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Les chartes, ce phénomène extraterrestre

Récemment, on a été témoin de trois incidents qui démontraient une méconnaissance flagrante de ce qu'est un droit fondamental protégé par une Charte.
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Les chartes des droits et libertés existent sur notre planète certes, mais il me semble qu'on ne sache pas réellement pourquoi elles sont là, ni au bénéfice de qui.
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Les chartes des droits et libertés existent sur notre planète certes, mais il me semble qu'on ne sache pas réellement pourquoi elles sont là, ni au bénéfice de qui.

Oui. J'ai bien dit e-x-t-r-a-t-e-r-r-e-s-t-r-e. Les chartes des droits et libertés existent sur notre planète certes, mais il me semble qu'on ne sache pas réellement pourquoi elles sont là, ni au bénéfice de qui. Ces chartes, ces étranges créatures.

Ce billet ne s'adresse pas à mes consœurs et confrères juristes, que je présume toutes et tous de savoir ce qu'est une charte de droits et libertés. Il s'adresse plutôt à Madame & Monsieur Tout-le-Monde du monde des mortels et qui ne sont pas nécessairement bien informés sur la signification d'une charte, son rôle, son champ d'application et le mécanisme de cette application.

Ça mange quoi en hiver, une charte?

Selon le Larousse, c'est un « Écrit solennel qui était destiné à consigner des droits ou à régler des intérêts. Ensemble de lois constitutionnelles d'un pays. (Avec une majuscule le plus souvent.) Loi, règle fondamentale : La charte des droits de l'homme. »

En ce qui concerne le rôle d'une Charte, elle est là pour protéger les citoyens d'un pays quelconque, peu importe leur origine, confession ou croyance, des violations de leurs droits fondamentaux cités dans cette charte par le gouvernement de ce pays ou ses citoyens. Dans notre cas au Québec, on a deux chartes, la Charte québécoise des droits et libertés et la Charte canadienne des droits et libertés.

Pour ce qui est des champs d'application, la charte canadienne s'applique aux relations entre les organismes publics et les citoyens. La charte québécoise, quant à elle, s'applique aux relations entre les organismes publics et les citoyens ainsi qu'aux relations entre les citoyens eux-mêmes.

Pour faire valoir nos droits, il existe plusieurs mécanismes et moyens de le faire; le plus fort et contraignant étant la voie judiciaire.

Il est important de mentionner qu'il n'existe aucune hiérarchie entre les droits protégés dans la charte et que notre opinion personnelle ou humeur du moment autrement connu sous "malaise" ne fait pas partie des droits protégés!

Il est important de mentionner qu'il n'existe aucune hiérarchie entre les droits protégés dans la charte et que notre opinion personnelle ou humeur du moment autrement connu sous "malaise" ne fait pas partie des droits protégés!

Pour plus d'information, je vous invite à aller consulter le site web de la commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse.

Oui, mais pourquoi extra-terrestre?

Bon, après ce petit exposé 101 sur les chartes, revenons maintenant à la raison de mon utilisation du mot « extra-terrestre ».

Récemment, on a été témoin de trois incidents qui démontraient une méconnaissance flagrante de ce qu'est un droit fondamental protégé par une Charte. Chez certains, ce n'était pas qu'une simple méconnaissance, mais un refus catégorique de considérer une partie des citoyens (plus spécifiquement celle appartenant à la confession musulmane) comme des citoyens à part entière bénéficiant des mêmes droits que leurs concitoyens non musulmans:

  1. L'affaire du parc Safari (le droit en question est le droit de prier dans un endroit privé, qui découle de la liberté de religion);
  2. L'affaire d'Omar Khadr. (les droits en question sont le droit d'avoir un procès juste et équitable et le droit à la sauvegarde de sa dignité et réputation);
  3. Et tout récemment, l'affaire du cimetière musulman à St-Apollinaire. (les droits en question sont le droit d'accès à la propriété privée sans discrimination et le droit d'enterrer ses morts dans cette propriété selon les rites de sa religion, qui découle de la liberté de religion).

Ces trois incidents ont montré que dès qu'une personne dénonce la violation de l'un de ses droits, plus spécifiquement le droit de ne pas subir de discrimination à cause de sa religion qui s'avère être l'Islam (ou que cette personne est liée d'une manière ou d'une autre à l'Islam), toute une tempête médiatique se crée et la machine à propagande part à la vitesse de lumière :

  • Les musulmans ne s'intègrent pas;
  • Ils sont ingrats face à leur « société d'accueil » (qui est ou est devenu leur pays, soit dit en passant);
  • Ils nous envahissent;
  • On se sent pu chez nous;
  • Etc.

Et à tout cela, ajoutons le silence assourdissant des politiciens qui se cachent derrière la démocratie et la séparation des pouvoirs, effrayés à l'idée de perdre l'appui de la majorité culturelle. Malheur, s'il advient qu'ils aient à dénoncer l'injustice qu'une partie de la population subit, malheur. Quel déchirant dilemme.

On se prend pour des «supérieurs», ici en Occident, par rapport aux «eux-autres». On aime les prendre pour des «arriérés» quand il s'agit de dénoncer le non-respect des droits et libertés dans leurs pays. Mais quand c'est nous qui ne respectons pas les droits et libertés individuelles, quand on fait la même chose, voire pire, ici, au Canada, au Québec, là ça devient correct? En quoi sommes-nous si distingués?

Notre « distinction » n'est pas dans le simple fait d'avoir une Charte, mais dans celui de l'appliquer correctement et justement, malgré tous nos biais et opinions, malgré que ça ne fasse pas toujours notre affaire.

Le constat douloureux à retirer de tout ça, c'est qu'il nous manque beaucoup d'éducation au sujet des chartes et de la protection des droits et libertés.

Le constat douloureux à retirer de tout ça, c'est qu'il nous manque beaucoup d'éducation au sujet des chartes et de la protection des droits et libertés. Beaucoup d'éducation sur la notion de citoyenneté et d'égalité entre les citoyens, sans égard à leur origine, croyance ou orientation politique.

Oui, c'est l'éducation qui est la solution, même si c'est long et lent, même si c'est dur, même si elle peut nous pousser au cynisme politique, à force de «trop» en savoir. Il faut garder son optimisme, ne pas baisser les bras.

Un jour, on assistera réellement à une société plus juste et plus égalitaire, et toutes ces injustices seront « out of date ». On aura passé à autre chose.

Avril 2018

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