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Volontourisme ou coopération internationale?

Les dérives de l'industrie du «volontourisme», une combinaison des mots «volontariat» et «tourisme», ne sont pas rares et les détracteurs se font entendre.
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Ce billet du blogue Un seul monde, une initiative de l'AQOCI et du CIRDIS, a été écrit par Amélie Venne, responsable des communications et de la coordination pédagogique des formations à Mer et Monde.

On entend de plus en plus parler depuis quelques années du «volontourisme», une combinaison des mots «volontariat» et «tourisme», un tourisme dit utile, selon les entreprises qui les vendent. Or, les dérives de cette industrie ne sont pas rares et les détracteurs se font entendre.

Les activités de ces entreprises minent la crédibilité des organismes à but non lucratif qui offrent des projets d'initiation à la coopération internationale, un concept à la philosophie fort différente du volontourisme. Aucune étude exhaustive de ce qui se fait dans ces deux domaines n'a encore été réalisée. Il en ressort néanmoins des orientations générales et des différences qu'il est important de souligner.

Appui ou profit ?

Les organismes de coopération internationale (OCI) œuvrent pour un développement humain et durable et travaillent dans une optique de solidarité internationale. Organismes à but non lucratif, ils répondent aux besoins des partenaires et des communautés locales avec lesquels ils travaillent. Les projets et stages d'initiation à la coopération internationale, qui sont en quelque sorte les premiers pas dans le domaine, visent un échange réciproque, prônent la sensibilisation des stagiaires sur divers thèmes liés au développement international, et les incitent à l'engagement social.

Le programme Québec sans frontières, soutenu par le ministère des Relations internationales et de la Francophonie (MRIF) du Québec et coordonné conjointement avec l'Association québécoise des organismes de coopération internationale (AQOCI), en est un bon exemple.

Crédit : Pierre Coulibaly, Groupe QSF au Sénégal

Quant à elles, les entreprises de volontourisme répondent avant tout aux besoins de leurs clients et à une logique de profitabilité. Si quelques-unes affichent clairement leurs objectifs, ce qui inquiète, c'est que d'autres utilisent un vocabulaire trompeur - «volontaire», «projets de coopération», «mission humanitaire» - qui induit le public en erreur et crée une confusion sur leur réelle vocation : faire du profit.

Dans un récent article de la journaliste Isabelle Hachey, paru à La Presse, le dirigeant d'une association militant pour un tourisme éthique témoigne de la rentabilité de tels produits : «"C'est une niche très lucrative", dit Mark Watson, directeur de l'organisme britannique Tourism Concern. Il évalue les marges de profit du volontourisme entre 30 et 40 %, alors qu'elles ne sont que de 2 à 3 % dans l'industrie du tourisme traditionnel».

Pour plusieurs, ce tourisme humanitaire est l'aboutissement d'une industrie qui cherche à accrocher ceux et celles qui veulent «voyager autrement (...) et surtout ne pas passer pour un touriste». La corde sensible sur laquelle misent les entreprises de volontourisme est souvent celle du sauveur : aller montrer, aller aider, aller faire, etc. Même si les intentions des bénévoles sont louables, force est de constater que les résultats ne sont pas toujours adaptés aux réalités et aux besoins des populations locales des pays du Sud.

Formation ou information ?

La préparation des stagiaires est également au cœur de la discorde.

Pour des stages d'initiation à la coopération internationale, le processus de formation est une condition sine qua non à la réalisation d'un séjour outremer, puisqu'elle apporte des outils essentiels au bon déroulement des activités, tant pour le stagiaire que pour la communauté qui l'accueille. Par exemple, à Mer et Monde, une formation obligatoire d'en moyenne 75 heures est donnée aux stagiaires avant le départ. Ce qui constitue, en comparaison, plus d'heures qu'un cours universitaire.

On y couvre des thèmes centraux : adaptation et communication interculturelle, us et coutumes du pays, santé et sécurité, philosophie de la coopération internationale et enjeux de la mondialisation. Les stagiaires sont bien sûr appelés à acquérir des connaissances, mais aussi à développer leur savoir-être et à remettre en question des idées préconçues. On y déconstruit la notion «d'aller aider», en cherchant plutôt à éduquer aux principes d'échange réciproque et d'humilité, et en se basant sur les besoins réels du partenaire local et des communautés. Les projets d'initiation à la coopération internationale sont plus qu'un simple envoi de stagiaires : il s'agit d'un processus réfléchi, organisé et encadré, fait conjointement avec les partenaires locaux. Le processus de formation ne s'arrête pas au stage : au retour, les stagiaires comprennent davantage ce qui entretient les inégalités dans le monde, sont sensibilisés à ce devoir citoyen d'être proactif pour changer les choses, ici même et à l'étranger.

À l'autre bout du spectre, les gens qui s'engagent dans un projet de volontourisme ne comptent généralement pas sur une formation prédépart. Des informations sur le domaine d'implication et le lieu de stage sont fournies généralement par courriel avant le départ, ou parfois à l'arrivée même dans le pays.

Envoyer des stagiaires sans les former contribue certainement à renforcer les clichés sur la pauvreté et à reproduire le rapport aidant-aidé existant. Plutôt que de les conscientiser au système complexe qui entretient cette répartition inégale des richesses, on les conforte dans l'idée que leur aide est nécessaire.

Éthique : réelle ou élastique ?

En coopération internationale, un principe éthique prévaut : ne pas faire dans un pays du Sud ce que nous ne serions pas autorisés à faire ici.

Toutefois, ce principe ne s'applique pas au volontourisme : des jeunes du secondaire qui vont «enseigner» à des professeurs péruviens, une étudiante au baccalauréat en médecine qui pose des actes médicaux au Togo, des bénévoles qui prennent soin d'enfants dans un orphelinat au Cambodge alors qu'ils ne seraient jamais engagés pour le faire ici.

Un reportage à la RTBF (Radio-télévision belge) en 2014 fait d'ailleurs la lumière sur l'éthique douteuse d'un géant du volontourisme, Projects Abroad, où on propose «des missions et stages qui ne nécessitent aucune qualification particulière de la part des volontaires».

Mieux encadrer le tourisme humanitaire ?

La demande de légiférer ou de mieux encadrer le secteur du tourisme humanitaire est un sujet d'importance pour plusieurs acteurs de la coopération internationale. Ceci permettrait de prévenir les dérives éthiques, de mieux informer les stagiaires de leurs responsabilités et, surtout, d'éviter les dommages collatéraux pour les communautés locales.

Avant de participer à un projet à l'étranger, il importe donc de se questionner sur l'organisation qui le gère et le contexte dans lequel il s'inscrit : quels sont les objectifs ? Y a-t-il une préparation ? Un suivi ? Comment fonctionne la collaboration avec l'organisme partenaire dans le pays du Sud ? Quels sont les impacts sur les communautés locales ? En demeurant critique, on peut davantage s'assurer de l'éthique du projet et de l'intégrité de l'organisme qui le chapeaute.

N'hésitez pas à contacter Charles Saliba-Couture, fondateur et coordonnateur du blogue Un seul monde, pour en savoir davantage sur le blogue ou connaître le processus de soumission d'articles. Les articles publiés ne reflètent pas nécessairement les points de vue de l'AQOCI, du CIRDIS ainsi que de leurs membres et partenaires respectifs.

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