J'ose croire ne rien vous apprendre de nouveau, dans la mesure où il apparaît évident que la pratique de l'espace public n'est pas la même lorsque l'on est un homme ou une femme (Voir: La jungle urbaine).

Mais revenons à cette citation... Des paroles qui insidieusement tentent de présenter l'attitude de Mononc' - vu qu'elle est (serait?) un standard familial et, par extension, sociétal - comme normale et justifiable... un peu comme si on souhaitait, de cette façon, la rationaliser... un peu comme si on s'efforçait d'en minimiser l'importance, ainsi que la portée réelle et ses conséquences.

En fait, ce que cette citation nous dit implicitement, c'est que les commentaires déplacés, tout comme les gestes inconvenants à l'égard des femmes, sont acceptables, du moins jusqu'à ce qu'une plainte «formelle» de harcèlement soit déposée. En gros, avant c'est correct, après non... Voilà une logique de normalisation hypocrite, qui cherche par tous les moyens à déculpabiliser l'offenseur.

L'affaire Aubut soulève d'excellentes interrogations quant au fonctionnement de notre société, notamment en ce qui a trait à l'enjeu du harcèlement sexuel, au thème de la violence psychologique et de la violence «genrée», à l'éthique et la morale, à la division sexuelle du travail, à la supériorité masculine dans les sphères décisionnelles, et bien d'autres.

Enfin, une réelle problématique qui devrait être traitée comme telle, voire qui devrait clairement se retrouver à l'avant-plan de la scène médiatique et politique, en cette période de compagne électorale fédérale. Malheureusement, nos politiciens préfèrent les wedge issues; ce n'est donc pas étonnant qu'on préfère parler de tissu et de textile, plutôt que de se concentrer sur les véritables défis et enjeux, comme ceux entourant la violence sexuelle.

Il est donc primordial, pour les gens qui ont une tribune, d'en parler.

Lorsqu'éclate ce genre de scandales, la question du statut des acteurs concernés devient inévitablement un sujet de première importance. Pourquoi? Simplement parce que dans la majorité des cas répertoriés ces dernières années, principalement ceux médiatisés, la victime se retrouvait en position d'infériorité et de vulnérabilité devant son offenseur.

Il va sans dire, le fameux Mononc' cochon est souvent un homme hétérosexuel en position de supériorité, qui finit par tirer avantage de son statut privilégié. Ça ne vous dit rien? Ça ne vous sonne pas une cloche? Des histoires dégradantes comme celles de Marcel Aubut ou de Jian Ghomeshi, il y en a des milliers... Effectivement, les possibilités que ce type de situations surviennent sont multiples, dans l'optique où l'opposition sexuelle des tâches et du travail semblent inconsciemment encourager celles-ci: professeur/élève, patron/employé(e)s... Vous comprenez le principe.

C'est ce qu'on pourrait donc appeler une question de subordination... selon laquelle les tâches généralement exécutées par les femmes sont à l'ordinaire mal dépeintes, peu valorisées, parfois même discréditées, sous-payées et, plus souvent qu'autrement, supervisées et dirigées par... des hommes.

Certains phallocrates parleraient certainement d'état de nature, où l'un est fait pour dominer et l'autre être dominé. Or, c'est pourtant là, dans ce genre de discours en apparence inoffensifs, que réside le nœud du problème, soit dans les perceptions et représentations, dans les images et les symboles véhiculés, depuis des millénaires, et reproduits machinalement par la société. Sans nécessairement s'en rendre compte, c'est à cette logique que participe le chef de la mission canadienne quand il tente de systématiser l'attitude du Mononc' cochon.

Cela dit, la position de supériorité de l'homme, dans ces situations, soulève ensuite un autre point pertinent: celui de l'omertà.

Dans le cas de Marcel Aubut, mais aussi dans beaucoup d'autres, on découvre, petit à petit, l'étendue et les ramifications du problème. La première dénonciation demeure, bien entendu, toujours la plus difficile, car elle implique une série d'incertitudes sur le plan légal, d'une part, mais aussi sur les plans économique, émotif, familial, social, etc. Or, une fois ce premier pas franchi, on s'aperçoit, pendant que le casse-tête se reconstruit lentement, que la situation vécue par la plaignante n'était pas un cas isolé ou circonstanciel. Au contraire, on réalise rapidement que les allégations concordent avec d'autres témoignages, avec d'autres constats, avec des avis écrits, mais sans que n'aient été appliquées des mesures disciplinaires... On constate, en somme, que l'entreprise (ou l'organisme dans le cas de Marcel Aubut) était, depuis longtemps, au courant des problèmes, mais, pour diverses raisons (souvent monétaires, politiques ou symboliques), préférait ne pas agir concrètement.

Autrement dit, c'est un peu comme si on avait travaillé à dissimuler les actes répréhensibles, en espérant que le problème disparaisse éventuellement par magie.

Ç'a ben du sens!

En résumé, cette histoire suscite un important questionnement sur le fonctionnement de notre écosystème sociétal, sur les interactions sociales et entrepreneuriales; mais, encore plus, elle permet de nous rappeler que le problème du machisme (et ce que cela implique comme conséquences directes et indirectes) est encore présent et toléré par notre société et certains de ses porte-parole.

Mais bon, ce n'est pas trop grave, car, après tout, on a tous et toutes un Mononc' cochon dans notre famille...

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