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La Ciclovia : 120 km de vivre-ensemble

Les villes québécoises pourraient facilement emboîter le pas aux dizaines d'autres à travers le monde qui, quelques heures par semaine, transforment leurs rues en équipement sportif et de loisirs pour toute la population.
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Un million et demi de personnes qui bougent. Un million et demi d'enfants, d'adultes, d'aînés, qui courent, pédalent, dansent, vont en poussettes, patinent, marchent tous les dimanches entre 7 h et 14 h. Depuis 40 ans. Et si nous en faisions autant? Les Semaines de la mobilité qui se déroulent ces jours-ci sont l'occasion de s'y activer.

Ce million et demi de personnes qui bougent, c'est l'exemple fascinant et inspirant de la Ciclovia de Bogotá, en Colombie. Depuis quatre décennies (1974), sous le mandat du Maire Hernando Duran Dussan, tous les dimanches et jours fériés, plus de 120 km sont fermés à la circulation automobile pour faire place à l'activité physique et aux rencontres sociales. J'ai donc enfourché mon vélo un dimanche de septembre pour joindre mon coup de pédale à la cadence des Colombiens.

Et quelle expérience! Tandis que les commerces ouvrent doucement et que les kiosques mobiles s'installent, les sportifs de tout acabit se délient les jambes. Des quartiers huppés aux larges boulevards, je traverse sur deux roues le quartier des affaires, el Centro et ses rues pavées, la Plaza Bolivar aux milliers de pigeons. J'arrête pour un jus fraîchement pressé de papaye, une famille prend aussi une pause, à l'ananas. Les rues se font plus étroites et les bâtiments témoignent de leur âge. Je roule de quartier en quartier, de secteurs prospères à ceux populaires et moins fortunés. Il y a toutes sortes de vélos, de la bécane, aux petites roues, au vélo de course nickel. Des réparateurs et mécanos font aussi boutique tout au long du parcours. L'inusité est aussi au rendez-vous, comme des promeneurs de chiens... à vélo!

De nombreuses villes dans le monde suivent l'exemple de Bogotá et multiplient les Ciclovias. Et avec raison. Une recherche menée par l'Université de Los Andes démontre les impacts bénéfiques sur la santé globale de la population. Chez les participants de la Ciclovia, on remarque notamment un plus haut taux d'activité physique, une diminution des problèmes de santé chroniques liés à l'obésité et un meilleur sentiment de sécurité dans la ville. À Bogotá, l'un des impacts majeurs est la diminution notable de la pollution par particules lors de la tenue de l'évènement. Non seulement la Ciclovia est un geste pour une ville en santé, c'est aussi un geste affirmé pour améliorer la qualité de l'air, ainsi que pour développer des modes de transport non polluant.

La Ciclovia de Bogotá a de surcroit une action structurante sur l'espace public en créant des placettes qui servent de points de vente aux commerçants pour quelques heures. À cela s'ajoutent des espaces publics de qualité, développés par la municipalité, agglomérés autour de cette voie citoyenne. Ainsi, la Ciclovia agit comme vecteur de développement économique et de dynamisation de secteurs délaissés par des interventions de qualité sur l'environnement bâti.

Ce qui transcende ces impacts, c'est l'appel à l'équité et à la justice sociale derrière les kilomètres d'asphalte dédiés aux citoyens. En effet, c'est à partir d'infrastructures existantes - les rues - que la Ville a développé cette offre de loisirs et d'exercice pour toute la population, et ce, sans construire de nouvel équipement et sans exiger des frais aux usagers. Une action donc basée sur le principe d'universalité et d'accessibilité à l'activité physique. Les 120 km traversent tous les quartiers sans égard à leur situation socioéconomique et agissent comme vecteur d'inclusion sociale sur une base territoriale métropolitaine.

Les villes québécoises pourraient facilement emboîter le pas aux dizaines d'autres à travers le monde qui, quelques heures par semaine, transforment leurs rues en équipement sportif et de loisirs pour toute la population. Certains crieront certes, mais le coût-bénéfice d'une telle opération sur la santé de la population est un argument de poids. En addition, Bogotá a suscité l'adhésion en positionnant la dimension économique de la Ciclovia comme levier de développement urbain par la revitalisation de lieux contigus au parcours favorisant ainsi le commerce de proximité.

Après ces kilomètres enfilés, je stationne ma bicicleta avec satisfaction en me faisant la réflexion que le vélo, dans toute cette histoire de Ciclovia, apparaît comme le prétexte d'un objectif beaucoup plus ambitieux de la part de cette ville, soit celui de travailler avec audace à un meilleur vivre-semble. Et nous, on s'y met quand ?

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