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Non, il n'y a aucun lien causal entre les jeux vidéo d'action et la maladie d'Alzheimer, mais voici ce que vous devez absolument savoir...

Nous devons parler du lien entre les jeux vidéo et la maladie mentale, maintenant.
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Une réduction de la substance grise dans l'hippocampe, qui est une région du cerveau jouant un rôle primordial dans l'apprentissage et la mémoire, peut être observé chez des personnes en bonne santé. La réduction de substance grise dans l'hippocampe fait partie des variations normales au cours de la vie. Toutefois, certaines études indiquent qu'une réduction de substance grise ou un hippocampe de petit volume peut révéler un tout autre profil. Quand des patients atteints des troubles divers viennent à la clinique et que l'on effectue des recherches, on croit souvent que les symptômes observés proviennent de leur état clinique. Par exemple, pendant des décennies, on croyait que la dépression entraînait l'atrophie de cette précieuse structure du cerveau tellement importante pour la mémoire, l'hippocampe, parce que les patients en dépression arrêtaient d'interagir avec le monde extérieur, ils arrêtaient d'apprendre et de mémoriser, et, par conséquent, il y avait une réduction de volume dans cette partie du cerveau.

Et si l'hippocampe était déjà atrophié avant la maladie? Comment cela changerait notre perspective? Eh bien, cela change tout. Cela change tout, parce que, pour reprendre notre exemple, si les patients atteints de dépression avaient une atrophie de l'hippocampe avant que la dépression ne se déclare, mais qu'ils étaient, pour tout le reste, dans le même état que les autres individus non dépressifs, cela révèle quelque chose d'important. Ce que cela signifie, c'est qu'une réduction de la substance grise dans l'hippocampe augmente le risque de dépression par rapport à ceux qui n'ont pas d'atrophie de l'hippocampe.

Nous ne savons pas comment cela augmente le risque de dépression. Les maladies neurologiques et psychiatriques sont complexes et impliquent des facteurs génétiques et déclencheurs environnementaux tel que le stress. Néanmoins, selon plusieurs nouvelles études importantes, une réduction de la substance grise dans l'hippocampe est un facteur de risque pour de nombreux troubles neurologiques et psychiatriques. Comme il est impossible de faire une imagerie par résonnance magnétique cérébrale à quelqu'un avant le déclenchement de la dépression ou d'un autre trouble neurologique ou psychiatrique, et avant que le diagnostic clinique soit établi, les chercheurs ont dû trouver des moyens astucieux et imaginatifs pour essayer de résoudre cette question.

Le groupe du Dr Frodl, du Trinity College, à Dublin, a étudié cette question, en particulier chez des personnes en bonne santé qui avaient des parents au premier ou au deuxième degré atteints de dépression. Tout d'abord, comme d'autres l'avaient publié au préalable, le groupe de Frodl a établi que des patients qui avaient une dépression grave avaient une atrophie significative de l'hippocampe. Mais, ce qui est important, c'est qu'il a également montré que des personnes en bonne santé avec des antécédents familiaux de dépression avaient, eux aussi, une atrophie significative de l'hippocampe. Cela signifie que les personnes en bonne santé qui présentent une atrophie de l'hippocampe ont un risque accru d'être atteintes de dépression.

Plusieurs autres groupes de chercheurs ont trouvé des moyens astucieux pour se pencher sur la manière de déterminer si l'hippocampe était atrophié avant ou après le déclenchement d'autres maladies mentales. Il l'était dans les cas de trouble de stress post-traumatique (TSPT), de schizophrénie et de maladie d'Alzheimer.

Le Dr Pitman, du Département de psychiatrie de la Harvard Medical School, a constaté que les patients souffrant de TSPT présentaient une atrophie significative dans la même partie du cerveau qui joue un rôle dans la dépression, l'hippocampe. Toutefois, il a également montré que cette atrophie de l'hippocampe existait déjà avant que le TSPT se déclenche. La manière dont il a abordé la question était ingénieuse. Il a mené une étude sur des anciens combattants du Vietnam qui ont souffert de TSPT, et a confirmé qu'il y avait une corrélation négative entre la sévérité du TSPT et l'atrophie de l'hippocampe; c'est-à-dire que le cas le plus sévère était associé à l'hippocampe le plus atrophié. Il a recherché par la suite des anciens combattants qui avaient des jumeaux monozygotes et a étudié leur hippocampe. Il n'a trouvé aucune différence de volume entre l'hippocampe du jumeau atteint de TSPT et celui du jumeau non atteint. En d'autres mots, le frère jumeau qui n'avait pas été au combat et qui n'avait pas de TSPT présentait aussi une atrophie de l'hippocampe. Cette étude, difficile à effectuer, a servi de première preuve que l'atrophie de l'hippocampe d'individus sains était un facteur de risque pour le TSPT.

L'équipe du Dr Gur, du Centre de recherche sur la schizophrénie de l'Université de la Pennsylvanie, a observé des réductions de volume de l'hippocampe chez des patients atteints de schizophrénie. Toutefois, dans une autre étude, l'équipe du Dr Dazzan, du Département d'études de la psychose, Section psychose précoce, du King's College de Londres, a montré que de jeunes adultes sains chez qui l'on avait détecté un risque extrêmement élevé d'avoir un premier épisode psychotique - qui a de fortes probabilités de se transformer éventuellement en schizophrénie - avaient une diminution de volume des lobes temporaux médians et du cortex frontal. Entre autres, ces patients avaient des anomalies structurelles mineures dans le cortex parahippocampique, une région qui est connectée de par son anatomie à son voisin, l'hippocampe. La réduction de volume dans des régions du cerveau qui sont connectées à l'hippocampe est antérieure à l'apparition de la schizophrénie, et constitue par conséquent un facteur de risque.

En quoi tout cela est-il relié à la maladie d'Alzheimer? Eh bien, vous l'avez deviné: des études similaires ont montré qu'une réduction de la substance grise dans l'hippocampe, et dans le cortex entorhinal voisin, est un facteur de risque pour la maladie d'Alzheimer.

L'équipe de la Dre Apostolova, du Département de neurologie de l'Université de la Californie à Los Angeles, a suivi des patients qui avaient un déficit cognitif léger (DCL) depuis cinq ans afin d'étudier les facteurs de risques liés au DCL chez ceux qui pourraient plus tard être atteints de la maladie d'Alzheimer. En général, les études montrent qu'environ 50% des patients présentant un DCL vont avoir, par la suite, la maladie d'Alzheimer. Dans son étude, elle a observé que les patients ayant un DCL et qui ont eu plus tard la maladie d'Alzheimer avaient initialement une atrophie de l'hippocampe, quand ils étaient encore relativement en bonne santé, à part leur observation subjective de troubles de mémoire. La Dre Albert, du Département de neurologie de l'Université Johns Hopkins, a obtenu des résultats similaires. Selon son étude, l'atrophie du cortex entorhinal, le voisin de l'hippocampe, chez les patients ayant un DCL était un prélude à la maladie d'Alzheimer.

Même chez les personnes âgées en bonne santé, les déficits cognitifs ont été associés à un déclin de la substance grise dans l'hippocampe. En résumé, nous pouvons donc dire que le fait d'avoir une réduction de la substance grise dans l'hippocampe n'est pas une bonne chose. Non seulement il entraîne des défaillances de la mémoire épisodique, c'est-à-dire les souvenirs des événements marquants de la vie, mais il expose au risque d'avoir divers troubles neurologiques et psychiatriques. Quels sont donc les liens de tout cela avec les jeux vidéo d'action?

Notre étude a montré que les joueurs de jeux vidéo d'action utilisaient la stratégie de réponse par stimuli beaucoup plus souvent que les individus ne jouant pas aux jeux vidéo d'action. Au contraire, les individus ne jouant pas aux jeux vidéo d'action utilisaient une stratégie de la mémoire spatiale, précédemment démontrée comme faisant appel à l'hippocampe. Utiliser une stratégie spatiale signifie construire des relations entre les points de repères dans l'espace pendant la navigation dans un environnement donné. Par contre, la stratégie de réponse par stimuli implique la mémorisation d'une série d'actions à partir d'un stimulus donné; par exemple tourner à droite à la station d'essence. Ces deux stratégies ont été décrites en détail en 1978 par le lauréat du prix Nobel de médecine 2014 John O'Keefe et son coauteur Lynn Nadel: ils sont partis de l'hypothèse que seule la stratégie spatiale faisait appel à l'hippocampe.

Notre équipe a publié quatre articles, et nous en avons plusieurs autres en cours de rédaction, qui montrent que ceux qui utilisent une stratégie de réponse par stimuli ont moins d'activité observée par IRMf (imagerie par résonance magnétique fonctionnelle) et moins de substance grise dans l'hippocampe que ceux qui font appel à une stratégie de mémoire spatiale. De plus, ceux qui utilisent une stratégie de réponse par stimuli ont moins de substance grise dans l'hippocampe tout au long de leur vie, dès le stade de jeune adulte sain, jusqu'à celui de personne âgée en bonne santé.

Nos recherches montrent plutôt que ceux qui font appel à une stratégie de réponse par stimuli ont une augmentation de l'activité observée par IRMf et de la substance grise dans la région du cerveau appelée le noyau caudé, qui est une partie du corps strié. Le corps strié est composé de plusieurs structures du cerveau qui sont reconnues pour leur rôle dans le développement des habitudes et de la dépendance.

Notre dernière étude a montré que 80% des jeunes adultes sains qui jouent à des jeux vidéo d'action utilisaient une stratégie de réponse par stimuli, alors que seulement 40% des individus ne jouant pas aux jeux vidéo d'action utilisaient cette même stratégie. En conséquence, le fait d'utiliser une stratégie de réponse par stimuli serait très probablement associé à moins d'activité et de substance grise dans l'hippocampe chez les amateurs de jeux vidéo d'action. Le lien de causalité entre le fait de jouer à des jeux vidéo d'action et l'atrophie de l'hippocampe reste encore à établir. Toutefois, il existe déjà beaucoup d'éléments de preuves pour étayer ces faits parce que les joueurs de jeux vidéo observés dans la recherche du Dr Kuhn, de l'Institut Max Planck, à Berlin, ont plus de substance grise dans le corps strié, qui comprend le noyau caudé.

Selon des études menées par le laboratoire du Dr Erickson, du Département de psychologie de l'Université de Pittsburgh, une augmentation de la substance grise dans le corps strié prédisposait les joueurs de jeux vidéo à acquérir de meilleures performances dans le jeux. Et enfin, les études du Dr Kuhn ont également montré que certains jeux vidéo d'action sont associés à une réduction de la substance grise dans une région du cerveau anatomiquement connectée à l'hippocampe, son voisin le cortex entorhinal. De plus, il faudrait noter que l'équipe du Dr Kuhn a également publié des articles sur les effets positifs des jeux de plateforme (par exemple Super Mario 64), des jeux de logique et des casse-têtes sur l'hippocampe et le cortex entorhinal.

Nous devons parler du lien entre les jeux vidéo et la maladie mentale, maintenant. La plupart des jeux vidéo d'action, spécifiquement les jeux de tir à la première personne, sont cotés «Adultes» (voir www.esrb.org - en anglais). Étant donné que le temps passé à jouer à certains jeux vidéo d'action est associé à une atrophie du cortex entorhinal, le fait de s'exposer à ces jeux depuis l'enfance peut nuire au développement normal du cerveau.

C'est pour cela que les cotes devraient être respectées, et les enfants ne devraient pas pouvoir jouer aux jeux classés pour adultes. Il faudra encore quelques décennies pour que la recherche scientifique prouve le lien de causalité entre les jeux vidéo d'action et la maladie mentale. D'ici là, il sera trop tard, pour toute une génération de joueurs, pour modifier leur style de vie. Entre-temps, si vous êtes un adulte adepte des jeux vidéo d'action, jouez avec modération. Essayez de stimuler votre hippocampe, le plus possible, de façon quotidienne. Lorsque vous jouez, essayer de former des cartes cognitives de votre environnement, avec les relations entre les points de repères dans l'espace, de façon à pouvoir dessiner un plan, vu de haut, de l'environnement. Choisissez des jeux favorables à la stimulation de l'hippocampe tel que les jeux de plateforme, les jeux de logique et casse-têtes.

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Ce texte est cosigné par Véronique D. Bohbot et Greg L. West

Références

Articles sources :

- West GL, Drisdelle BL, Konishi K, Jackson J, Jolicoeur P, Bohbot VD. (2015) Habitual action video game playing is associated with caudate nucleus-dependent navigational strategies. Proc. R. Soc. B, 2014, 2952. DOI: 10.1098/rspb.2014.2952

- Chambers C. and Etchells P. No, there is no evidence for a link between video games and Alzheimer's disease. The Guardian. Wednesday, May 20 2015 09.17 BST

Autres articles cités :

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