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Le cauchemar réel de l'anorexie

Je dis souvent que nous sommes toutes à une barre de chocolat ou à une photo Facebook près de l'anorexie.
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Elles ont 12 ans, elles ont 17 ans. Elles se partagent des trucs, elles se posent des questions.

«Comment tu mastiques? Quel genre de bouchées tu prends?» Elles se parlent surtout de poids, des 90 livres qu'elles aimeraient peser à nouveau. Elles font des allers-retours dans les couloirs dès que les infirmières soupent ; elles font des abdominaux sous la douche ou encore des jumping-jack après avoir éteint la lumière. Parfois, elles ouvrent même la fenêtre les nuits d'hiver pour greloter et perdre des calories. Non vous ne rêvez pas. Ceci est bien réel : c'est le cauchemar à ciel ouvert de l'anorexie.

Elles portent des vêtements trop grands dans lesquels elles flottent et boivent beaucoup d'eau afin d'obtenir le kilogramme de plus à la pesée. Nous pourrions croire que leur entrée à l'hôpital est synonyme de prise de conscience, mais il en va tout autrement ; le but principal est surtout de contourner les règles sans se faire prendre, de déjouer la surveillance.

Ces filles ne sont pas stupides, ce sont des humaines comme vous et moi s'étant peut-être trop fait influencer par la pop-culture, par les «Instagram baby», par les blogues de mode qui pullulent ou encore par leur mère qui refuse de vieillir. Dans bien des cas, l'anorexie est développée à une chambre à coucher de distance.

On sous-estime souvent la portée de nos paroles. Il y a quelques semaines, ma mère me disait :«Ta sœur m'a dit que son but était d'être comme toi.» J'étais flattée, jusqu'à temps que j'entende la suite : «Qu'elle aussi voulait avoir un ventre plat, un ventre qui entre par en dedans.» Ça m'a choquée. Pas dans le sens de fâchée, mais dans le sens de choc. Ainsi, c'était le type d'influence que j'avais eue. Moi, la personne qui ne faisait que s'entraîner et bien manger. Ce n'était pas très réjouissant ; j'étais à la limite de l'inconfort.

J'avais toujours cru prôner la diversité corporelle et le bien-être. Mais j'imagine qu'il est facile de faire l'apologie du «zéro-complexe» lorsqu'on correspond aux standards établis. J'ai toujours cru que j'étais au-dessus de la guerre corporelle même si je faisais violence à mon corps tout le temps. Même si c'était juste pour être en santé! Qu'il n'y avait rien de mal. Je le croyais vraiment. jusqu'au moment où ces paroles sortent de la bouche de ma sœur de 16 ans.

Je dis souvent que nous sommes toutes à une barre de chocolat ou à une photo Facebook près de l'anorexie. Nous sommes constamment bombardées de «Coach Beach Body, change ton corps en 21 jours!» dès que nous ouvrons la page du réseau social. Nous sommes constamment sous l'influence de publicités laissant sous-entendre que changer de modèle corporel va être gage de bonheur immédiat. Les gens mal dans leur peau nous énervent. «Arrête de chialer et va t'entrainer.» On la dit souvent celle-là, hen?

Ça peut être anodin. Jusqu'à temps que tu te réveilles au 7e étage de Sainte-Justine et que le cauchemar batte son plein. Jusqu'à temps que tu sois entourée de filles pareilles comme toi qui pincent leur peau (qu'elles méprennent pour du gras) aux cinq minutes et qui éparpillent la nourriture de leur souper aux quatre coins de leur assiette pour donner l'illusion qu'elles ont mangé ; de filles qui se demandent si elles mangent les pâtes ou le fromage au lieu des deux. De filles n'ayant aucun problème à démantibuler leur mac and cheese pour faire le tri. C'est tellement triste de voir tant d'efforts.

Ironiquement, j'appellerais notre présent l'ère du fast-food corporel. On consomme, on digère, on jette, on rachète. On ne connaît pas le chemin vers la santé, celui qui prend du temps. On vit dans «l'instant-tanné». Il faut avoir «ce» corps tout de suite et maintenant. Pas dans six mois, pas dans un an. Et ça fait en sorte qu'on mange peu, voire plus du tout, qu'on ne ressemble toujours pas aux «Insta-babe», et qu'on tombe sur le plancher un lundi matin, vidée de toute énergie.

On se ramasse entre quatre murs blancs. Mais ces quatre murs blancs ne sonnent pas l'alarme rouge. On en veut à nos parents de nous avoir amenées ici, on ne comprend pas. Dans notre tête tout va bien. Nous, anorexique? Voyons donc, c'est la blague de l'année. Ils sont dans l'erreur, c'était juste une petite chute de pression. La perte de poids? Bah, c'est juste une diète qu'on essayait. Depuis quand? Depuis assez longtemps pour qu'on ne s'en souvienne plus.

Et il est là, le problème. On s'est laissé embarquer les yeux fermés parce que le bobo faisait trop mal pour qu'on le regarde les yeux ouverts. On s'est fait encourager, on s'est fait dire à coup de centaines de commentaires qu'on était belle, qu'on était une modèle. On s'est fait dire qu'on était sexy avec le croc-top qu'on pouvait enfin porter. On voulait même connaître nos trucs! On en avait, des «J'aime» sur Facebook.

On en avait tellement qu'on a oublié de s'aimer en premier.

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