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Ni de droite ni de gauche: le fantasme post-politique

Le national-populisme et les mouvements patriotes, c'est tout simplement l'extrême droite qui avance avec de nouveaux habits.
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De plus en plus souvent, il m'arrive de tomber sur des commentaires où les gens refusent de se situer sur le spectre gauche-droite et où le fantasme d'une utopie post-politique est formulé. Malheureusement, cette pensée qui peut s'avérer séduisante pour plusieurs personnes est fallacieuse et pose problème pour de nombreuses raisons qu'il s'agit ici d'expliquer.

Tout d'abord, il faut avouer qu'effectivement, le spectre gauche-droite n'est ni parfait ni exhaustif. Cependant, il est un outil indispensable pour cartographier les positions politiques afin de mettre en lumière les divergences qui existent indéniablement. Né avec la Révolution française, il n'est pas dit qu'un jour ce spectre ne deviendra pas obsolète, mais force est d'admettre que c'est loin d'être le cas présentement. Il y a bel et bien un clivage entre gauche et droite sur la plupart des enjeux de société. En fait, le spectre gauche-droite doit simplement être complété par d'autres spectres du genre avec des thèmes qui pourraient être ceux-ci: souveraineté-fédéralisme, autorité-liberté, républicanisme-communautarisme, etc. Cela ne signifie cependant pas que les termes gauche et droite sont révolus bien au contraire. Il suffit d'en faire bon usage et de ne pas les prendre pour autre chose que des outils conceptuels permettant de mieux comprendre la réalité complexe et irréductiblement conflictuelle du fait politique.

Où est le consensus et comment ne pas voir ici toute la déclinaison du spectre gauche-droite?

Ce qu'il y a de dangereux avec le fantasme post-politique, c'est qu'il masque les enjeux de discorde et les luttes idéologiques qui sont nécessaires à la démocratie. En effet, sans conflit, il n'y a ni politique ni démocratie. Ceux et celles qui estiment que le clivage gauche-droite est révolu font généralement l'apologie d'une sorte d'utopie politique où le consensus règnerait constamment. Mais en politique, le consensus est une denrée rare et c'est tout à fait normal. Si vraiment il y avait une sorte de consensus évident pour toute chose, tout ce qu'il faudrait, ce serait d'appliquer le consensus sans discussion puisque l'évidence même rendrait les débats futiles. Un exemple facile d'absence de consensus: les frais de scolarité. Il y a des gens pour la gratuité, des gens contre, des gens qui veulent une réduction des frais, d'autres qui veulent une augmentation, certaines personnes veulent un gel et d'autres veulent une indexation. Où est le consensus et comment ne pas voir ici toute la déclinaison du spectre gauche-droite?

Ce qu'il faut aussi savoir de la négation du spectre gauche-droite, c'est qu'elle sert surtout un type de mouvement en particulier: le national-populisme qui ne serait ni de droite (parce qu'économiquement à gauche) ni de gauche (parce que socialement à droite). Néanmoins, ce mélange entre gauche et droite ne place pas les mouvements national-populistes en dehors du spectre gauche-droite, mais du côté de la droite sociale extrême et d'un léger centre gauche économique. L'argumentation contre le spectre gauche-droite ou pour le clivage « patriotes contre mondialistes » est un leurre qu'il faut démasquer. Le national-populisme et les mouvements patriotes, c'est tout simplement l'extrême droite qui avance avec de nouveaux habits.

En conclusion, je ne peux que faire un éloge d'une chose bien impopulaire actuellement, à savoir la revendication d'une analyse politique qui prend en compte les oppositions comme étant inhérente à la politique. Trop souvent, j'entends des discours qui font l'éloge d'une sorte de passé mythique avant que le peuple ne soit divisé par la politique. N'en déplaise à ceux et celles qui portent ce discours, mais l'histoire humaine est saturée de conflits et d'oppositions. Il est utopique de penser que cela prendra fin un jour avec un «happy ending» à la Disney. Il est bien entendu possible de baliser et de rendre ces conflits vraiment moins violents, mais vouloir les effacer serait faire preuve de naïveté. La volonté de ne pas reconnaitre le conflit politique comme étant légitime est par ailleurs l'une des caractéristiques des régimes totalitaires qui se conçoivent comme n'étant pas politiques, mais scientifiques. Le nazisme et le stalinisme sont deux exemples de sociétés où le conflit était voilé et où le «bon sens» et la «science» devaient gouverner. La société capitaliste postindustrielle tend de plus en plus à s'en rapprocher également, mais il s'agit d'un sujet à aborder dans un autre texte. Quoi qu'il en soit, l'essentiel est de reconnaitre que la politique est conflictuelle, que les oppositions sont vitales pour la démocratie et que le spectre gauche-droite est loin d'être dépassé.

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