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La pensée politique de Jack London

Le 22 novembre marquera le centenaire du décès d'un écrivain majeur pour l'histoire de la littérature américaine. Encore aujourd'hui, Jack London est l'une des plus belles plumes produites en sol étasunien et il n'était pas qu'un auteur de littérature. C'était aussi un analyste politique et un philosophe fort impressionnant.
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Le 22 novembre marquera le centenaire du décès d'un écrivain majeur pour l'histoire de la littérature américaine. Encore aujourd'hui, Jack London est l'une des plus belles plumes produites en sol étasunien et il n'était pas qu'un auteur de littérature. C'était aussi un analyste politique et un philosophe fort impressionnant. Le talon de fer, Le Rêve de Debs et Au sud de la Fente sont des témoignages d'un ovni intellectuel souvent occulté: le socialisme américain.

La pensée politique de London est typique de ce socialisme issu de l'ère progressiste américaine (années 1890 à 1920). Débattre afin de savoir si l'auteur de L'Appel de la forêt était marxiste révolutionnaire, socialiste réformiste ou anarchosyndicaliste n'a pas de sens. Si son analyse s'enracine dans le matérialisme de Marx et d'Engels, il faut noter son militantisme au sein du Parti socialiste d'Amérique dirigé par Eugène V. Debs ainsi que son éloge du syndicalisme révolutionnaire et autogestionnaire. Ce trajet intellectuel est similaire à celui d'Upton Sinclair, autre grande figure de la littérature socialiste américaine sous l'ère progressiste. Ce melting-pot qui semble un peu surprenant de nos jours était pourtant assez banal à l'époque. Pour preuve: Debs lui-même avait participé à la fondation des Industrial Workers of the World (IWW) et s'inspirait de l'analyse économique marxiste.

D'une certaine manière, cette forme de socialisme très terre-à-terre représente une alternative au socialisme utopique et scientiste de l'Europe qui a pourtant triomphé moins d'un an après la mort de London avec la révolution d'octobre. Un siècle plus tard, le bilan de ce socialisme ne laisse aucun doute : Guépéou, goulag et apparatchiks sont les marques indélébiles d'un échec coûteux terme de vies brisées. Toutefois, ce n'est pas la preuve de l'échec du socialisme en tant que tel, mais bien d'un socialisme en particulier. De la même manière, la crise économique de 1929 ne représente pas la crise de toutes les formes existantes de capitalisme.

La richesse de ce courant intellectuel offre une opportunité nouvelle cent ans après la mort de cet auteur prolifique. Il suffit de reprendre la réflexion là où elle s'est arrêtée pour en extraire des conclusions utiles pour le présent.

Le socialisme américain de l'ère progressiste s'est quant à lui fossilisé à cause des vagues de répressions issues de la politique antipacifiste lors de la Première Guerre mondiale, du maccarthysme d'après-guerre et finalement, de la politique de guerre froide. Ce qui a fait son originalité, c'est son pragmatisme résolu, son respect pour les libertés individuelles et son souci avant-gardiste de ce qui sera plus tard appelé l'intersectionnalité (le fait d'être simultanément opprimé par plusieurs formes de dominations).

Que vient faire London là-dedans en dehors de son implication directe? Rien de moins que de mettre sous forme de littérature tout un continent philosophique et politique. Dans Le talon de fer par exemple, le personnage Ernest Everhard joue presque le rôle d'un Zarathoustra ouvrier en effectuant une critique radicale de la métaphysique dominante. Une partie du livre sert effectivement à démolir l'idéalisme déiste de l'élite universitaire afin de promouvoir le matérialisme historique et l'épistémologie pragmatique. Le Rêve de Debs est pour sa part un texte portant sur les moyens à employer pour parvenir à changer le monde. Il n'est pas question de violence d'État, de guerre civile ou quoi que ce soit de ce genre. Il suffit d'organiser la classe ouvrière afin de créer une grève générale au cours de laquelle les moyens de production sont saisis et opérés par et pour ceux et celles qui les contrôlent. Quant à la nouvelle intitulée Au sud de la Fente, il s'agit d'une critique de la position de neutralité des sciences sociales. Les réflexions sont cette fois d'ordre épistémologique puisque London tente de montrer que les théories se forment toujours à partir d'une perspective socialement située et qu'il ne saurait y avoir de science sociale neutre.

En somme, les idées de London ont été enterrées par de nombreux phénomènes historiques parmi lesquels il faut compter le triomphe du socialisme européen, la répression antipacifiste durant la Première Guerre mondiale, l'épisode maccarthyste puis la politique de guerre froide américaine. Néanmoins, la richesse de ce courant intellectuel offre une opportunité nouvelle cent ans après la mort de cet auteur prolifique. Il suffit de reprendre la réflexion là où elle s'est arrêtée pour en extraire des conclusions utiles pour le présent.

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Mai 2017

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