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La loi 62, la suite des choses…

Je ne peux que souhaiter que l'application de cette loi se fasse dans le climat le plus paisible possible, sans dérapages ou fixation sur l'islam spécifiquement.
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La ministre Stéphanie Vallée a donné plus de détails sur l'application de la loi 62.
THE CANADIAN PRESS
La ministre Stéphanie Vallée a donné plus de détails sur l'application de la loi 62.

On le sait maintenant, c'est adopté, le PL62 est devenu une loi.

Je ne veux pas entrer dans les formalités juridiques et les jurisprudences en la matière, je l'ai déjà exprimé dans un autre de mes billets qui traitait du même sujet.

Je veux plutôt parler de l'avenir de l'adoption de la loi 62, décrite comme suit : « Loi favorisant le respect de la neutralité religieuse de l'État et visant notamment à encadrer les demandes d'accommodements pour un motif religieux dans certains organismes », plus spécifiquement des sections II « Services à visage découvert » et III « Accommodement religieux », mais tout d'abord.

Plaçons cette loi dans son contexte social.

Depuis Bouchard-Taylor, le débat concernant la place de la religion dans l'espace public ne cesse de s'intensifier. En gros, deux camps s'opposent: ceux qui veulent que la religion disparaisse complètement de l'espace public, et ceux qui n'acceptent aucune atteinte à leur liberté de conscience ou de religion.

Le premier camp a trouvé un allié dans les groupes d'extrême-droite, qui appellent à la haine et à l'exclusion de tout ce qui n'est pas pure laine (ou assimilable à la ''purelaineté''), et le deuxième l'a trouvé dans les groupes d'extrême-gauche qui appellent à l'anarchisme et au chaos total.

Ce clivage a empoisonné le débat public. On est rendu que chaque fois qu'on veut défendre le droit des Québécois de souche francophones de préserver leurs valeurs et leur identité, on est taxé de racisme, nazisme et de suprématie blanche, et que chaque fois qu'on veut défendre le droit fondamental de certains Québécois issus de la diversité de pratiquer leur religion sans discrimination, on est taxé de fanatisme et d'alliance au terrorisme.

Bref, c'est le bordel.

Et c'est dans ce contexte toxique que la loi 62 est venue, pour déclarer que l'état ne devrait pas faire partie de ce conflit, outre sa neutralité politique il faut assurer sa neutralité religieuse.

D'une autre part, il y avait une haute demande de presque la totalité des gestionnaires de l'état concernés afin de baliser et donner des directives claires concernant l'octroi des accommodements raisonnables (étant donné que jusqu'avant l'adoption de la loi 62, on appliquait les règles tirées de la jurisprudence). Or, la loi est venue aussi pour codifier ce qui existe déjà dans la jurisprudence.

Je dois exprimer mon accord aussi avec le fait de soustraire, dans l'article 13 de la loi, tout ce qui est relié au patrimoine culturel historique du Québec de son application.

Je dois exprimer mon accord aussi avec le fait de soustraire, dans l'article 13 de la loi, tout ce qui est relié au patrimoine culturel historique du Québec de son application. Et ce n'est aucunement contradictoire avec le principe de la neutralité religieuse de l'état ou hypocrite comme certains aiment laisser entendre. En fait, une telle soustraction est une application directe et cohérente avec le principe de l'interculturalisme, soit la préservation du patrimoine historique de la culture majoritaire sans réduire la valeur des autres cultures qui font partie désormais de la culture québécoise. Et rappelons-nous, le principe de l'interculturalisme est déjà adopté comme ligne directrice dans la politique du gouvernement libéral dans sa gestion de la diversité au Québec. Alors, c'est tout à fait normal de légiférer là-dessus.

Revenons maintenant au but de ce billet.

Dans la section II « Services à visage découvert » l'art. 9 de la loi stipule le suivant :

« Un membre du personnel d'un organisme doit exercer ses fonctions à visage découvert, sauf s'il est tenu de le couvrir, notamment en raison de ses conditions de travail ou des exigences propres à ses fonctions ou à l'exécution de certaines tâches.

De même, une personne à qui est fourni un service par un membre du personnel d'un organisme doit avoir le visage découvert lors de la prestation du service.

Un accommodement qui implique un aménagement à l'une ou l'autre de ces règles est possible, mais doit être refusé si, compte tenu du contexte, des motifs portant sur la sécurité, l'identification ou le niveau de communication requis le justifient. » (Mon soulignement)

Cet article touche deux catégories de personnes: les fonctionnaires et les citoyens.

Il faut bien préciser que l'employeur a tout le droit de légiférer sur comment ses employés doivent se comporter ou s'habiller, sous réserve des dispositions des chartes des droits et libertés. Or, la loi, à cet égard, respecte complètement les chartes selon moi, comme elle ouvre la porte à des accommodements en s'inspirant des règles jurisprudentielles déjà en application actuellement.

De plus, le gouvernement a tout le droit et le pouvoir de s'assurer que ses lois dûment votées soient respectées par tout le monde. Or, l'assujettissement des municipalités et les organismes parapublics à l'application d'une loi quelconque sont tout à fait légitimes.

Le problème véritable demeure dans l'interprétation du 2 alinéa de cet article, plus spécifiquement l'expression suivante « lors de la prestation du service ».

Les médias ont rapporté que le gouvernement entend par cette expression que le visage doit être découvert pendant toute la durée de l'exécution de la prestation. Ce sont eux qui ont donné cet exemple hypothétique comme quoi une personne qui a le visage couvert pourrait être refusée l'accès aux transports en commun si elle refuse de découvrir son visage. Et c'est là que fut l'apocalypse.

Poser des questions hypothétiques bidon ne peut amener qu'à des réponses hypothétiques bidon.

Poser des questions hypothétiques bidon ne peut amener qu'à des réponses hypothétiques bidon. Dans ce temps contaminé par le cynisme, par la lecture des titres sans puiser dans le contenu, la population est facilement manipulable et il ne suffit que d'une petite étincelle pour qu'elle crie au scandale.

En tout cas, une solution que le gouvernement peut envisager, pour bien clarifier l'application de ce 2 alinéa, est de préciser, dans ses directives d'application concernant la réception du service public à visage découvert, qu'une telle exigence ne soit appliquée que pour des motifs objectifs et/ou professionnels notamment pour les fins d'identification, de sécurité et/ou de communication. Car une fois la personne est identifiée par exemple, elle n'a plus besoin d'avoir son visage découvert pendant toute la durée de la prestation du service.

Quant à la section III « Accommodement religieux », je ne peux qu'exprimer mon malaise et ma déception quant au fait qu'on persiste à traiter la religion, comme étant une liberté fondamentale moins valable que les autres libertés. Je le rappelle, les libertés fondamentales ne sont pas hiérarchisées entre elles. Créer des règles de limitation spécifiques à une liberté, de manière à donner l'impression que cette liberté est moins importante, est discriminatoire en soi. Comme s'il y avait de «bons» accommodements et de «mauvais» accommodements...

Selon moi, les règles de l'octroi des accommodements raisonnables ne doivent pas changer dépendamment de leur nature.

Selon moi, les règles de l'octroi des accommodements raisonnables ne doivent pas changer dépendamment de leur nature. Que ce soit en raison d'un handicap, de genre, de sexe ou de religion, l'octroi d'un accommodement doit suivre les mêmes règles, exactement tel qu'appliquées par les tribunaux.

L'intitulation de la section III d' « Accommodement religieux » donne l'impression que l'accommodement pour des motifs religieux est une mauvaise chose et qu'il faut limiter et contrôler son octroi plus que les autres types, sachant que ces derniers sont beaucoup plus fréquents que le premier!

En conclusion, je ne peux que souhaiter que l'application de cette loi se fasse dans le climat le plus paisible possible, sans dérapages ou fixation sur l'islam spécifiquement.

Dans les transports en commun

Quand faut-il se découvrir le visage en vertu de la loi 62 ?

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