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La censure imaginaire

Dénaturer la notion de censure comme le font les dissidents des grandes ondes ou des grands journaux, c'est jouer avec le feu parce qu'on risque de perdre de vue ce que la censure veut réellement dire.
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Il est maintenant populaire de se définir comme « dissident », comme « contestataire » ou comme « rebelle », quelle que soit la position sociale de la personne qui s'identifie comme telle. Soit. C'est une manière un peu agaçante de se faire de la publicité malgré le fait d'être parfois de connivence avec les hauts lieux du pouvoir ou du moins d'avoir une tribune fort lucrative, mais bon, chacun décide de la façon de se présenter. Toutefois, ces étiquettes sont bien souvent liées à un autre mot : la censure. Ce mardi, un chroniqueur du Journal de Montréal donnait pour titre à son texte Liberté d'expression? et expliquait que « certains » chercheraient à « élargir le domaine de la censure » et qu'« ils » voudraient notamment interdire de « dire que l'identité québécoise est menacée ».

En effet, il n'est pas rare d'entendre sur les ondes de certaines radios ou de lire dans les grands journaux des personnalités qui s'autoproclament « censurées » ou d'autres qui prédisent une censure imminente. Évidemment, il y a une forte ironie associée au fait de se dire censuré en utilisant les grands médias. Théoriquement, si ces dissidents de tour d'ivoire étaient censurés, ils ne pourraient pas même le dire ou l'écrire dans les grands médias. Pourquoi donc? Parce que c'est précisément ce qu'est la censure : faire de la répression active de certaines prises de paroles. Or, que disent tous ces rebelles payés avec un salaire à six chiffres pour répéter sans cesse leur cassette? Ils se disent censurés parce qu'ils sont critiqués. Cependant, critiquer n'est pas censurer. Au contraire, la liberté d'opinion implique précisément le droit de critiquer, d'ignorer, de ridiculiser, voire d'insulter. La seule limite raisonnable qui existe empêche la diffamation ou la propagation de discours haineux et violent qui risquent justement de faire en sorte que la liberté d'opinion d'autrui soit anéantie par la mort ou par la répression éventuelle d'un groupe social.

Dénaturer la notion de censure comme le font les dissidents des grandes ondes ou des grands journaux, c'est jouer avec le feu parce qu'on risque de perdre de vue ce que la censure veut réellement dire.

Les dissidents des régimes fascistes, théocratiques ou encore de l'Union soviétique n'écrivaient pas dans les grands journaux légaux. La répression qui leur était affligée se quantifiait en années de prison, pas en quantité de critiques reçus dans une section commentaire. Dénaturer la notion de censure comme le font les dissidents des grandes ondes ou des grands journaux, c'est jouer avec le feu parce qu'on risque de perdre de vue ce que la censure veut réellement dire. En d'autres mots, il n'y a pas l'équivalent d'un Diderot, d'un Soljenitsyne ou d'une Arendt au Québec pour la simple raison qu'il n'existe pas de système de censure comme dans l'ancien régime français, en URSS ou sous le IIIe Reich. Banaliser le concept de censure est une mauvaise idée qui pourrait avoir des conséquences fort dommageables si les gens venaient à s'imaginer qu'un régime de censure est à peu près l'équivalent de ce qu'ils et elles voient tous les jours actuellement.

En d'autres mots, les « censurés » qui s'évertuent à crier sur toutes les grandes tribunes qu'ils n'ont pas de liberté d'expression méconnaissent sérieusement le concept de censure. Ce qu'ils s'imaginent en réalité, c'est que la liberté d'expression est une sorte de pouvoir qui leur permettrait de dire ce qu'ils veulent sans être tenus pour responsables de ces paroles et par conséquent, critiqués, ridiculisés ou insultés pour ce qu'ils disent. D'une certaine façon, ce qu'ils veulent ce sont les avantages de la liberté d'opinion sans ce qu'ils considèrent être un désavantage, c'est-à-dire l'opinion des autres.

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