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«On trouvera que je manque à bien des usages en écrivant ce texte.»
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Jean d'Ormesson faisait partie du patrimoine national. – Nicolas Sarkozy

Jean d'Ormesson : un philosophe – Article dans le Figaro/Vox de Mathieu Bock-Côté

Nous autres civilisations, nous savons maintenant que nous sommes mortelles. – Paul Valéry

On trouvera que je manque à bien des usages en écrivant ce texte, à moins que l'on ne trouve, plus prosaïquement, que je suis un garçon bien méchant ; un hater, comme on dit.

Mais, ce qui m'attristerait le plus, ce serait que l'on puisse croire que je le fais afin de me faire mousser – rien ne serait plus faux et injuste! Ce qui me pousse à dire du mal d'un mort, n'est qu'un pur souci de vérité et, peut-être, aussi de générosité en épargnant bien des peines et des dollars à des innocents lecteurs que le flot de mièvreries funèbres aurait conduits au calvaire de la lecture de ce qu'on présente comme une œuvre, mais qui, de fait, n'est qu'un long bavardage.

Car pour bavarder, Jean d'O s'y entend formidablement bien! Peut-être trop. Il en résulte que ses ouvrages n'apportent rien de plus que ce que l'on retiendrait de ses innombrables apparitions télévisées.

Il s'agissait d'un homme sympathique, formidablement charmeur! Peut-être trop. À force de ne jamais vouloir froisser personne, il n'aura réellement plût à personne.

Pensons-y alors que les éloges pleuvent de toutes parts et que l'on placarde des panégyriques sur tous les murs Facebook de la francophonie qui lit ; se trouvera-t-il jamais quelqu'un pour se réclamer de lui et pour se déclarer son disciple?

Peu de gens se sont réclamés d'Anatole France après sa mort et aujourd'hui, on n'en parle plus, alors d'un sous-Anatole-France... à quoi s'attendre?

Vous verrez qu'au final, on se souviendra surtout de ses manières exquises de fils de marquis dans les salons et les plateaux. On ne nous parlera que très peu de ses livres, et beaucoup de ses beaux yeux bleus allant de pair avec son beau sourire blanc ; le tout donnant un ensemble perpétuellement charmeur, joueur et moqueur.

Car pour s'être moqué des gens, Jean d'O l'aura fait beaucoup! Peut-être trop.

Alors qu'avec l'âge diminua grandement la qualité de ses livres pour finalement atteindre l'or noir des riches sous-sols de l'écriture de type Paolo Coelho dans une langue un peu plus châtiée, l'académicien entra dans la phase finale de sa longue relation avec les vieilles filles du centre-droit : le chantage. Pas un livre de lui, qu'il ne vint nous présenter comme le dernier. Le manège dura dix ans!

Aussi, ce qui agace profondément chez Jean d'O, c'est le peu de sérieux qu'il y mettait. On ne devrait pas avoir le droit d'être autant contenté par la médiocrité. Cet aristocrate n'avait qu'une seule prétention : n'en avoir aucune. Et ça se ressentait. Un critique lui reprochait le faible niveau d'un de ses livres qu'il se voyait immédiatement – au tac au tac -- répondre par le bon père Jean d'O : On ne peut pas toujours être bon. » Non, c'est vrai, on ne le peut pas. Mais, rien ne nous oblige à publier ce qui ne l'est pas.

Encore une démonstration de cette médiocrité assumée, lorsqu'on pléiadisa d'Ormesson, celui-ci se sachant bien indigne de cet honneur qui le plaçait à la hauteur de Céline et de Chateaubriand alors qu'il n'était même pas Valéry, se contenta de déclarer : Enfin une Pléiade qui se vendra! » Je l'imagine bien aller sur les plateaux afin d'y annoncer prophétiquement, la bouche en coeur, que c'est sa dernière Pléiade, heureusement, même lui, n'osa pas aller jusque-là ; il se serait bien trouvé quelques centristes pour verser des larmes et mouiller leurs joues de ridicule.

Enfin, je n'ai pas le talent d'Aragon ni le désir de gifler un mort, que je ne pourrais qualifier d'encore chaud puisqu'il était déjà tiède de son vivant, et je me contenterai donc d'achever ce texte en disant :

Adieu Jean d'O

Et surtout, n'achetez pas cette Pléiade!!!

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