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«Cela ne peut arriver ici»?

Au Québec, la figure excentrique de Trump inspire généralement le rire et la dérision. L'absurdité du personnage a toutefois laissé croire à un certain nombre de personnes que le démagogue milliardaire n'était au fond qu'une anomalie politique bien américaine et qu'il était fort improbable que la même situation se reproduise au Québec.
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Au Québec, la figure excentrique de Trump inspire généralement le rire et la dérision. Il faut effectivement avouer que le personnage est, nonobstant de ses positions politiques, un drôle d'oiseau. Quant à ses projets, ils paraissent bâclés, exagérés et fondés sur des informations erronées. Pour toutes ces raisons, Trump a été la coqueluche des grands médias puisqu'il leur permettait, semaine après semaine, de présenter un nouvel acte d'une pièce tragicomique.

L'absurdité du personnage a toutefois laissé croire à un certain nombre de personnes que le démagogue milliardaire n'était au fond qu'une anomalie politique bien américaine et qu'il était fort improbable que la même situation se reproduise au Québec. Ces individus ressassent naïvement la formule « Cela ne peut arriver ici » qui a donné son titre à un roman de l'auteur américain Sinclair Lewis dans lequel il est précisément question de la montée du fascisme aux États-Unis et de l'incrédulité provoquée par ce phénomène.

Or, la xénophobie rampante est bel et bien présente et elle a ses ténors tout aussi ridicules que Trump, ses radios et ses mouvements. Sans qu'il soit tout à fait analogue, le phénomène Rambo fait la démonstration que le sol est fertile pour le populisme ici aussi. Mais après tout, ce n'est pas si surprenant. Les fausses informations circulent abondamment et les incessants retours du débat sur les symboles religieux ostentatoires ici ou là font en sorte qu'il suffirait d'une étincelle pour faire flamber la brousse au complet.

Face à ce constat, il est nécessaire de se demander quoi faire avant qu'il ne soit trop tard. En premier lieu, il semble nécessaire de rappeler que les mouvances populistes de l'extrême droite doivent être prises au sérieux. Mettre en relief les bourdes clownesques des principaux avatars de ce courant ne sert à rien. En effet, les nouveaux démagogues ne se conduisent pas comme les politiciens plus traditionnels qui, une fois placés devant leurs erreurs, faisaient leur mea culpa. Au contraire, les politiciens de la veine de Trump revendiquent leurs erreurs et en font des trophées. Cette stratégie fonctionne très bien. C'est pourquoi après chaque nouveau scandale, le démagogue milliardaire a pu continuer sa course là où un Mitt Romney ou un John McCain auraient probablement commencé à perdre des plumes. Il faut donc prendre au sérieux les populistes même lorsqu'ils avancent en utilisant des stratagèmes plus absurdes les uns que les autres.

Une fois pris au sérieux, les démagogues à la Trump peuvent être appréhendés comme de bonnes cibles pour un certain type de critique, à savoir la critique de leur caractère d'élite. Aussi paradoxal que cela puisse sembler, la meilleure stratégie de lutte contre les populistes d'extrême droite pourrait bien être de jouer la carte « anti-establishment » contre ceux mêmes qui se présentent comme les représentants du peuple. À ce sujet, la victoire de Van der Bellen sur Hofer en Autriche peut être mise en parallèle avec la défaite de Clinton face à Trump. Alors que dans le premier cas, l'extrême droite a été battue par un candidat indépendant soutenu par un tiers parti écologiste, le second cas a démontré l'échec d'une stratégie qui misait sur la soi-disant expérience de la candidate démocrate.

Autrement dit, face à un démagogue qui axe son discours contre l'élite politique, il est illusoire de lutter en se donnant une image d'élite politique. Au contraire, le choix qui aurait permis aux démocrates de battre Trump se trouvait probablement à gauche du parti chez des personnes comme Bernie Sanders ou encore, Elizabeth Warren. Ce sont elles qui auraient pu retourner la rhétorique anti-establishment contre elle-même en démontrant (et cela n'aurait pas été difficile) que Trump est précisément le représentant de la classe dominante américaine.

En bref, il est bien dangereux de s'imaginer que la vague démagogique ne peut arriver jusqu'ici et même s'il est facile de ridiculiser les avatars de ce phénomène, il faut garder en tête qu'il s'agit d'un problème sérieux. Comme tel, celui-ci doit être appréhendé comme quelque chose à éliminer à l'aide de stratégies et l'une d'elles a été ici présentée, à savoir d'attaquer les démagogues en retournant leur rhétorique anti-establishment contre eux-mêmes. Dans quelle mesure cela est-il susceptible de fonctionner? Il est impossible de le savoir, mais il est clair que cette option a quelques chances.

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