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La nouvelle malbouffe intellectuelle

Les livres de «New Age» et de spiritualité sont présentés comme d'authentiques travaux de psychologie et de philosophie.
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Comment peut-on raisonnablement mettre un à côté de l'autre L'être et le néant et un volume de tarot? Pourquoi les travaux de Catherine Vidal et d'Antonio R. Damasio côtoient-ils les croûtes de la croissance personnelle? Voilà les questions qui me sont venues en tête lors de mon dernier passage dans une librairie. Sur les mêmes étagères se retrouvaient mélangés de véritables chefs-d'œuvre de la philosophie rationnelle avec les pires textes ésotériques. Même constat du côté des ouvrages de psychologie.

Ce témoignage d'apparence banale révèle en réalité une situation bien exaspérante qui se présente sous la forme d'un relativisme des savoirs et des connaissances. Un livre en vaut un autre : pas besoin de faire la différence entre un texte «New Age» et un monument de la pensée. Pire encore : la prolifération quantitative du premier type de texte est beaucoup plus importante.

Bien évidemment il est facile de comprendre comment cette mauvaise herbe fait pour pousser partout : elle est facile à écrire et ne tient pas compte des faits et de la logique, contrairement aux sciences et à la philosophie. Il est désespérant de voir comment de travail est nécessaire afin de produire une œuvre intellectuelle de qualité alors que la malbouffe ésotérique se vend sans que de grands efforts ne soient déployés de ce côté. Mais surtout, il existe des tonnes de maisons d'édition pour cette marchandise frelatée, et ce n'est pas par hasard, puisque ce type d'écrit est conçu spécialement pour accrocher son lectorat et lui faire acheter encore plus de malbouffe intellectuelle. L'ésotérisme est une industrie florissante pour la postmodernité éclectique.

Le problème principal reste surtout que les livres de «New Age» et de spiritualité sont présentés comme d'authentiques travaux de psychologie et de philosophie, ce qui ouvre la porte à la confusion. J'accuse même cette indifférenciation de causer une partie du discrédit associé à la philosophie. En effet, il est désormais fréquent d'entendre des personnes utiliser le mot «philosophie» pour signifier des aberrations intellectuelles ésotériques. Pratiquement, c'est comme si le terme «chimie» était utilisé pour décrire l'alchimie, comme si l'astronomie était synonyme d'astrologie.

Un autre élément problématique est la présence abondante d'idées fondamentalement réactionnaires cachées sous un vernis de spiritualité ou de religion quelconque. Dès lors, toute critique des théories contenues dans de tels textes passe pour de l'intolérance. Il n'est plus question de philosophie où les débats sont permis, mais du monde magique de la spiritualité où chacun et chacune sont libres de croire en ce qu'ils ou elles veulent. Des thèses très conservatrices acquièrent une image «postmoderne» ou progressiste grâce au style soi-disant anticonformiste utilisé par les auteurs et les auteures de ce type de texte. C'est là tout un problème parce que les idées qui avaient été mises à mal par les luttes sociales et intellectuelles se retrouvent réaffirmées dans un nouveau format.

Certaines personnes verront peut-être dans mon texte la preuve d'une étroitesse d'esprit. En ce qui me concerne, je dirais plutôt qu'il s'agit d'une exigence de probité intellectuelle. Le relativisme que j'ai critiqué plus haut rend la tâche encore plus difficile aux personnes tentant d'entrer dans les domaines de la science psychologique ou de la philosophie. Quant à l'accroissement de l'ulcère ésotérique, il s'agit d'un problème parce que son développement même contribue à ramener dans le débat public des idées très souvent conservatrices sous le couvert d'un masque de spiritualité. Pour ces raisons, je crois qu'il faut considérer la prolifération de ce type de texte comme indicateur d'un certain tarissement de la littérature.

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